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Atelier de lecture "Extra Sensory Perception" #4

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17. Novembre 2016 - 16:00» 18:00
Jeudi 17 novembre 2016, de 16h à 18h

 

Les Laboratoires d’Aubervilliers poursuivent les ateliers de lecture qui, tous les quinze jours, proposent de mener collectivement recherches et réflexions autour d’une problématique spécifique abordée depuis différentes disciplines (l’art, les sciences humaines, la politique). Ces ateliers participent à la construction du « Printemps des Laboratoires », programmation qui se décline tout au long de l’année via des workshops, tables rondes, projections jusqu’à l’avènement d’un moment public intense. Ce rendez-vous public, qui aura lieu en juin 2017, en constitue la mise en perspective finale à une échelle internationale. Cette programmation est articulée chaque année autour d’une notion spécifique ; cette année il s’agit de « Extra Sensory Perception ».

La quatrième édition du Printemps des Laboratoires a ouvert un champ très vaste que nous souhaitons continuer à explorer pour cette nouvelle saison. Sous l’intitulé « ESP (Extra Sensorial Perception) », nous proposons de poursuivre nos réflexions.

Il sera question de comment faire de la place dans nos vies à des voix multiples et contradictoires, à un “Je” non unique, centre de gravité narratif, à des entités non-humaines et autres mondes invisibles, de comment en être remplis sans être assaillis. On se demandera ce que peut être une mystique contemporaine et dans quelle histoire hallucinée, illuminée, visionnaire nous souhaitons nous situer aujourd’hui. On cherchera les méthodes de désindividualisation afin de partager ces visions et de les rendre collectives et habitables.



Atelier # 4


Pour ce quatrième atelier de lecture, Zoé Pautet et Zoé Philibert, toutes deux jeunes dîplomées de l'Ensapc, proposent que nous étudions un extrait du texte de Vilèm Flusser & Louis Bec, Vampyroteuthis Infernalis, publié aux Editions Zones Sensibles en 2015, et plus particulièrement les chapitres 3 et 4.

Partant des travaux de Vilém Flusser et Louis Bec, Zoé Pautet et Zoé Philibert ont entamé une série de recherches pour comprendre le Vampyroteuthis infernalis : « Nous en sommes arrivées à construire un classeur documentaire récoltant articles doctissimo sur la communication non verbale, ce qui nous a amené a considérer que le Vampyroteuthis ressemble tant à un parapluie qu’à Joseph Beuys. Nous avons essayé de devenir notre sujet de recherche en nous mettant en forme de flageolet, en écrivant un scénario porno-animalier, en expérimentant la télépathie côte à côte, en mélangeant l’approche body mind centering et le documentaire animalier, en transformant la chauve-souris en être de science-fiction par le biais de l'interview d'une spécialiste en chiroptères, etc. ».

Pour cette quatrième rencontre, toutes deux proposent donc après une présentation de leur recherche que nous approfondissions les deux chapitres retenus pour découvrir Le monde vampyroteuthique et sa culture, l’univers abyssal, l’être au monde vampyroteuthique, sa pensée, sa vie en société, son art.

Le vampyroteuthis Infernalis est en effet un octopode abyssal, qui communique par la peau et émet des signaux lumineux. De cet invertébré, Vilem Flusser et Louis Bec spéculent les spécificités organiques et l’environnement pour en construire une philosophie parallèle à celle des vertébrés, plus particulièrement à celle des êtres humains.

« Il en ressort que le présent traité ne se veut pas scientifique mais fabuleux. L’humain, dans son être au monde de vertébré, doit être critiqué du point de vue d’un invertébré. Et comme la plupart des fables, celle-ci est aussi une affaire d’animaux, du moins en apparence. De te fabula narratur.»
Louis Bec

Louis Bec est Zoosystémicien, fondateur de l’Institut Scientifique de Recherche Paranaturaliste, il élabore les bases de l’Épistémologie Fabulatoire en inventant des espèces fictives qui pourtant réunissent toutes les conditions biologiques pour exister réellement. C’est sur ce principe que repose notamment le texte Vampyrotheutis Infernalisécrit avec Vliém Flusser, philosophe, écrivain et journaliste.

 

 

 




Les textes sont décidés par le groupe et lus en amont de chaque atelier. Ces ateliers sont gratuits et ouverts à tous, ils ont lieu le jeudi tous les quinze jours de 16h à 18h sur inscription.
Pour obtenir les textes étudiés, les compte-rendus de session, ou vous inscrire, contactez Pierre Simon: p.simon@leslaboratoires.org


 



Dates des ateliers à venir : les jeudis 1er et 15 décembre 2016 ; puis 5 et 19 janvier, 2 et 16 février, 2 et 16 et 30 mars, 13 et 27 avril 2017 (de 16h à 18h).


 

Labo des Labos

Le concours / Modalités d'inscription

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Le concours / MODALITES D'INSCRIPTION





Chacun possède une aptitude ou un talent particulier :
Vous savez faire le meilleur gâteau, le poirier le plus longtemps,
ou avez un talent caché !

Rejoignez-nous en vous inscrivant au concours
« LES TALENTS D’AUBERVILLIERS » !

À l’issue du concours, les lauréats laisseront leur trace à Aubervilliers :
un monument dans l’espace public réalisé par l’artiste tchèque Kateřina Šeda !

INSCRIPTIONS AU CONCOURS :
du 1er septembre au 12 novembre 2016
par email à lestalents@leslaboratoires.org
par téléphone au 01 53 56 15 90
ou sur place aux Laboratoires d’Aubervilliers
(41 rue Lécuyer à Aubervilliers)


INSCRIPTIONS
Du 1er septembre au 12 novembre 2016

1. Pour s’inscrire au concours LES TALENTS D’AUBERVILLIERS:
par email à lestalents@leslaboratoires.org, par téléphone au 01 53 56 15 94
ou sur place aux Laboratoires d’Aubervilliers (41 rue Lécuyer à Aubervilliers), ou en remplissant la Fiche de Candidature sous ce lien : FICHE DE CANDIDATURE

2. En vous inscrivant, indiquez le talent que vous souhaitez présenter.

3. Vous pouvez vous inscrire seul ou à plusieurs.

4. Il n’y a pas de limite d’âge pour participer au concours.

5. Les participants doivent résider à Aubervilliers.

6. Une confirmation vous sera envoyée, vous indiquant la date et l’heure de la présentation de votre talent, ainsi que les modalités du concours.


LE CONCOURS AURA LIEU
SAMEDI 19 ET DIMANCHE 20 NOVEMBRE 2016

Durant ces deux jours de concours, chacun présentera son talent devant un jury composé de personnalités d’Aubervilliers issues de différents domaines (culturel, sportif, social, etc.). Le jury déterminera les gagnants du concours qui figureront sur le « Boulevard des talents d’Aubervilliers», et qui sera créé dans l’espace public de la ville.


EXEMPLES DE TALENTS

Ceci est une liste indicative, surprenez-nous avec vos talents !
Recette de la meilleure compote
Le plus beau pull tricoté
Meilleur(e) chanteur(se)
Meilleur(e) cuisinier(ère)
Maîtrise du plus grand nombre d’instruments de musique
Meilleur(e) boulanger(ère)
Meilleur(e) professeur(e)
Meilleur(e) dresseur(se) de chien, etc.....

EN 2017, LES NOMS ET LE TALENT DES LAURÉATS SERONT
INSCRITS DANS L’ESPACE PUBLIC D’AUBERVILLIERS

Pour tout renseignement :
Pierre Simon au 01 53 56 15 94 ou par email lestalents@leslaboratoires.org

Pour venir aux Laboratoires :
41 rue Lecuyer à Aubervilliers - M° Ligne 7 station Aubervilliers-Pantin
Quatre-Chemins - Bus 170, 150, 152, 249 -
arrêt Aubervilliers-Pantin Quatre-Chemins

 

Pragmatisme et mondes en train de se faire / Thierry Drumm

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Séminaire Pratiques de soin et collectifs

 

Pragmatisme et mondes en train de se faire
Par Thierry Drumm



Résumé

Les dispositifs étouffant les pratiques collectives en les référant une « réalité telle qu’elle est », autrement dit en les soumettant à une « réalité » qui « devrait être », semblent aujourd'hui susceptibles d’entonner aussi bien l’air de l’acceptation et du renoncement que de celui de « possibles » présentés comme impératifs (comme le signalent D. Debaise et I. Stengers), la principale condition étant de jouer le jeu de la reproduction du même – même monde, même nature, même existence. On pourrait, en s’inspirant du philosophe William James, nommer cette reproduction une fabrication d’univers. Résister à ces fabrications d’univers et donner consistance à d’autres possibles, cela exige, dans une perspective de part en part pragmatique, de relayer, d’intensifier et de cultiver des capacités de sentir, agir, penser, dans ces situations de destructions multiples des possibilités, humaines et plus-qu'humaines, de « vivre et mourir bien » (D. Haraway). C’est cette exigence que s’efforcent particulièrement de nourrir certaines propositions pragmatistes évoquant l’importance vitale des expérimentations et apprentissages communs qui se font et se poursuivent dans les « zones génératives » où éclatent des promesses inattendues de résurgence (A. Tsing).


Le pragmatisme, un art du relais

Le pragmatisme de William James pourrait se caractériser comme une pratique philosophique invitant à l’art de relayer – relayer des pratiques, des concepts, des propositions. On pourrait brièvement présenter le pragmatisme jamesien comme consistant à rattacher la signification et la vérité d’un concept à ses conséquences pratiques et particulières. Pour attacher une signification à un concept, il faut qu’on puisse suivre son cheminement dans nos expériences, en apprendre les effets, en expérimenter les conséquences nouvelles. Qu’on qualifie ensuite ce concept de « vrai », cela signifie alors qu’il a réalisé ses promesses, qu’il signe la réalisation d’un possible dans lequel nous placions, sans garantie, notre confiance. Les concepts ou les idées, d’un point de vue pragmatique, s’inscrivent donc dans des pratiques qui, si elles « réussissent » (car d’une certaine façon elles « marchent » de toute façon), se traduisent par une transformation de notre expérience, qui lui ajoute des significations, des importances nouvelles.

Cela revient à dire à l’inverse qu’aucun concept, qu’aucune idée n’ont de sens ou de vérité intrinsèques. Je crois que les conséquences de cette proposition sont souvent peu aperçues, mais elles sont immenses : elles aboutissent à « démoraliser » complètement la pensée. Peu importe, dit James, d’où provient une idée, l’important est d’explorer avec elle où elle vous conduit [1]. Autrement dit, rien n’« autorise » qui que ce soit à « penser ». Cette démoralisation de la pensée se double simultanément d’une exigence puissante qui nous prive de toute prétention à l’innocence : si une idée n’a pas d’autre signification que les conséquences qu’elle entraîne, alors il s’agit constamment de suivre le fil des conséquences particulières de telle ou telle pratique de connaissance, de telle ou telle idée, dans telle ou telle situation. Personne ne peut dire : c’est juste une idée, ou : c’est vrai un point c’est tout.

C’est là alors que le pragmatisme intervient comme art du relais, de la prise, de la reprise, presque au sens où l’on emploie ce terme en couture. On est conduit à s’intéresser à telle ou telle pratique, à telle ou telle idée, à tel ou tel concept philosophique, non pas du point de vue de leur supposée vérité intrinsèque ou éternelle, mais du point de vue de leurs capacités actives présentes, du point de vue de leurs conséquences pratiques pour nous, du point de vue de la différence que ces pratiques, idées, concepts pourront faire à tel ou tel égard, dans telle ou telle situation. J’aimerais ici opérer ce type de tricotage et travailler aux possibilités d’hériter de savoirs et de propositions, mon espoir étant qu’ils puissent faire une différence qui compte, de manières qui restent à inventer, pour des pratiques tenues par l’exigence de résister au business as usual. Inventer collectivement des possibilités collectives de vivre et mourir bien dans des mondes que n’habitent pas seulement des humains est une nécessité vitale. C’est à cela, je l’espère, que les propositions que j’apporte pourront concourir.


Empreintes digitales et noms

Je vais principalement chercher à relayer certains aspects du travail de trois philosophes et anthropologues : William James, Donna Haraway et Anna Tsing [2], et tâcher de travailler avec certaines propositions, dans leurs travaux, évoquant des expériences et situations qu’il et elles nomment zones génératives, zones de contact, bordures agitées, marges, franges, frontières… J’évoquerai pour commencer une situation pratique difficile, que j’emprunte à l’historien Carlo Ginzburg, en m’en saisissant d’une façon légèrement différente de celle qui intéressait Ginzburg. Dans son texte intitulé « Traces. Racines du paradigme indiciaire », Ginzburg évoque les situations qui ont conduit à l’invention, à la fin du XIXe s., du système de gestion des populations par les empreintes digitales, notamment dans les travaux de Francis Galton. Ginzburg évoque…

« L’usage, attesté en Chine, et surtout au Bengale, consistant à imprimer sur des lettres et des documents un bout de doigt maculé de poix ou d’encre [et qui] avait probablement derrière lui toute une série de réflexions de caractère divinatoire. Qui était habitué à déchiffrer des écritures mystérieuses dans les veines des pierres ou du bois, dans les traces laissées par les oiseaux ou dans les dessins imprimés sur le dos des tortues devait arriver sans effort à considérer comme une écriture les lignes imprimées par un doigt sale sur une surface quelconque. En 1860 Sir William Herschel, administrateur en chef du district du Hooghly au Bengale, remarqua cet usage répandu parmi les populations locales, en apprécia l’utilité et pensa s’en servir pour un meilleur fonctionnement de l’administration britannique. [...] En réalité, observa rétrospectivement Galton, le besoin d’un instrument d’identification efficace se faisait grandement sentir dans les colonies britanniques, et pas seulement en Inde : les indigènes étaient analphabètes, querelleurs, rusés, menteurs et, aux yeux des Européens, tous semblables. En 1880, Herschel annonça dans Nature qu’après dix-huit ans d’expérimentation, les empreintes digitales avaient été officiellement introduites dans le district du Hooghly où depuis trois ans elles étaient utilisées avec d’excellents résultats. Les fonctionnaires impériaux s’étaient approprié le savoir indiciaire des Bengalis et l’avaient retourné contre eux. / Galton partit de l’article de Herschel pour repenser et approfondir systématiquement la question dans son intégralité. Ce qui avait rendu son enquête possible avait été la confluence de trois éléments très différents. La découverte d’un pur savant comme Purkyně [3] ; le savoir concret, lié à la pratique quotidienne de la population du Bengale ; la sagacité politique et administrative de Sir William Herschel, fidèle fonctionnaire de Sa Majesté britannique. Galton rendit hommage au premier et au troisième. [...] Ce qui aux yeux des administrateurs britanniques était auparavant une foule indistincte de « trognes » bengalis [...] devenait donc subitement une série d’individus marqués chacun d’un trait biologique spécifique. Cette prodigieuse extension de la notion d’individualité se produisait en fait à travers le rapport à l’Etat et à ses organes bureaucratiques et policiers. Le dernier habitant du plus misérable village d’Asie ou d’Europe devenait lui aussi, grâce à ses empreintes digitales, susceptible d’être reconnu et contrôlé. » [4]

Ginzburg n’insiste pas sur ce point, mais dans ce récit terrifiant, une divergence saisissante apparaît entre la pratique divinatoire bengalie et la pratique policière britannique. La pratique bengalie nous fait plonger au cœur de ce que James appellera « zone générative ». Comme dans « notre » chiromancie, on y a affaire à une expérimentation sensible dans laquelle on s’attache à percevoir des avenirs possibles. Dans la pratique policière, cette technique inventive et interprétative est transformée en procédé d’identification individuelle instaurant un soi permanent tout au long de la vie.

Je vais évoquer un second cas (je dis bien cas, et non exemple) parce qu’au-delà de sa similitude avec le cas précédent (la transformation d’une pratique relationnelle en technique de gestion policière), il rend sensibles d’autres choses encore, qui nous seront précieuses pour nous libérer de la vision mélancolique d’une inévitable destruction des lieux vivants. Dans son livre récent, Les âmes sauvages, Nastassja Martin [5] évoque la résistance des Gwich'in en Alaska, victimes à la fois des industries extractives qui détruisent leur terre et des environnementalistes qui voudraient les transformer en éleveurs et les empêcher de chasser les animaux, en particulier les emblématiques élans. Comme en France, ou ailleurs, et bien que de manière à chaque fois spécifique, les noms que portent les gens sont relationnels. Chez les Gwich'in, ce caractère relationnel était particulièrement marqué. Le nom s’imposait peu à peu sans que personne n’en décide véritablement et changeait plusieurs fois au cours de la vie. C’était quelque chose comme un sobriquet, lié à un événement ou à une anecdote, et volontiers ironique ou moqueur [6]. C’est une des premières choses que les missionnaires ont voulu briser en donnant à chacun et chacune un nom chrétien unique et permanent. Nastassja Martin écrit :

« Puisque appeler quelqu'un, c’est bien l’évoquer et même le résumer, aucune violence plus grande ne pouvait être faite que de demander aux hommes d’abandonner leurs qualificatifs, évolutifs tout au long de leur vie, et d’en adopter un seul, fixe et stable, sédentaire, unique, qui les suivrait jusqu’à leur mort. [...] D’une foule de qualificatifs, d’adjectifs mouvants sans cesse en transformation, d’associations inventives empruntant tant au registre des animaux qu’à celui des hommes ou du milieu en général, on passe à l’attribution définitive de prénoms bibliques qui ne peuvent pas être en mesure d’évoquer un mode relationnel incarné dans un environnement spécifique, puisqu’ils ont été inventés ailleurs et qu’ils ont une manière totalement différente d’exprimer, de résumer les personnes qui les portent ». [7]

N. Martin cite ensuite les travaux d’André Burguière, qui signale la vitalité toujours forte des surnoms-sobriquets en France et montre la manière dont, sous l’Ancien Régime, la dénomination a été, notamment par le biais du culte du saint patron, le lieu d’exercice d’un « nouveau contrôle social où le pouvoir ecclésiastique confortait le pouvoir administratif : démanteler les solidarités traditionnelles pour intervenir directement sur l’individu ou le noyau familial » [8]. N. Martin poursuit :

« Il semble que l’extrême flexibilité et fluidité qui existait dans l’attribution d’un nom avant l’arrivée des missionnaires ait favorisé l’adoption des noms de baptême ; les Gwich'in ne prêtent que peu d’importance aux noms figés qui placent les gens dans des catégories trop stables et non dynamiques : c’est bien pour cela qu’ils en changeaient régulièrement et qu’ils étaient souvent très sarcastiques dans leurs choix. Le qualificatif qu’on leur attribuait ne les définissait que partiellement et temporairement, selon la tranche d’âge dans laquelle ils se trouvaient et les modalités relationnelles qu’ils observaient avec certains éléments de leur milieu. A cela il convient d’ajouter un fait non négligeable : au milieu du XIXe siècle précisément, les missionnaires sont ces autres – humains mais différents –, ces nouveaux arrivants avec lesquels les Gwich'in sont en relation constante. Leur présence est littéralement extraordinaire : on peut imaginer que les Gwich'in, en changeant de nom lors du rituel du baptême, aient agi selon leur esthétique propre, en accordant une place de choix aux êtres extérieurs qui les touchaient tout particulièrement, ceci en adoptant une portion de l’individualité de ces autres pour l’intégrer au sein même de leur vie quotidienne grâce aux prénoms. » [9]

Il ne s’agit aucunement de « relativiser » la violence de pratiques colonialistes et dominatrices telles que celles que je viens d’évoquer, mais peut-être de faire sentir l’incapacité de ces pratiques elles-mêmes à fabriquer effectivement des individualités absolument closes, faire sentir leur incapacité à « comprendre » de façon complète et transparente ce qu’elles fabriquent.



Les choses en train de se faire et les zones génératives

Je m’inspire de William James, philosophe pragmatiste, pour appeler de telles pratiques impérialistes et policières des « fabrications d’univers ». James a travaillé à une philosophie qu’il appelle « empirisme radical », qu’il caractérise de différentes façons. On pourrait brièvement caractériser l’empirisme, en tout cas d’un point de vue jamesien, comme une philosophie refusant d’attribuer à une supposée faculté mentale, qu’on l’appelle « pensée » ou « raison », la capacité de définir par avance ou a priori les expériences. Dans cette perspective empiriste, le schème philosophique qu’on pourra chercher à concevoir doit obéir à la contrainte de ne nier l’existence d’aucune chose dont on fait l’expérience. A cet égard, l’empirisme qu’invente James se veut « radical », au sens où, précise James, on refusera le présupposé d’une continuité globale ou d’une unité générale des expériences. Nos expériences viennent toujours par bouts, par fragments, par morceaux. Nous parlons d’« uni-vers » sans même y penser, alors qu’il s’agit d’une « hypothèse » [10] non seulement franchement invraisemblable (toute expérience ferait « bloc » avec toute autre expérience !) mais surtout pragmatiquement désastreuse. C’est ce second point qui importe le plus pour nous ici.

Dans son livre Un univers pluraliste, James travaille à cette pragmatique du relais dont j’ai parlé précédemment, reprenant certaines propositions d’autres philosophes, et notamment de son ami Bergson. Celui-ci rend James capable d’un cri extraordinaire : « Ce qui existe vraiment, ce ne sont pas des choses faites, mais des choses en train de se faire » [11] ! Cette proposition n’a rien d’anodin, ses conséquences sont renversantes ! Il s’agit d’une proposition très directement liée aux enjeux relatifs à l’empirisme radical et à la résistance aux fabrications d’univers. Les fabrications d’univers semblent en effet inséparables d’une affirmation concernant l’existence d’une supposée « réalité telle qu’elle est », toujours identique à elle-même, quand bien même elle se déploierait au long d’une Histoire « h majuscule ». Si on pose un tel univers de choses « telles qu’elles sont », alors on ne peut plus vouloir penser, sentir ou agir que de façon à leur « correspondre ». On invente pour tous les êtres une façon « correcte » de penser, sentir et agir. En bref, la philosophie universaliste est immédiatement et nécessairement impérialiste, de façon plus ou moins brutale ou compatissante pour celles et ceux qui ne comprennent pas que « le monde est ainsi fait ». 

Affirmer que ce qui existe, ce ne sont pas des choses faites, mais des choses en train de se faire, c’est se rendre capable de demander des comptes à toutes les pratiques qui fabriquent des univers alors même qu’elles prétendent ne rien faire que « révéler » l’unique et seul monde auquel tous les êtres appartiennent, qu’ils le veuillent ou non. Bien plus, c’est se rendre capable de suivre pratiquement les dispositifs concrets par lesquels se mettent en place de tels univers et se rendre simultanément sensible aux interstices par lesquels peuvent surgir des forces d’existence renouvelées ou intensifiées. A la proposition « bergsonienne » de James se joint alors une autre proposition, qui concerne l’importance de déplacer notre attention vers les expériences transitives, les zones métamorphiques, les sentiments de tendance, les intervalles entre les choses que nous tenons pour plus stables. Une partie importante du travail de James a d’abord porté sur des questions de psychologie, déployées dans son livre de 1890, The Principles of Psychology. Il s’agit d’une psychologie qui, loin de décrire un supposé fonctionnement intrinsèque de la pensée, s’intéresse et nous intéresse passionnément aux manières dont des actions, des sensations, des conceptions se font. Un aspect important du livre, et que je souhaite amplifier, se rattache à l’idée de « champ » (field), « champ de conscience », mais qu’on pourrait considérer comme un champ d’expérience. Le propos de James est le suivant : nous avions jusqu’à récemment tenu ce dont nous sommes conscients à un moment donné pour une somme de choses discrètes et individuées, juxtaposées. Cela ne correspond pourtant pas du tout à notre expérience attentive concrète. Celle-ci vient toujours comme un « tout », mais un « tout » multiple, une masse épaisse de choses, un emmêlement hétérogène sans coupures nettes. Notre expérience ne vient pas comme une totalité unifiée (un univers), mais elle ne vient pas non plus comme un monde-tas-de-sable, on pourrait peut-être mieux la comparer à un gruau : elle est dense, volumineuse, épaisse, fibreuse, et non homogène. Dans un livre ultérieur, James revient sur l’apparition de ces nouvelles conceptions en psychologie :

« L’expression "champ de conscience" est devenu en vogue dans les livres de psychologie depuis peu de temps. Jusque tout récemment l’unité de vie mentale qui y était la plus représentée était l’"idée" isolée, supposée être une chose précisément délimitée. Mais à présent les psychologues tendent, d’abord, à admettre que l’unité effective est plus probablement l’état mental total, l’entière vague de conscience ou l’entier champ d’objets présents à la pensée à tout moment ; et, deuxièmement, à voir qu’il est impossible de délimiter cette vague, ce champ, avec quelque précision. [...] Le fait important que commémore cette formule du "champ" c’est l’indétermination de la marge. » [12]

Il ne faut pas oublier que cette caractérisation semble convenir très bien aux expériences que mènent les êtres « au grand air » (je vais y venir) et qu’il s’agit précisément pour nous de l’emmener au-delà de toute représentation d’une expérience « mentale » opposée à un monde matériel. Je reviens pour l’instant à ce que James appelle « champ de conscience ». Si l’on parle de « champ de conscience », on peut alors y distinguer un « foyer » et des « marges ». Le « foyer » n’est pas un « objet » ou une chose prédéfinie, il s’agit plutôt d’une sorte de thème principal de notre expérience à tel moment. Mais dès lors, ce sont d’abord les marges entourant le foyer de notre expérience qui revêtent une importance spéciale. C’est là que se fabrique le sens de l’expérience focale, c’est là que s’élaborent les relations qui donnent sa consistance particulière à la part plus saillante de notre expérience. C’est là que l’action se passe [13]. Ces expériences marginales, ces expériences de relativité, de transition, de traduction, de passage ont passionné James, qui nous fait sentir l’importance cruciale de leur accorder toute leur place dans nos manières de caractériser l’expérience. C’est leur omission qui a participé à la représentation du « monde » comme une collection d’objets juxtaposés, soumise à une logique combinatoire et à des pratiques de gestion, plutôt que comme un emmêlement d’êtres actifs parcourus de failles, d’interstices, de zones génératives. James insiste fortement sur ce point dans l’extrait cité : ce qui est vraiment important dans cette caractérisation nouvelle de l’expérience, c’est qu’elle implique l’indétermination de ces zones marginales.

James donne de nombreux exemples de ces expériences génératives qui sont comme un chaudron souvent dissimulé ou inapparent tant que nous agissons dans des situations relativement stabilisées. Quand nous essayons en revanche de nous souvenir d’un nom oublié ou quand le devin se penche sur l’empreinte digitale (James a longtemps travaillé avec des médiums), l’expérience est parcourue par « une faille intensément active » [14]. Ce sont ces failles actives qui sont omises et attaquées dans les fabrications d’univers. Elles sont attaquées de différentes façons, dans des technologies de gestion et d’identification comme on a pu le voir dans les cas précédents, et aussi, et puissamment, par le biais d’un usage très particulier des probabilités, employées pour définir le réel, ou ce qui doit être réel, ce qu’il faut accepter de reproduire, tout en tenant les expériences transitives, métamorphiques, les zones d’indétermination, pour des « données » littéralement insignifiantes. Il s’agit de dispositifs politiques constituant le probable comme définition de l’avenir. Face à ces tentatives de définir une « réalité » par le biais de probabilités ou de moyennes, James nous invite à ne pas nous laisser subjuguer au point d’omettre ce que l’expérience nous apprend. « [...] parmi toutes les différences qui existent, les seules qui nous intéressent fortement sont celles que nous ne tenons pas pour admises. » [15] Nous ne sommes ni émerveillés ni choqués en constatant que notre ami humain marche sur deux pattes ou que notre chien court plus vite que nous, en revanche un intérêt vivant s’attache à ce que notre chien ou notre ami peuvent dire ou faire, sans que cela soit « acquis ». « Il y a ainsi une zone d’insécurité dans les affaires humaines dans laquelle repose tout l’intérêt dramatique ; le reste appartient à la machinerie morte de la scène. » [16] C’est ce que James appelle également la « zone générative » [17]. C’est « la zone des processus génératifs, la bordure dynamique de l’incertitude frémissante, la ligne où passé et futur se rencontrent. C’est le théâtre de tout ce que nous ne tenons pas pour acquis, la scène du drame vivant de la vie » [18].

L’époque présente, sans même tenir compte de sa diversité intrinsèque, est évidemment très différente de celle de James à de nombreux égards. Nous semblons assister aujourd'hui à une véritable exaltation des possibles, rien ne devant arrêter les projets de conquête de l’Homme, h majuscule, appelé désormais à contrôler la planète Terre elle-même. Mais ces possibles-là n’ont bien sûr que faire des incertitudes frémissantes. C’est pourquoi l’attention jamesienne aux failles actives, comme l’insistance des possibles qu’évoquent Didier Debaise et Isabelle Stengers [19], doivent s’entendre dans leur particularité créatrice, nous amenant à résister au monde probable que nous devrions accepter.


Confiance collective et avenir

Dans le passage cité précédemment, où James évoque la « bordure dynamique de l’incertitude frémissante », il poursuit en décrivant la zone générative comme « la ligne où passé et futur se rencontrent ». Il ne s’agit pas ici (ou pas exclusivement) d’une  formule poétique. Si les zones génératives sont des lieux agités, ce sont aussi les temporalités qui s’y agitent, des mouvements s’y produisent sans séquence régulière. En particulier, d’après James, on a comme affaire à une pénétration d’avenir dans le présent (un « avenir » indéterminé, pas « le futur »). Pour souligner ce point, James évoque à plusieurs reprises l’image du saut de l’alpiniste [20]. Imaginez que vous vous trouviez en montagne au bord d’un gouffre, sans possibilité de revenir en arrière. Vous n’êtes pas certain de pouvoir le franchir d’un bond. Mais il se pourrait que, dans cette situation, votre confiance en votre capacité à franchir le gouffre constitue un facteur décisif. Autrement dit, il se pourrait que vous y parveniez grâce à votre confiance en votre capacité de le faire. La confiance en un possible contribue à le réaliser. L’exemple est frappant, mais pour une fois il s’agit vraiment d’une simple illustration. En effet, l’exemple présente un trop faible coefficient de résistance à son interprétation « utilitariste » [21] : il y aurait des croyances utiles du point de vue de notre intérêt immédiat. En réalité, James présente ces irruptions transformatrices comme l’ajout, sans garantie, d’une dimension supplémentaire, qui, loin d’offrir une solution rêvée aux problèmes tels que formulés dans la situation immédiate, conduit à de véritables métamorphoses de la situation.

Et ces métamorphoses sont nécessairement collectives. C’est encore un point de simplification dans l’expérience de l’alpiniste qui semble agir seul, puisant dans sa confiance personnelle. Or, dans des passages essentiels, James insiste sur la dimension collective de ces métamorphoses. Dans son livre Le pragmatisme, James présente le monde lui-même comme « un projet social de travail coopératif réellement à accomplir. Te joindras-tu au cortège ? Te feras-tu suffisamment confiance à toi-même ainsi qu’aux autres acteurs pour courir le risque ? » [22] Dans le roman City of Refugeécrit par Starhawk, l’un des personnages dit : « La révolution, comprenez-le, est une forme de magie. Un tour de passe-passe, une illusion que nous rendons réelle. » Elle poursuit en évoquant l’action des activistes égyptiens en janvier 2011. Les activistes comprirent que les gens agiraient si les autres agissaient aussi. Il fallait faire croire que c’était le moment. Les activistes firent circuler des mensonges qui se transformèrent en prédictions. Ils organisèrent des marches dans des rues étroites où un groupe de personnes prend l’apparence d’une foule. Et le 25 janvier 2011 fut le jour où tout le monde sortit parce que tout le monde sortit [23].

Si la confiance collective à travers laquelle peut s’instaurer une zone générative a à voir avec la magie, c’est, on le voit, aussi au sens où magie et technique, loin de se contredire, vont de pair. La confiance comme force circulant dans le collectif et faisant frémir des fragments de possibles à venir ne tombe pas du ciel par miracle, il faut la négocier, la fabriquer très techniquement, en sentir les variations, et également faire attention et résister aux dispositifs capables de la briser ou du moins de la limiter. Toujours dans La volonté de croire, James écrit :

« Tout un train de voyageurs (individuellement plutôt courageux) sera pillé par une poignée de bandits de grand chemin, simplement parce que ces derniers peuvent compter les uns sur les autres, tandis que chaque passager craint que, opérant le moindre mouvement de résistance, il ne soit tué avant que quiconque parmi les autres ne vienne en renfort. Si nous croyions que le wagon tout entier se dresserait en même temps que nous, nous nous dresserions chacun séparément, et personne jamais ne tenterait même de dévaliser un train. Il y a ainsi des cas où un fait ne peut pas du tout se produire à moins que n’existe une foi préparatoire en son avènement. » [24]

L’histoire des transports est bien entendu simultanément une histoire politique. La promotion de la voiture privée et du pavillon domestique de banlieue est bien un dispositif dont la capacité à purifier les zones de contact fait peu de doute. Dans la situation imaginée par James, on a bien affaire à un transport collectif, mais qui n’a déjà plus rien d’un transport en commun. La situation imaginée par James rend sensible à l’importance de préserver, d’expérimenter, de nous réapproprier des communs où des forces collectives puissent frémir. Dans cet exemple, j’imagine volontiers le pillage comme faisant écho aux destructions accélérées des possibilités de vivre bien ensemble sur Terre. De ce point de vue, si les forces de métamorphose surprennent toujours, le danger serait ici de les attendre comme un miracle ne demandant aucun travail.


S’entraîner dans la zone de contact

J’ai parlé jusqu’à présent des incertitudes frémissantes, des indéterminations marginales et des forces qui peuvent y surgir, comme si elles ne concernaient que les humains seuls. Mais c’est justement une des conséquences mêmes de la proposition relative aux mondes en train de se faire que de ne laisser aucune place, pas la moindre place, à quelque exceptionnalité humaine que ce soit. Nous ne contribuerons pas au déploiement des possibles surgissant dans les zones génératives sans cultiver une attention intense aux emmêlements actifs, puissants et vitaux de tous les autres êtres terrestres entre eux et avec nous. Nous n’instaurerons pas et ne restaurerons pas des capacités à vivre et mourir bien ensemble sur Terre sans apprendre au contact des forces résurgentes dans des mondes plus-qu'humains auxquels nous participons et dont nous tenons notre existence. Les capacités qui s’inventent dans les zones génératives et qui épaississent nos existences concernent bien plus que les relations de supposés « sujets » humains.

Donna Haraway raconte depuis plusieurs années les co-devenirs multispécifiques qui s’inventent, notamment dans le rapport que sa chienne Cayenne et elle entretenaient. « Si nous sommes sensibles à l’absurdité de l’exceptionnalisme humain, alors nous savons que devenir, c’est toujours devenir avec– dans une zone de contact d’où ce qui sort, où qui est dans le monde, est en jeu. » [25] Haraway reprend ici l’expression « zone de contact » à Mary Louise Pratt [26], qui l’emploie pour désigner les expériences de traduction imparfaite et bifurcante dans les situations de « contact » coloniales, des « zones de contact » dont les problèmes et enjeux ont aussi été explorés de façon importante par la science-fiction [27]. La zone de contact évoquée par Haraway est en particulier celle qui est constituée-explorée dans le sport d’agility qu’elle pratiquait avec sa chienne. L’agility est un sport dans lequel la chienne et son humaine doivent parcourir le plus rapidement possible une série d’obstacles sans commettre de fautes. Plusieurs obstacles présentent une zone peinte en jaune, une couleur facilement reconnaissable pour la chienne, et que celle-ci doit impérativement toucher pour que le franchissement soit validé.

« Cayenne et moi avons été près de nous tuer l’une l’autre dans cette zone de contact. Le problème était simple : nous ne nous comprenions pas l’une l’autre. Nous ne communiquions pas ; nous n’avions pas encore de zone de contact nous emmêlant l’une l’autre. [...] Cette bande peinte est le lieu où Cayenne et moi avons appris nos plus dures leçons concernant le pouvoir, la connaissance et les importants détails matériels des emmêlements. » [28]

La zone de contact, en plus de désigner le dispositif très technique de la bande de couleur jaune des obstacles, désigne donc ici la constitution d’une relation transmarginale dans laquelle s’expérimentent, de façons qui n’ont rien d’immédiat, des possibilités nouvelles d’existence co-opératives et co-laboratives. Il s’agit bien d’un engagement dans des mondes-se-faisant, qui change la signification de la situation dans laquelle les partenaires sont emmêlées. Autrement dit, il ne s’agit pas de la rencontre de « sujets » préconstitués mais de l’exploration de possibilités de réinventer et de compliquer, ensemble, qui chacun est. « La question entre animaux et humains ici est, Qui es-tu ? et donc, Qui sommes-nous ? / Qui n’est pas un pronom relatif dans les relations co-constitutives appelées entraînement ; c’est un pronom interrogatif. Toutes les parties enquêtent et sont enquêtées si quoi que ce soit d’intéressant, quoi que ce soit de nouveau, doit survenir. En outre, qui se réfère aux partenaires-se-faisant à travers les relations actives de cofaçonnement, pas à des individus humains et animaux possessifs dont les frontières et les natures sont établies avant les emmêlements du devenir ensemble. » [29]

James posait la question : Te feras-tu suffisamment confiance à toi-même ainsi qu’aux autres ? Ce qu’Haraway fait sentir, c’est combien cette confiance suppose d’entraînement, d’expérience, de recherche, non pas pour être « donnée », comme s’il s’agissait d’un contrat passé par des sujets autonomes, mais bien pour être « accordée », en entendant dans ce terme l’apparition d’une résonance mutuelle nouvelle. Le jeu est une pratique puissante pour créer ce type d’accordage et d’alliance asymétriques. « Le jeu (play) construit de puissants liens affectifs et cognitifs entre partenaires » [30]. Cet accordage ajoute alors à la situation une dimension et une densité nouvelles, résistant à l’absorption dans la gestion d’une réalité prédéfinie. « La venue à l’être de quelque chose d’inattendu, de nouveau et de libre, quelque chose hors des règles de la fonction et du calcul, quelque chose qui n’est pas régi par la logique de la reproduction du même, est ce sur quoi porte l’entraînement. »  Haraway évoque, dans ces réussites, la joie mutuellement éprouvée, « quelque chose que nous goûtons, pas quelque chose que nous connaissons dénotativement ou que nous utilisons instrumentalement. » [32]



Frictions, frontières, intervalles

On peut reprendre un peu ici quelques-unes des caractérisations associées jusqu’à présent aux zones génératives, non pas pour faire le point, mais pour éprouver les effets que ces propositions pourraient déjà avoir eu sur nous. Les zones génératives ne correspondent pas à des lieux particuliers, bien qu’elles puissent acquérir une intensité dramatique dans certains lieux. Elles concernent nécessairement une diversité d’êtres, parfois humains, pas forcément vivants, elles ne correspondent jamais à l’action d’un « individu ». J’aimerais maintenant ajouter une maille supplémentaire à notre tricot, une maille pour laquelle je vais principalement m’adresser au travail de l’anthropologue et philosophe Anna Tsing. Cette maille consiste à dire que les zones génératives n’ont strictement aucune qualité « morale ». Elles ne sont ni bonnes ni mauvaises par elles-mêmes. Pour le dire encore autrement, les fabrications d’univers dont je parlais plus haut se constituent également dans des zones de contact. Dans son livre Friction, Anna Tsing [33] s’intéresse particulièrement à ces constitutions d’expériences actives qu’on peut appeler « frontière ». La « frontière » s’entend ici au sens qu’une partie de l’histoire coloniale nord-américaine a donné à ce terme : la limite séparant le monde humain civilisé d’un espace naturel sauvage et primitif offert à son expansion. La frontière, comme le montre Anna Tsing, non seulement n’a rien de naturel, mais elle se constitue également dans la friction locale et particulière d’une collaboration entre des parties diversement intéressées à la faire exister. Elle constitue une technologie concrète et imaginaire permettant de percevoir un « espace naturel » offert à l’extraction de « ressources ». « Les frontières ne sont pas de simples bordures ; elles sont des sortes particulières de bordures où la nature expansive de l’extraction est à son affaire. Construites sur les modèles historiques de conquête européenne, les frontières créent du sauvage (wildness) afin que certains – et pas d’autres – puissent en récolter les fruits. » [34] Les frontières « ne sont pas simplement découvertes dans les marges ; elles sont des projets de fabrication d’expérience géographique et temporelle. Les frontières font le monde sauvage (wildness) » [35].

En tant qu’anthropologue, Anna Tsing a principalement travaillé parmi et avec les Dayaks des Monts Meratus dans le Kalimantan du Sud, en Indonésie.

« La frontière, en effet, est venue au Kalimantan. Elle n’a pas toujours été là. Les projets hollandais de plantation avaient pour l’essentiel contourné le Kalimantan dans la période coloniale précédant la Seconde Guerre mondiale, permettant aux autorités coloniales de traiter les indigènes comme des sujets de royaumes et de cultures. Les Dayaks du Kalimantan, bien que pour eux manifestement non civilisés, étaient tout de même vus comme ayant des lois et des frontières territoriales, non un espace sauvage (wilderness) à occuper. » [36]

C’est dans la perspective extractiviste et capitaliste de l’exploitation de ressources et de jouissance d’un environnement sauvage que les mondes doivent être imaginés sur le modèle d’une « nature » occupée par des « sujets humains ». « L’activité de la frontière est de faire des sujets humains aussi bien que des objets naturels. » [37] La magie que j’évoquais précédemment en rapport à des expériences collectives transformatives et régénératrices est tout à fait à l’œuvre également dans ces politiques extractives et destructrices, comme le montre Anna Tsing de façon très frappante : « La culture de frontière est un acte d’évocation, car il crée la régionalité sauvage et en extension de son imagination. Elle évoque un translocalisme conscient, partie prenante de l’oblitération de zones locales. » [38] C’est une expérience de vision magique. Il s’agit de voir un paysage qui n’existe pas encore. La régionalité de frontière « doit constamment éradiquer les droits des résidents pour créer ses espaces sauvages et vides où découvrir des ressources, et non les voler, est possible. » [39]

Robert Harrison décrit un processus similaire dans la loi de la forêt en Angleterre. Il évoque en particulier le travail d’un juriste de la fin du XVIe siècle, John Manwood. Le processus est similaire, tout en étant bien entendu radicalement différent, et c’est pour cela qu’il est intéressant : il nous rend sensibles à la multiplicité des modes d’installation de « mondes naturels », qui peuvent se traduire par des politiques extractivistes et capitalistes comme en ce qui concerne la « frontière » installée au Kalimantan, mais aussi bien par des politiques de préservation d’un monde naturel dont  les humains sont supposés ne pas faire partie.

« Ecrivant vers la fin du règne d’Elisabeth Ire, en un temps où, la Loi de la forêt étant fréquemment enfreinte, les forêts d’Angleterre se dégradaient rapidement, John Manwood, juriste, gardien des chasses de Waltham Forest, et juge de New Forest, exposa de manière systématique les anciennes lois concernant l’afforestation et la préservation de la nature. Rares étaient les lois anciennes encore respectées ; il le reconnaissait et déplorait le laxisme général dans leur application. Manwood, semble-t-il, entreprit de défendre ces lois, non en tant que monarchiste, mais en tant que naturaliste. Le monarque était le seul, selon lui, à pouvoir préserver la vie sauvage des ravages de l’exploitation. » [40]

Le monarque, en tant que souverain, doit s’occuper du monde naturel, « et l’on doit empêcher le monde vorace des sociétés humaines de s’approprier entièrement la terre à ses propres fins. Des sanctuaires de nature originelle doivent toujours exister. » [41] Il ne s’agit surtout pas de ramener ces processus au même, mais ce qu’ils partagent, c’est l’installation d’un monde naturel – qu’il s’agisse de le préserver ou de l’exploiter – dont les humains sont séparés [42]. Ce qu’Anna Tsing montre encore, avec d’autres, c’est que l’installation de ces mondes naturels, distinguant sujets et objets, humains et nature, doit nécessairement mettre en place des technologies d’individualisation, de purification, d’effacement des expériences transitives associant des êtres hétérogènes. En bref, il s’agit de rendre les zones de contact inopérantes.

Je reviens pour un moment au Monts Meratus du Kalimantan du Sud où vivent les Dayaks Meratus. Dans Friction, Anna Tsing explique comment, dans la situation politique que traduit le régime « New Order » du Président Suharto, le Kalimantan est redéfini comme un type particulier de frontière faisant des forêts des Monts Meratus un lieu d’extraction notamment pour les compagnies d’exploitation forestière. Les compagnies ont pour projet de constituer une économie « durable » d’exploitation en coupant les arbres et en replantant une espèce unique, le dipterocarpus, géré par la suite sur le modèle de la plantation : itération indéfinie d’entités identiques isolées et simplifiées. Dès leur lancement dans les politiques colonialistes et esclavagistes, les plantations reposent sur l’idée de fabriquer des êtres existant par eux-mêmes, sans relations essentielles à d’autres êtres : les plants de canne à sucre autant que les esclaves d’Afrique sont définis par la pratique coloniale comme des individus séparables en principe de tout emmêlement avec des autres. Cette atroce fabrication d’individus, qui ne fonctionne toutefois jamais complètement (aucun être, humain ou non, vivant ou non, ne pouvant exister « par lui-même »), est de plus effrayante du point de vue de sa capacité à générer d’autres dévastations. Les diverses formes de plantation font lâcher les unes après les autres les multiples associations constituées dans les zones génératives unissant des êtres hétérogènes, libérant des forces imprévisibles. Dans le Kalimantan du Sud, l’année de sècheresse El Niño de 1997 avait entraîné d’importants feux de forêt. Suite à ces feux, les plants de riz poussèrent sans porter de grains. Par ailleurs, beaucoup d’animaux ne trouvant plus refuge dans la forêt se mirent à envahir les campagnes, en particulier les rats, qui infestèrent les champs en mangeant tout ce qu’ils trouvaient. Les compagnies d’exploitation forestière vendirent aux agriculteurs du poison à rat qui, tout en tuant chats et chiens, semble s’être révélé peu efficace contre les rats eux-mêmes. « Des feux qui se répandent à travers la forêt ; des rats qui se répandent à travers les champs ; des poisons qui se répandent à travers les rats : Ils ont déclenché les pestes. Chaque peste suit les simplifications et réductions de la précédente pour laisser le paysage plus stérile. » [43]

Anna Tsing appelle le processus de fabrication de frontière telle qu’elle a pu l’observer dans le Kalimantan du Sud au courant des années 1990 une « décartographisation ». Il s’agit d’inventer un paysage naturel « vierge » en niant les relativités multiples à travers lesquelles les êtres tiennent leur existence de manières qui n’ont rien à voir avec le modèle de la plantation. « Une frontière est un bord d’espace et de temps : une zone de pas encore – pas encore cartographié, pas encore régulé. C’est une zone de décartographisation : même dans sa planification, une frontière est imaginée comme non-planifiée. Les frontières ne sont pas simplement découvertes dans les marges ; elles sont des projets de fabrication d’expérience géographique et temporelle. » [44] La forêt habitée par les Dayaks Meratus est au contraire animée de socialités multiples, humaines et non humaines, elle est traversée d’histoires, composée de lieux concrets, les Dayaks tissent des relations particulières aux arbres, dont certains ont des noms propres personnels [45]. Les habitants savent quels arbres seront par exemple de bons arbres à miel, mais il ne s’agit pas du tout ici d’un modèle de plantation. Ces arbres sont revendiqués, préparés et protégés. C’est une relation à trois espèces [46] : humains, abeilles, arbres. Les humains encouragent la construction de nids d’abeilles en préparant les arbres, et empêchent que ces arbres ne soient coupés. Ce n’est ni de la plantation ni du « sauvage ». Dans l’espace entre ces catégories générales, « des abeilles, des arbres à miel et des humains ont créé une relation symbiotique et mutuellement productive » [47].

Le terme important ici pour nous est celui d’espace « entre » ou d’intervalle. Ce qu’Anna Tsing montre, c’est que ces espaces tendent à l’invisibilité dès lors qu’on les aborde à partir de catégories fixées de « nature » ou de « culture », de monde naturel ou de monde humain.

« De tels bordures (edges) sont les écologies et les sociétés les moins intéressantes aussi longtemps que nous cherchons des communautés de plantes et de gens nettement démarquées. Nous ne voyons que des espaces dégradés : mauvaises herbes et cambroussards (weeds and hillbillies). Mais si nous tournions notre perspective pour accorder une attention soigneuse à la fabrication spécifiquement diverse mais sociale de ce paysage ? / Ce changement de perspective nous déplace vers ce que j’appelle "intervalles" (gaps). Les intervalles sont des espaces conceptuels et des lieux réels dans lesquels les démarcations puissantes ne voyagent pas bien. Les intervalles du paysage des Meratus centrales attirent notre attention sur la mauvaise transportabilité de démarcations telles que vie humaine versus conservation de la nature, fermes productives versus réserves forestières et culture établie versus le sauvage, car chacune d’elles nous empêche de percevoir l’histoire de paysages sociaux-naturels. » [48]

Anna Tsing le formule de façon on ne peut plus claire : « Ces catégories n’organisent pas matériellement le paysage. » [49] Ces catégories de nature et de culture, de sujet et d’objet décrivent très mal les expériences auxquelles on a affaire, parce qu’elles partent d’entités isolées et préexistantes sans rendre compte des relativités qui se fabriquent entre elles et qui les tiennent dans l’existence. Mais il ne s’agit pas seulement de descriptions « incorrectes » : elles ont une efficace performative dévastatrice dont on a vu la capacité à transformer des lieux vivants en champs de ruines.


Habiter les zones d’expérience dévastées   

On peut rattacher à l’efficace performative des définitions d’une « nature » universelle à exploiter ou protéger la multiplication des ruines générées par les économies capitalistes. Philippe Pignarre et Isabelle Stengers ont, de ce point de vue, caractérisé ce qu’exige de nous un engagement pour des mondes vivables : « devenir capables d’habiter à nouveau les zones d’expérience dévastées. » [50] Le travail tout à fait pragmatique de William James, de Donna Haraway et d’Anna Tsing fait vibrer l’importance, à cet égard, de sentir nos modes d’engagement à l’intérieur de mondes se faisant et non en rapport à un monde préfabriqué qui nous poserait pour seule question de savoir comment en disposer. Il est d’une importance vitale que nous nous rendions constamment capables de penser, sentir, agir dans les relations expérimentées, inventées, apprises au contact d’êtres autres, humains et non humains, avec lesquels nous existons.

La proposition pragmatiste relative aux mondes en train de se faire rend possibles au moins deux choses. Elle nous permet de nous rapporter aux opérations de fabrication d’univers sans accepter leur prétention universaliste. Les fabrications d’univers sont elles-mêmes toujours particulières, locales, situées, concrètes, et c’est par là qu’elles offrent des prises pour les défaire. « Comment les chercheurs pourraient-ils relever le défi de libérer les imaginations critiques du spectre de la conquête néolibérale – singulière, universelle, globale ? L’attention aux frictions d’articulation contingente peut nous aider à décrire l’effectivité, et la fragilité, de formes capitalistes – et globalistes – émergentes. Dans cette hétérogénéité changeante se trouvent de nouvelles sources d’espoir, et, bien sûr, de nouveaux cauchemars. » [51]

Une deuxième chose que la proposition pragmatiste rend dès lors possible, c’est de ne pas renoncer à chercher les engagements concrets dans lesquels se fabriquent au contraire des possibilités de résurgence [52]. Il s’agit là de fabrication d’espoir, mais un espoir qui n’a rien à voir avec une capacité personnelle à « avoir confiance ». Cette fabrication d’espoir implique des engagements matériels et actifs dans des expériences co-constitutives de modes d’existence terrestres partagés avec des autres, humains et non humains, et résistant aux fabrications d’univers. « Un tel espoir "irréaliste" commence en considérant la possibilité que de petites fissures (cracks) puissent encore fendre le barrage ; les ouvertures contingentes sont des sites de force inattendue – pour le meilleur et pour le pire. » [53] C’est dans ces engagements communs concrets que peuvent se déployer des capacités d’existence, sur plus d’un mode, et pour une multiplicité d’êtres.

 







Bibliographie

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1/-  W. James, The Works of William James: The Will to Believe, and Other Essays in Popular Philosophy (désormais WB), Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1979, « The Will to Believe, VI », p. 24 ; tr. fr., La volonté de croire, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2005, p. 52.

2/-  Dans ce texte, toutes (et seules) les citations de ces trois auteur.e.s sont mes traductions.

3/-  Jan Evangelista Purkyně avait commencé l’étude scientifique des empreintes digitale en 1823 ; cf. C. Ginzburg, Mythes emblèmes traces. Morphologie et histoire, Lagrasse, Verdier, 2010, coll. Poche, p. 285.

4/-  Ibid., p. 288-289.

5/-  N. Martin, Les âmes sauvages. Face à l’Occident, la résistance d’un peuple d’Alaska, Paris, La découverte, 2016.

6/-  N. Martin mentionne plusieurs exemples : « Deerya’Ch’oo’aa, "Laissez le corbeau manger", Eejiighwaa, "Où est a meute [de loups] ?", Neezhuu, "Poisson qui a déjà pondu ses œufs", Khaatryaa, "Peau de caribou avec des touffes de cheveux qui tombent", Vats’a’Gehtr’oo, "Le rein de lapin lui appartient" ou encore Vitl’ee ik zhit ts’it tsi’, "Queue de porc-épic dans le pantalon"» (ibid., p. 98).

7/-  Ibid., p. 98-100.

8/-  A. Burguière, « Un nom pour soi : Le choix du nom de baptême en France sous l’Ancien Régime (XVIe-XVIIIe siècles) », L’Homme, 20, 4, « Formes de nomination en Europe », oct.-déc. 1980, p. 25-42, 26. Cité dans N. Martin, op. cit., p. 100-101.

9/-  Ibid., p. 102.

10/-  WB, « Preface », p. 5 ; tr. fr., p. 33.

11/-  W. James, Works: A Pluralistic Universe. Hibbert Lectures at Manchester College on the Present Situation in Philosophy, 1977, « Lecture VI: Bergson and his Critique of Intellectualism », p. 117 ; tr. fr., Philosophie de l’expérience. Un univers pluraliste, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2007, p. 177.

12/-  W. James, Works: The Varieties of Religious Expericence, 1985, « Lecture X: Conversion–Concluded », p. 188-189 ; tr. fr., Les formes multiples de l’expérience religieuse, Chambéry, Exergue, 2001, coll. Les Essentiels de la Métapsychique, p. 237-238.

13/-  « [...] c’est dans les zones de contact que l’action se passe », D. Haraway, When Species Meet (désormais WSM), Minneapolis, University of Minnesota Press, 2008, coll. « Posthumanities », p. 219.

14/-  W. James, Works: The Principles of Psychology, 1981, chap. IX : « The Stream of Thought », p. 243, repris dans Works: Psychology: Briefer Course, 1984, chap. XI : « The Stream of Consciousness », p. 149 ; tr. fr., Précis de psychologie, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2003, p. 119.

15/-  WB, « The Importance of Individuals », p. 191 ; tr. fr., p. 252.

16/-  Ibid., p. 192 (tr. fr., p. 253).

17/-  Loc. cit.

18/-  Ibid., p. 193 (tr. fr., p. 254).

19/-  D. Debaise et I. Stengers, « Les noces contre nature du pragmatique et du spéculatif », à paraître.

20/-  WB, « Is Life Worth Living?, IV », p. 53-54 (tr. fr., p. 87) ; WB, « The Sentiment of Rationality », p. 80 (tr. fr., p. 118).

21/-  I. Stengers, « William James : une éthique de la pensée ? », in D. Debaise (éd.), Vie et expérimentation. Peirce, James, Dewey, Paris, Vrin, 2007, Annales de l’Institut de Philosophie et de Sciences Morales (Université Libre de Bruxelles), p. 147-174.

22/-  W. James, Works: Pragmatism, 1975, « Lecture VIII: Pragmatism and Religion », p. 139 ; tr. fr., Le pragmatisme, Paris, Flammarion, 2007, coll. « Champs » , p. 295.

23/-  Starhawk, City of Refuge, San Francisco, Califia Press, 2015, p. 497-498.

24/-  WB, « The Will to Believe, IX », p. 29 ; tr. fr., p. 58-59.

25/-  WSM, p. 244.

26/-  M. L. Pratt, « Arts of the Contact Zone », Profession, 91, 1991, p. 33-40 ; id., Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation, New York, Routledge, 1992.

27/-  Voir, parmi d’autres, les romans d’Octavia Butler et la série « Foreigner universe» de C. J. Cherryh. Haraway écrit : « Les rencontres les plus intéressantes ont lieu quand le traducteur universel de Star Trek est détraqué et que la communication prend un tour inattendu, prosaïque. » (WSM, p. 217.)

28/-  WSM, p. 215-216.

29/-  WSM, p. 208.

30/-  WSM, p. 232.

31/-  WSM, p. 223.

32/-  WSM, p. 240. Voir par exemple l’explosion de joie à la fin de la course flamboyante du Border Collie Tex et de son humaine au Westminster Kennel Club lors du Masters Agility Championship de 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=LbQZ4FGv9ug

33/-  A. Tsing, Friction: An Ethnography of Global Connection (désormais Friction), Princeton (NJ), Princeton University Press, 2005.

34/-  Friction, p. 27.

35/-  Friction, p. 28-29.

36/-  Friction, p. 31.

37/-  Friction, p. 30.

38/-  Friction, p. 68.

39/-  Loc. cit.

40/-  R. Harrison, Forêts. Essai sur l’imaginaire occidental, Flammarion, 1992, p. 112-113. Le titre anglais me semble bien plus pertinent : Forests: The Shadow of Civilization (University of Chicago Press, 1992).

41/-  Ibid., p. 116.

42/-  Sur toutes ces questions, voir également N. Martin, op. cit. (qui se réfère à R. Harrison p. 123-124).

43/-  Friction, p. 46.

44/-  Friction, pp. 28-29.

45/-  Friction, p. 201.

46/-  Friction, p. 181.

47/-  Friction, p. 182.

48/-  Friction, p. 175.

49/-  Friction, p. 175.

50/-  P. Pignarre et I. Stengers, La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoûtement, Paris, La Découverte, 2005, p. 185.

51/-  Friction, p. 77. Voir également D. Haraway, Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene, Durham, Duke University Press, 2016, coll. Experimental Futures, p. 181-182, note 43.

52/-  A. Tsing, The Mushroom at the End of the World: On the Possibility of Life in Capitalist Ruins, Princeton, N.J., Princeton University Press, 2015.

53/-  Friction, p. 267.


Les Talents d'Aubervilliers / auditions / Day 1

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19. Novembre 2016 - 13:30» 18:00
Saturday 19th November 2016, from 1:30 to 6 p.m.

 

Saturday 19th November 2016, from 1:30 to 6:00 pm
Participants Auditions of Aubervilliers' Got Talents



In residency since September 2016 at Les Laboratoires d'Aubervilliers, Kateřina Šedá was able to get to know the locals and share about their talents and skills to prepare for their participation in the contest Auberviliers’ Got Talent (Les Talents d'Aubervilliers).

Registered, inhabitants from Aubervilliers are invited to showcase their talent in front of a jury of the city on 19th and 20th November 2016. Far from a logic of competition, the two days of audition will be an opportunity for exchanges and meetings between people-participants. They are open to all persons who wish to come.

This is an opportunity to find out who in Aubervilliers is preparing good cakes, who is an expert on the history of cinema, who realizes incredible paintings, who has a trained dog, who is knitting sweaters, who dances like Beyonce, who is boxing like Sarah Ourahmoune, who can bust bricks with his / her bare hand who sings, who is the best hairdresser, etc.

After the competition, the jury will meet to select the participants whose names will appear on the "Walk of fame" in Aubervilliers.
An award ceremony is organized Saturday 26th November at Les Laboratoires d'Aubervilliers, at 6:00 pm.
The opportunity to salute the winners and congratulate all participants.

This "Walk of fame" in the context of Aubervilliers will celebrates the diversity and richness of talents and the stories of the inhabitants in order to share and mark the memory of all who come pacing the sidewalk.

Through this competition and price, the artist wants the people to "take a new look on their environment and imagine a new horizon of action" in the words of Jehanne Dautrey. She hopes to allow residents to rebuild a pride of belonging to the territory where they live and work through the establishment of a talent competition.

 

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Auditions are open to all

FREE ENTRANCE, on booking
at
reservation@leslaboratoires.org or 01 53 56 15 90

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* Jehanne Dautrey (under the direction of), Milieux et créativités, Ensad de Nancy and Les presses du réel, 2016.

 

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Les Talents d'Aubervilliers / auditions / Jour 2

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20. Novembre 2016 - 14:00» 18:00
Sunday 20th Novembre 2016, 2 to 6 p.m.

 

Sunday 20th November 2016, from 2 to 6 p.m.
Participants Audition of Aubervilliers' Got Talents



In residency since September 2016 at Les Laboratoires d'Aubervilliers, Kateřina Šedá was able to get to know the locals and share about their talents and skills to prepare for their participation in the contest Auberviliers’ Got Talent (Les Talents d'Aubervilliers).

Registered, inhabitants from Aubervilliers are invited to showcase their talent in front of a jury of the city on 19th and 20th November 2016. Far from a logic of competition, the two days of audition will be an opportunity for exchanges and meetings between people-participants. They are open to all persons who wish to come.

This is an opportunity to find out who in Aubervilliers is preparing good cakes, who is an expert on the history of cinema, who realizes incredible paintings, who has a trained dog, who is knitting sweaters, who dances like Beyonce, who is boxing like Sarah Ourahmoune, who can bust bricks with his / her bare hand who sings, who is the best hairdresser, etc.

After the competition, the jury will meet to select the participants whose names will appear on the "Walk of fame" in Aubervilliers.
An award ceremony is organized Saturday 26th November at Les Laboratoires d'Aubervilliers, at 6:00 pm.
The opportunity to salute the winners and congratulate all participants.

This "Walk of fame" in the context of Aubervilliers will celebrates the diversity and richness of talents and the stories of the inhabitants in order to share and mark the memory of all who come pacing the sidewalk.

Through this competition and price, the artist wants the people to "take a new look on their environment and imagine a new horizon of action" in the words of Jehanne Dautrey. She hopes to allow residents to rebuild a pride of belonging to the territory where they live and work through the establishment of a talent competition.

 

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Auditions are open to all

FREE ENTRANCE, on booking
at
reservation@leslaboratoires.org or 01 53 56 15 90

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* Jehanne Dautrey (under the direction of), Milieux et créativités, Ensad de Nancy and Les presses du réel, 2016 - in french

 


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Soirée de catch littéraire

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9. Décembre 2016 - 20:00» 22:30
Vendredi 9 décembre 2016, à 20h

 

 

En collaboration avec le Groupe d'information sur les ghettos (g.i.g.) et sur l’invitation de Sonia Chiambretto et Yoann Thommerel, l’équipe de l’EISPI viendra écrire, bondir et rebondir sur le “Questionnaire n°1”, aux Laboratoires d'Aubervilliers.

 

En catch littéraire, on boxe avec les mots, à base de coups de points d’exclamation et de syntaxe qui fracasse. 

S’affrontant lors de matchs d’improvisation écrite sur ordinateur, les catcheurs aiguisés et déguisés manient le masque et le clavier avec humour et poésie.

Ce vendredi 9 décembre aux Laboratoires d'Aubervilliers, quatre catcheurs viendront combattre en public. À l’issue de 3 matchs (2 demi-finales et 1 finale), les spectateurs seront invités à voter à poing levé pour leur texte/catcheur préféré.

Chaque match est découpé en 4 manches : une première d’écriture libre et trois autres sous contraintes, tirées au sort par le public. Les textes des catcheurs sont écrits et retransmis simultanément sur écran géant afin de pouvoir être lus en direct.

Au gong final, chaque catcheur est invité à lire à voix haute le texte de son adversaire. Les vainqueurs des deux premiers matchs se retrouveront en finale pour décrocher la très convoitée ceinture de la FFCL, la Fédération Française de Catch Littéraire.

Umberto KO, Mohammed Alu, Sandy Georges, Nihilitzsche, Marguerite Tarace, Mother Faulkner… Ils sont de plus en plus nombreux à rejoindre les rangs de la FFCL, prêts à en découdre avec les mots et les maux. Chaque catcheur a son style vestimentaire et littéraire bien à lui. Derrière son masque, sa figure de style. Il est également doté de supers pouvoirs qu’il peut convoquer à chaque instant lors du match en criant “Zeugme” ou “Chiasme”. Un super pouvoir est une contrainte supplémentaire imposée à son adversaire.

Enfin, une soirée de catch littéraire ne serait rien sans ses autres protagonistes : un arbitre moustachu faisant office de maître du jeu, un juge de ligne veillant au bon respect des contraintes et une équipe technique aux manettes de l’ambiance son et lumière.


Née au Pérou il y a une dizaine d’années, la Lucha Libro (“Lutte Livre”) est importée en France par l’EISPI, l’École Internationale Supérieure de Poésie Intercontemporaine. L’EISPI organise des soirées catch dans l’hexagone depuis plus de quatre ans. Elle propose également des ateliers jeux d’écriture, des soirées Blind Text et édite Cactus Calamité, un fanzine de poésie.


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Suspens et Syncope

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27. Janvier 2017 - 20:00» 22:00
Vendredi 27 janvier 2017, 20h

 

Suspens et Syncope
Vendredi 27 janvier 2017, 20h

À l’initiative de la revue N/Z, et accueilli aux Laboratoires d'Aubervilliers, cet événement performé sera l'occasion de partager et rendre visible les multiples échanges engagés depuis longtemps entre Agnès Geoffray, artiste et Vanessa Desclaux, commissaire.

Convulsionnaires, hypnose, pâmoison, lévitation, évanouissement et syncope, nous accompagneront tout au long de la soirée. Du partage d'images aux échanges littéraires, des gravures, des photographies, aux lectures et aux récits, tous seront mis en scène pour révéler la part affabulatoire de ces états de suspension.
 

Une pièce conçue par Agnès Geoffray, à la croisée du performatif et du photographique, clôturera la soirée, et revisitera ces multiples postures entre chute et élévation, effondrement et ascension.

Avec les performeurs : Mordjane Mira et Selwan Cherfi.




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Suspens & Syncope

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27. Janvier 2017 - 20:00» 22:00
Vendredi 27 janvier 2017, 20h

 



À l’initiative de la revue N/Z, et accueilli aux Laboratoires d'Aubervilliers, cet événement performé sera l'occasion de partager et rendre visible les multiples échanges engagés depuis longtemps entre Agnès Geoffray, artiste et Vanessa Desclaux, commissaire.

Convulsionnaires, hypnose, pâmoison, lévitation, évanouissement et syncope, nous accompagneront tout au long de la soirée. Du partage d'images aux échanges littéraires, des gravures, des photographies, aux lectures et aux récits, tous seront mis en scène pour révéler la part affabulatoire de ces états de suspension.
 

Une pièce conçue par Agnès Geoffray, à la croisée du performatif et du photographique, clôturera la soirée, et revisitera ces multiples postures entre chute et élévation, effondrement et ascension.

Avec les performeurs : Mordjane Mira et Selwan Cherfi.

 



« Depuis longtemps des corps pendus, suspendus, des gestes arrêtés, des paroles figées hantent mon travail  de photographie et d’écriture. Ces figures reviennent inlassablement au gré de mes travaux. Je joue de ces arrêts et ces états de suspensions, entre la chute et l’ascension, entre l’effondrement et l’élévation. Ce qui est fascinant dans le suspens c’est le temps manquant. On ne sait rien du temps précédent, on devine tout juste le temps suivant, un mouvement suspendu où tout est encore possible. Un temps de résistance. L’étirement du temps, cette attente figée est une résistance face au drame à venir.

Au fil des échanges avec Vanessa Desclaux, le suspens a glissé peu à peu vers la syncope. Cette rupture dans le réel, ce flottement temporel, cet arrêt est devenu éclipse. Défaillir doucement ou sombrer brutalement, pour se mettre en retrait du réel. Convulsionnaires, hypnose, mystique et affabulation, seront convoqués pour échanger, dialoguer et mettre en présence ces états de suspension et ces états syncopés. »




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Présentation

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Opérations pour une disparition

 


                                         “Entrer en monde, c’est aussi bien y
                                         demeurer qu’y dévirer, y dériver”
                                         (Edouard Glissant)



Le voyage, l’immigration et le multiculturalisme ont façonné le travail artistique de Laura Huertas Millán — née en 1983 à Bogotá, Colombie, elle a acquis la nationalité Française après quinze ans de vie dans ce pays.

Diplômée des Beaux-Arts de Paris et du Fresnoy, Studio national des arts contemporains, ses premières oeuvres cinématographiques entrelaçaient l’écologie et les études post-coloniales, sous la forme de travelogues ethnographiques, critiques et surréalistes autour du thème de l’exotisme.

Suite à ces premières recherches, elle entame en 2012 le doctorat de pratique du programme SACRe de l’Université PSL autour du sujet “Eclats et absence. Fictions ethnographiques”, doctorat qu’elle développe entre les Beaux-Arts de Paris, l’Ecole Normale Supérieure rue d’Ulm, le Sensory Ethnography Lab et le Film Study Center à l’Université de Harvard.

Les films crées pendant ce doctorat, réalisés entre la Colombie, le Mexique, les Etats-Unis et la France, ainsi que quelques pièces de performance, seront présentées à Paris, à Montreuil et à Aubervilliers sous la forme d’une exposition nomade, intitulée Disappearing operations - Opérations de la disparition, Opérations disparaissantes, Opérations pour disparaître, entre le 30 novembre et le 15 décembre 2016. Cette exposition sera constituée de plusieurs évènements, chacun se déroulant dans un endroit différent et de façon ponctuelle, le temps d’une soirée : au Cinéma Le Méliès, aux Laboratoires d’Aubervilliers, aux Beaux-Arts de Paris et à La Fémis.

Chacune de ces expériences sera le déploiement à chaque fois différent d’un rituel cinématographique — les intervalles entre les différentes présentations étant considérés comme faisant partie inhérente au projet d’exposition.



Centre de Désapprentissage de la langue

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CENTRE DE DÉSAPPRENTISSAGE DE LA LANGUE

 

Silvia Maglioni & Graeme Thomson, To face the turn away, 2016

 


Combinant groupe de travail, lectures collectives et projections qui auront cours dans un programme évolutif d’activités et d’exercices, le Centre de désapprentissage de la langue est une plate-forme pour la renégociation de notre rapport quotidien avec le langage / les langues dont nous avons usage et qui font usage de nous.

Cette ouverture s’inscrit dans le cadre du projet common infra/ctions, déployé par Silvia Maglioni & Graeme Thomson, en résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers. Il comprendra également un canal vidéo (the l'anguish channel) qui, installé pendant quelques mois aux Laboratoires d'Aubervilliers, proposera un espace parallèle de réflexion et de discussion.
Aussi ludiques que sérieuses, les activités du Centre, aussi bien que leurs suspensions et leur inertie, chercheront à nous donner des outils pour créer de la distance avec nos langues "maternelles" tout autant qu’avec des langues issues de champs spécialisés, qui de concert modèlent en grande partie nos subjectivités, constituant leurs principaux modes d'expression et d'interaction quotidienne.

Nous tenterons de regarder ses composants et ses structures depuis l'extérieur, non pas en terme d’une réalité objective pré-supposée mais comme un processus observable (dans lequel nous sommes néanmoins impliqués) de la constitution et de la destitution du sens et de l'affect.

L'un des objectifs du Centre sera de partiellement « désapprendre » les automatismes de relation avec sa (ses) langue (s) et de « défaire » les mécanismes qui garantissent son efficacité communicative.

En employant différentes ressources provenant d'un large éventail de domaines incluant la littérature, le cinéma, la philosophie, les théories post-coloniales, la psychothérapie, la neurolinguistique, l’art contemporain et la musique, le Centre élaborera des stratégies et techniques de désapprentissage et de retrait partiel de la communication et en testera les limites. Dans le même temps, il effectuera des recherches sur des questions telles que le pouvoir hégémonique des langues « majeures », les usages et la puissance contaminatoire des langues et des littératures « mineures », le(s) discours non négociable(s) de la poésie, le potentiel des langues mortes-vivantes, la langue des oiseaux ...

Habitant déjà une zone de bordure, le Centre est une plate-forme nomade qui voyagera et continuera à désapprendre de ses mouvements dans l'espace et dans le temps.



Ouverture du Centre de Désapprentissage de la langue
Vendredi 14 octobre 2016 à 20h

Électro-conférence, partage de la recherche et cocktail
Avec Igor Casas, interprète de la langue des signes

 

DÉSAPPRENTISSAGE 1 : Chœur in situ
Vendredi 21 octobre 2016, de 15h à 18h30

Avec Natacha Muslera, compositrice et musicienne
Atelier sur inscription

 

DÉSAPPRENTISSAGE 2 :
Unlearn your Privilege talking to the Disappeared
Samedi 17 décembre 2016, à 16h

Lire, cuisiner, fabriquer du commun...
Avec Jesal Kapadia (artiste et activiste)
(détails à venir)



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Pour plus d'informations sur la RECHERCHE IN PROGRESS


Par ailleurs, à l'occasion de leur résidence aux Laboratoires d'Aubervilliers, Silvia Maglioni et Graeme Thomson ont assisté à la Journée Internationale des Langues Maternelles organisée par la Ville d'Aubervilliers en février 2016. De cette journée, ils ont réalisé une pièce sonore, Lullabye to Language, actuellement diffusée par la radio DUUU* [Unités Radiophoniques Mobiles].


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Pour ce projet les artistes ont reçu l'aide du Cnap dans le cadre du soutien à une recherche/production artistique du Centre national des arts plastiques

 

Centre for Language Unlearning

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CENTRE FOR LANGUAGE UNLEARNING

 

Silvia Maglioni & Graeme Thomson, To face the turn away, 2016

 

Combining a study group, collective readings and screenings with an evolving programme of activities and exercises, the Centre for Language Unlearning is a platform for renegotiating our everyday rapport with the language/languages we use and that make use of us.

Opening as part of Silvia Maglioni & Graeme Thomson's common infra/ctions, it will also include a video channel (the l'anguish channel) installed at Les Laboratoires d'Aubervilliers as a further resource for reflection and discussion.

As playful as they are serious, the activities, suspensions and inertias of the Centre will attempt to allow us to gain some distance from both our 'mother' tongues and the specialised languages that together form a considerable part of our subjectivities and constitute their principle modes of expression and daily interaction. We shall try to consider the components and structures of these from the outside, not in terms of a specious objective reality but as an observable process (in which we are nonetheless involved) of the constitution and destitution of meaning and affect.

One aim of the Centre will be to partly “unlearn” the automatisms of relation to one’s tongue(s) and to “undo” the mechanisms that guarantee its  communicative efficacy. Drawing upon resources from a wide range of fields including literature, cinema, philosophy, post-colonial theory, psychotherapy, neurolinguistics, contemporary art and music, the Centre will develop strategies and techniques of unlearning and partial withdrawal from communication and test their limits. At the same time it will conduct research into such matters as the hegemonic power of "major" languages, the uses and contaminative effects of "minor" languages and literatures, the non-negotiable discourse(s) of poetry, the potentials of living-dead languages, the language of birds...

Already inhabiting a border zone, the Centre is a nomadic platform that will travel and continue to unlearn from its movements in space and time.



Opening of the Centre for Language Unlearning
Friday 14th October 2016 at 8 pm

Electronic-lecture, presentation of research in progress and cocktails
With Igor Casas, signal interpreter

 

UNLEARNING 1: Chœur in situ
Friday 21st October 2016, from 3 pm to 6.30 pm

With Natasha Muslera, composer and musician
Workshop (booking required)

 

UNLEARNING 2: Unlearn your Privilege talking to the Disappeared
Saturday 17th December 2016, 4 p.m.

Reading, cooking and commoning
With Jesal Kapadia, artist and activist
(details to come)



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For more information about RECHERCHE IN PROGRESS


Furthermore, during their residency at Les Laboratoires d'Aubervilliers, Silvia Maglioni and Graeme Thomson attended the International Mother Language Day organized by the City of Aubervilliers in February 2016. From what they recorded that day, they realized a sound piece, Lullabye to Language, currently broadcasted by radio DUUU* [Unités Radiophoniques Mobiles].


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With the support of CNAP / soutien à une recherche/production artistique du Centre national des arts plastiques


Entretien / Pauline Simon Mathilde Villeneuve

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ENTRETIEN /  Pauline Simon  Mathilde Villeneuve

 

16 août 2016, 16h30. Ascension de l’Etna par Mathilde et Pauline.
Elles sont parties de Syracuse à 10h du matin ; depuis midi la chaleur s’est progressivement atténuée, grâce à la végétation fertile du volcan qui rafraîchit son environnement. En arrivant au sommet, elles parcourent l’horizon brièvement, sortent deux sièges pliables en toile beige, posent leur sac à dos. Pauline et Mathilde ont une casquette, une gourde d’un litre pour deux et un livre : Les Techniciens du sacré, anthologie établie par Jérôme Rothenberg (l’anthologie regroupe un ensemble de poèmes, chants et textes « traditionnels » de toutes provenances géographiques et temporelles). Mathilde sort un cahier de notes et un enregistreur.




Mathilde : Ça faisait longtemps qu’on n'avait pas marché ensemble. J’adore me mettre au rythme de ton déplacement, tout en pointillé, concentré, désaccordé ; gravir un volcan avec toi, c’est comme faire du crochet.
Bon, tu es prête ?

Pauline : Oui, allons-y.

Mathilde : Avant que nous parvenions au sommet, tu me racontais, au sujet de ta pièce Postérieurs (le futur n’existe pas mais des futurs insistent), que tu étais passée d’un désir initial d’étudier notre relation au futur à un travail sur l’Apocalypse. Pourquoi et comment s’est opéré ce glissement ?

Pauline : Par des textes, et des événements sans doute. Nous avons entamé les répétitions avec toute l’équipe des interprètes de Postérieurs le 15 novembre 2015 à Paris, soit deux jours après les attentats. Je pense que cela a laissé une empreinte, parce qu’on ne pouvait faire autrement que de parler du futur, tout en prenant en compte les catastrophes du présent. Mais ce thème, il m’est tombé assez étrangement entre les mains, car je suis habituellement plutôt de nature optimiste, je peux rester d’ailleurs complètement hermétique à beaucoup de traitements (cinématographiques, notamment) de l’Apocalypse, bien plus hermétique encore aux théories de l’Apocalypse.

L’Apocalypse qui m’intéressait était celle que d’autres ont décrite ou vue (dans la mythologie), celle qui n’est qu’action, mouvement, métamorphose. Celle qui ne crée pas de commentaire dans sa forme (la narration) mais peut quand même mener à une parabole indirecte, ouverte, sur un niveau politique ou intime. [ Pauline pense : il faut quitter le vieux monde ]. C’est celle-ci qui me touche, je ne la supporte que poétiquement. [ Et nous sommes sur un Volcan. ]

Mathilde :  Tu me rappelais, quand nous commencions à manquer un peu d’oxygène tout à l’heure, que l’Apocalypse c’était aussi un moment de révélation ?

Pauline : L’Apocalypse, chez les catholiques, c’est « le livre de la révélation », mais, en grec, la traduction, c’est d’abord le « dévoilement ». Le terme s’est chargé, au fil des siècles, d’une série de connotations qui l’ont éloigné de son sens d’origine pour finir par évoquer une catastrophe massive et violente, il est devenu populaire pour de mauvaises raisons.
Les récits d’Apocalypse constituent pour moi un genre littéraire déroutant, en plus d’être à l’origine sans auteur (on présume Jean de Patmos, mais on ne sait pas très bien qui il était).
Un « dévoilement sans auteur», tout ça concourt vite à la mystique... mais si la mystique est un lieu capable de révéler le caché parce qu’il fait confiance aux champs de forces et aux intuitions, et si c’est un espace capable d’accueillir les contraires (à l’inverse d’un discours d’autorité figé et univoque) alors, oui, sans doute, il faut lui dérouler le tapis rouge, politiquement et individuellement.

Mathilde : Comme dit Charles Peguy, la politique nait de la mystique, la mystique est le jaillissement de tout civisme, c’est la force invincible des faibles. [ Et ça c’est merveilleux, pense Mathilde. ]

Pauline : Dans l’anthologie de Jérôme Rothenberg, le fait que l’on ne connaisse d’emblée ni l’auteur, ni véritablement la culture à laquelle le texte appartient, laisse beaucoup de place pour s’y sentir curieusement inclus.
Dans la pièce, il y a un jeu de mise en abîme constante de l’Apocalypse, par l’élégie, la disparition et le dévoilement, des collections de fins, des au revoir. Cette mise en abîme est une sorte de prestidigitation artisanale, un processus. On côtoie aussi un « langage primitif », même si c’est beaucoup plus abstrait, souvent, et que cela se manifeste surtout par un travail sur le rythme, le chant, la présence d’une créature au milieu des autres figures qui se ressemblent, la relation groupe-soliste.

Mathilde : Qu’entends-tu pas « langage primitif » ?

Pauline : Si tu me permets de citer, il y a une belle définition, toujours dans ce livre, qui m’éviterait de dire trop de bêtises. [ Elle cherche une page, puis lit à voix haute ]

« Primitif équivaut à complexe. Il n’y a pas de langues dites "primitives" inférieures, ou sous-développées. De toutes parts sur terre, l’évolution des langues a engendré des structures d’une grande complexité. [...] Un simple changement d’intonation dans la langue hopi permet des nuances d’une subtilité infinie dans l’usage des verbes qui désignent les différentes sortes de mouvements. »

Par quoi on remplace primitif, alors, pour la suite de notre entretien ?



Mathilde
: Par rien pour le moment.
[ Silence. Bruit d’insectes. Pauline. Mathilde. Premier rêve partagé. Voir la lave sans être brûlé. Geste de dépôt de fleurs. Pauline ne parvient désormais plus à dire « primitif » à voix haute, mais continue de lire le poème en silence. ]

« Un son, un rythme, un nom, un rêve, un geste, une action, un silence, chacun des éléments pris séparément (mais aussi dans leur ensemble) peut ainsi servir de "clé". En dehors de ça, la logique, n’y est pas plus de mise qu’un sens trop figé, ou abstrait. Un objet se transforme (peu importe en quoi) sous l’impulsion d’un contexte, tel qu’il se présente. Les formes sont souvent "ouvertes". La causalité est souvent négligée, le poète (qui peut aussi être le danseur, chanteur, magicien, etc., en fonction de ce que requiert l’évènement) maîtrise un ensemble de techniques susceptibles de "résoudre" (et de fondre en un tout) les propositions apparemment les plus contradictoires. Mais par-dessus tout, il y a un sens-de-l’unité qui environne le poème, une conception de la réalité agissant comme un ciment et unifiant la perspective qui relie

le poète et l’homme
l’homme et le monde
le monde et l’image
l’image et le mot
le mot et la musique
la musique et la danse
la danse et le danseur
le danseur et l’homme
l’homme et le monde. »

Mathilde : Ça me rappelle l’Islande. Je crois que c’est là que j’ai pris conscience pour la première fois que j’étais reliée, vraiment reliée, que mon corps s’incrustait dans son environnement, faisait craqueler de son poids la glace ou les rochers anthropomorphes, se réchauffait dans les geysers, que chacun de mes pas déposait sur la mousse épaisse et humide une empreinte indélébile, j’étais connectée à la tectonique des plaques, au vent qui déboulonne les pierres et balaie les herbes rases.

Pauline : Tu es peut-être un peu comme Charlotte King alors ?        
Elle pouvait ressentir les mouvements de la Terre, mais encore plus que
toi !

Apparemment, une condition physique permettrait à certaines personnes de ressentir dans leurs corps les changements telluriques imminents. Il s’agit de prédiction sismique biologique, de « géosensibilité »1. Charlotte King pouvait prévoir les tremblements de terre, car son corps émettait  “des signes”. à vrai dire d’énormes migraines.
Cette faculté permettant d’être à l’écoute de la Terre et de pouvoir prédire les signes annonciateurs, ça concerne aussi d’une certaine façon ce que nous faisons dans la pièce. Par moments les corps se font capteurs, ou signaux du monde extérieur,  témoins d’une échelle qui les dépasse complètement.

Paula, par exemple (une des interprètes), traduit en dansant une vision du futur qu’elle re-élabore chaque soir. Il y a donc quelques moments volontairement pensés comme des expériences de réception, et où l’écriture est instantanée. Ou, inversement, des expériences de signalisation, lorsque Aude (une autre interprète) décrit les corps au public en tant que phénomènes climatiques... Le statut des corps est très mobile, et c’est pour moi le propre de la danse de Postérieurs, un corps d’arlequin composite tentant de prendre en compte la complexité d’une catastrophe, ou d’une crise.

Que peut la danse ? Ces femmes ? Que peuvent leur sensibilité ?
Je pense qu’elles peuvent beaucoup de choses ; les interprètes, pour moi, sont, chacune à leur manière, des visionnaires en puissance. Des Charlotte Queen, capable, à travers leur danse, d’opérations magiques.



Pauline : On pourrait laisser cet exemplaire de l’anthologie aux Laboratoires d’Aubervilliers en septembre, quand la pièce sera montrée ?

Mathilde : Oui, on peut même faire quelques marques-pages avec des fleurs pour ceux qui nous plaisent particulièrement. Par exemple, ça :



Pauline : J’achète !

Mathilde : Tu achètes quoi ?

Pauline : J’achète « l’idée de laisser le livre disponible marqué avec les fleurs du volcan. »
[ Mathilde et Pauline cueillent quelques plantes en dessinant des chemins circulaires. Mathilde se demande si elle ne commet pas d’erreur en prenant une grosse fleur jaune qu’elle ne connaît pas. La fleur s’affaisse une fois cueillie et dégorge un suc vermeil. ]




Mathilde : Qui est cette figure de Kinder, dans ta pièce ?

Pauline : C’est un demi-dieu inventé, moitié hooligan, moitié ouragan... un anarchiste plus ou moins éclairé. Les catastrophes naturelles portent des noms et des prénoms, El Niño, La Niña, Katarina... Ici, c’est Kinder. Il fait disparaître des créations tantôt magnifiques tantôt horribles ; le principe de l’ouragan, c’est qu’il agit sans distinction, ni système de valeurs.
Kinder, se rapproche aussi de la figure très ambiguë du « trickster » [2] appelé aussi « décepteur » ou « fripon divin » qui transforme la nature, créateur et pitre, impur mais délivrant la médecine, violateur de tabous au « profit » du groupe.

Si l’Apocalyspe est toujours plus ou moins reliée à la question du Salut, (la libération, délivrance des pêchés) dans mon esprit c’est surtout une forme de libération de la réalité, un renversement qui ouvre la voie.
Je n’ai pas construit cette parabole pour qu’une morale y figure comme point d’orgue. Souvent, les contes de l’anthologie de Rothenberg se terminent même en queue de poisson, sans résolution ou avec une résolution brutale... L’important, pour moi, est d’activer ces images, et d’évoquer ce mouvement de la disparition sans concession.

La perte est peut-être autant matérielle que culturelle ; quand je relisais les textes de l’anthologie, je me rendais compte que je ne suis qu’à peine une citoyenne du monde, et que je connais majoritairement l’histoire des puissants du XXIe siècle... la perte culturelle liée à la domination blanche est immense.



Mathilde
: Kinder est-il blanc ?

Pauline : Oui, je crois bien, même laiteux.
[ Une famille de scorpions et un gecko passent rapidement, à quelques mètres de Mathilde et Pauline. Ils semblent fuir. Le gecko s’arrête soudain et leur tire des grimaces jusqu’à la contorsion. On dirait qu’il danse un message, et ses petites pattes ventousées gonflent… ]

Mathilde [ sans détourner son regard du petit animal ] : Michaux rêve de plier les chutes les unes sur les autres jusqu’à les transformer en bouclier du rire [3]. Dans Postérieurs, il y a autant de chutes du monde que de chutes humoristiques ?

Pauline : Oui sans doute, il y a cette tentative de montrer « de l’humain », souvent... Je ne sais pas trop quoi dire sur l’humour. Mais je pense que je me suis beaucoup constituée avec des jeux, qu’ils soient éducatifs, chorégraphiques ou juste amicaux. C’est le début souvent idéal pour moi d’une interaction avec des inconnus. J’ai par moment besoin de poser ces codes, avec le public, qui sont aussi des codes d’accès dans le tumulte étrange de la pièce. Si Postérieurs est « drôle », c’est seulement parce que drôle est autant à prendre au sens d’« amusant » que de « très étrange ». Je voulais à un moment appeler cette pièce La Vallée de l’étrange, ou Uncanny Valley. Il faut peut-être chercher à changer de rire sur les choses...
[ Mathilde jette un œil sur ses notes et se souvient que ce n’est pas très bon signe quand même lorsqu’à l’abord d’un volcan les animaux fuient. ]

Mathilde : Quel est ce chant qui accompagne ce moment de l’Apocalypse ? On dirait un opéra...

Pauline : Ça s’appelle War Song, c’est de Shin Ichiro Ikebe, qui a travaillé à partir de chants de guerre japonais anciens [ évite-t-elle le mot primitif ? ]. Je suis touchée par les chants qui ont une fonction pour un groupe. War Song est un hymne pour se donner du courage avant de partir combattre. Un autre, plus tard dans la pièce, est une lamentation funèbre pour le passage du défunt dans l’au-delà.
Nous avons aussi travaillé et inventé les danses dans cette idée, POUR quelque chose, POUR que quelque chose advienne (pour le ralentissement du monde, notamment). Ce POUR est une énonciation très dynamique pour mon imaginaire, qui formalise le fait que quelque chose se produit et transforme la réalité. Et nous tentons de partager cette croyance, bien sûr ; la magie et les miracles s’officialisent seulement s’il y a des témoins.
La musique de Ikebe me plaisait beaucoup car elle est à la fois très composée, subtile et tribale, directe et agissante. Elle m’évoquait immédiatement une narration de quelque chose de grandiose, de l’ordre du cataclysme, même si elle peut aussi être très drôle ou fantasque. Je n’ai jamais entendu une chose pareille en fait. Il faudrait que mes oreilles sortent plus souvent.

Mathilde : Et le Japon ?

Pauline : Le Japon.
[ Pauline se lève, et sort de son sac un masque en bois fin et chevelu et la gourde, puis danse comme pour imiter le gecko aperçu tout à l’heure. ]

Pauline : C’est une légende que j’ai rencontrée en vrai !
[ Mathilde reste interdite ; elle vient de boire dans la gourde que lui tendait Pauline. ]

Mathilde : Elle a un goût bizarre, ton eau, tu me dis ce que c’est ?
 
Pauline : [ Se dodelinant toujours avec son masque, prenant une voix aiguë. ]

C’est une drogue, Maaaaaathi Aaaamie,
elle rend labile, Maaaathi Aaaaaamie, elle fluidifie.
J’ai déjà dit tant de choses Maaathi Aaaamie, tant et tant !
Tu chauffes, et brûles ! Tu es tout proche.
Fais donc friiiiire les fleurs-marque-pages !
À toi de dire au Volcan
À toi de dire au Volcan
Postérieurs ! Postérieurs !
Ce que tu as vu vu vu vu
Ce que tu as vu vu vu vu.

[ Le regard de Mathilde se fige comme pour trouver l’équilibre. Elle avale plusieurs fois sa salive. ]

Mathilde : C’est le début. Se décrochent du noir quatre silhouettes aux gestes ralentis qui se rapprochent. Tu me dis une danse pour le ralentissement du monde, une danse comme un acte magique. Elles sont des apparitions qui fonctionnent ensemble et séparément, elles forment des figures, des figures animales, leurs déplacements entraînent leur métamorphose, elles se reconfigurent lentement. Androgynes, toutes de soies chatoyantes et de bretelles noires vêtues, elles dansent muettes avec leurs yeux exorbités, des yeux d’hippocampes démis de toute volonté, clignotants, agités par la seule force de leur milieu. Puis leurs mouvements s’accélèrent dans l’espace, dans l’accélération ils s’accordent sur un même tempo, leur corps devient support de joyeux claquements de doigts, mains et bottines au sol, des danses de claquettes de bon alois scandées par des épisodiques bonsoirs de chacune des convives comme pour dire bonsoir public nous sommes bien avec vous là ici maintenant tout ce qui va advenir vous concerne.

Et puis un geste se produit, un geste archaïque qui enclenche le récit : l’une d’entre elles  éventre un sac, un sac comme un bout d’intestin à qui on aurait fait un garrot pour éviter qu’il ne s’épanche, un sac plein à craquer, recouvert d’une brillance argentée pop, qu’elle écartèle calmement, s’apprêtant à lire dans ses entrailles pour l’haruspice, et en sort un œuf. Cet œuf, c’est la vision délivrée, c’est le trésor de l’enfant, l’enfant qui, avec une méticulosité clinique, vient de trancher la gorge de sa poupée pour vérifier qu’elle avait un dedans.

C’est alors qu’une deuxième séquence démarre. Celle des tableaux vivants qui se reconfigurent entre deux roulements de grosse caisse. Face à la pauvreté des tableaux vivants qui tentent d’esquisser quelque chose en trois gestes et deux objets, la fille, dans un effort d’exhaustivité, nous fait goûter à son délire interprétatif ou médiumnique, celui capable d’extraire d’une image toute sa puissance d’évocation. Son opiniâtreté à convoquer les éléments naturels (roche, montagne, mer) les fait apparaître. Dans son obstination à voir, elle ouvre le regard. Elle dit "C’est beau hein putain."
Au gré de son effort à nous persuader de l’incarnation réelle de ce qui nous est présenté elle se dit émue par ses propres mots, son émotion, elle la tourne en dérision, elle en fait des tonnes, elle aspire les h, comme pour ramener à sa bouche les mots d’un autre temps, elle dit "ça me rend très sentimentale." La nature se tient debout devant elle, vivante et foisonnante. Une nature permanente, mythique (Janus est là), il suffit désormais de l’énumérer pour la faire exister. Elle dit El Niño... le travail... un glissement de terrain... une tentative d’approche... un cœur.
Changement de vitesse, tout se renverse, annonce du déluge, crash musical entamé par le chant martial japonais. Si le monde est convoqué, c’est pour mieux le pulvériser.

C’est un enfant, Kinder, qui en est le responsable. Kinder va tuer futur. Kinder rentre dans la transe du chant guerrier et va tuer futur. Kinder dynamite le monde, fait advenir le chaos, dézingue à coups de rafales intérieures. Les éléments disparaissent en s’avalant, une cosmogonie sans frontière où tout est dans tout. Je lis ainsi les dauphins dans les arbres les arbres dans les voitures les voitures dans le goudron le goudron dans les sauterelles les sauterelles dans les lits. Que le monde aille à sa perte, c’est la seule politique... Elle dit quoi, encore, Duras ? Elle dit tout est dans tout partout tout le temps.

Tout se désintègre, dans le discours, se désintègre en fusionnant, les temporalités fuient, se transpercent les unes les autres, tout s’accélère sur le plateau, les phrases à l’écran se percutent au point de ne plus pouvoir s’inscrire sur ma rétine, elles deviennent des pulsations, les pulsations d’un cœur qui s’apprête à exploser. Tu me dis c’est l’orgie mondiale des éléments. La tornade vitalise tout sur son passage, c’est tout sauf la mort, elle est orgasmique. Le système est grippé, les échelles inversées, l’ordre cosmique est mis en suspension, l’espace verbal est mystique, il cueille les contraires, tu notes épuisement des sensations.
Alors que la musique tourne en boucle jusqu’à l’étouffement, les corps reprennent possession de l’espace par des tentatives d’échafaudage de châteaux de sable qui n’en finissent plus de s’effondrer et de se reformer. Puis, c’est la ronde désarticulée, la danse macabre des pantomimes qui retournent à l’obscurité.

Pauline : Mathilde ?

Mathilde : Oui.

Pauline : Où sommes-nous ?

Mathilde : Au sommet de l’Etna.
J’y suis venue il y a six ans, je dévalais la pente de sable noir avec mon enfant dans les bras. À gauche à droite rien que des touffes arides vertes fluorescentes qui déployaient leur brindilles en éventail comme des coraux marins. J’avais l’impression qu’à chaque foulée je m’enfonçais dans le magma du monde, un magma séché qui pouvait désormais supporter notre poids et nous faire rebondir sans nous engloutir. L’étendue était immense, elle me rendait immense par son immensité, l’inclinaison de la montagne accélérait notre mouvement, j’étais un caribou, une chèvre, un kangourou avec son gosse accroché à sa poche et je riais de tout mon estomac.

[ Pauline retire son masque et termine la gourde. Les deux restent encore là quelques heures pour assister à la suite des phénomènes étranges que le volcan leur offre. En se quittant le lendemain, elles se donnent rendez-vous sur la faille de San Andreas, proche de Los Angeles. Là-bas, elles pourront continuer de parler d’art, du monde et des catastrophes en adoptant un point de vue différent sur l’art, le monde et les catastrophes, tout en se nichant sur les plus belles catastrophes en puissance du monde. ]




 

Toutes les citations non précisées sont issues de Les Techniciens du sacré, une anthologie établie par Jérôme Rothenberg, version française Yves di Manno, Paris, Les éditions José Corti, «Merveilleux» n°35, 2007.

 

 

1. Mot emprunté à la brochure publiée à l’occasion de l’exposition de Gaëlle Cintré, Géopoétique d’une catastrophe, galerie La Box, Bourges, 2015.

2.  http://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1969_num_175_1_9394

3. Propos de Boris Wolowiec: voir le site: <http://www.boriswolowiec.fr/>.

 

Opérations pour une disparition

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2. Décembre 2016 - 19:30» 23:00
Vendredi 2 décembre 2016, 19h30

 

Un rituel se met en place autour de l’écran de cinéma.




Des ondes électromagnétiques transformées en sons envahissent l’espace de projection. Un hommage au Rituel du Serpent de Aby Warburg - lors d’une cérémonie annuelle, des danseurs Hopis rentraient en effet en communication avec la foudre en introduisant la tête d’un serpent à sonnettes vivant dans leur bouche. Warburg constate comment l’arrivée de l’électricité chez ces natifs américains du Nouveau Mexique est concomitante à la disparition du rituel. Car l’électricité serait la foudre domestiquée…

Cette plongée dans le courant électrique se poursuit par la projection de deux films. La conservatrice d’un musée ethnographique prend soin d’un vêtement indigène très ancien. Un second film se déplie autour d’une conversation entre mère et fille. Les liens de sang qui les unissent vibrent à travers l’image, tandis qu’elles peinent à démêler les conflits de leur filiation impossible. On se demande qu’est-ce que prendre soin, on ressent parfois la fusion et parfois la rupture.

Le rituel se finit par la naissance - ou l’invocation ? - d’un personnage de fiction. Une travestie révolutionnaire - ou criminelle ? - qui avant l’heure incarne l’émancipation des femmes, avant de fissurer l’éthique un peu plus. Son histoire sera un appel à la trance.

Opérations pour une disparition est le deuxième volet de l’exposition itinérante Disappearing operations, présentée comme une séance de cinéma étendu d’une durée de deux heures environ. En collaboration avec Lyes Hammadouche et Eva Revox.


 

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Disappearing operations / Laura Huertas Millán

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Disappearing operations
Opérations de la disparition
Opérations disparaissantes
Opérations pour disparaître

est conçue comme une exposition nomade, visible et invisible.

“Opérations de la disparition” : l’enquête commence avec une série de films autour de l’exotisme, inspirés de l’imagerie d’un ailleurs tropical néocolonial habitant le cinéma, l’anthropologie et la culture populaire. Revient obstinément la nécessité de comprendre comment des communautés entières sont marginalisées à travers des représentations stigmatisantes ou archétypales sous prétexte qu’ils/elles seraient des “autres” - considérer quelles sont les opérations esthétiques pour rendre invisibles certaines communautés, et ainsi les exclure du débat collectif, politique et social.

“Opérations disparaissantes”, une suite d’expériences qui ne se répètent pas. Des performances ou situations performatives qui s’articulent autour de la projection cinématographique. Le film comme une série de rituels, à inventer, à renouveler sans cesse - des jeux histrioniques, des mises en scène. Une exposition faite d’une suite de rencontres éphémères - et le temps vide qui passe entre elles, peuplé des échos de ce que l’on a vu, des attentes de ce qui viendra, compte aussi comme partie inhérente, précisément, de l’exposition - même si pendant ces moments là rien ne se donne à voir.

“Opérations pour disparaître”. De fil en aiguille le voyage, le déplacement m’apparaît comme  le symptôme d’une envie permanente de m’en aller, comme la palpitation d’une morbidité cachée et secrète, avec laquelle je communique en prenant la fuite. Mais cette pulsion du mouvement manifeste aussi les états latents du désir, ce qui précisément me tient debout, les espoirs de métamorphose, ce qui permet les aventures, les quêtes mystérieuses. Et alors les gestes portés envers ma propre disparition, l’état permanent de déracinement, deviennent les signes d’une santé, les possibilités d’un frisson passionnel, des camouflages de résistance contre une arrestation identitaire :

                                               Si tu croises tes parents à Hambourg
                                               ou ailleurs

                                               Passe devant eux en étranger, tourne
                                               au coin, ne les connais pas.
                                               Mets sur ta figure le chapeau qu’ils
                                               t’ont donné

                                               Ne montre pas, ô ne montre pas ton
                                               visage

                                               Au contraire
                                               Efface les traces!

Disappearing operations est une exposition constituée des œuvres issues de ma recherche doctorale “Eclats et absences. Fictions ethnographiques” qui, partant d’un rapport conflictuel envers l’ethnographie, a finalement cherché à trouver en elle le terreau pour bâtir des fictions. L’exposition se déploie en cinq séances dans cinq lieux différents - et le temps vacant, d’absence, entre elles.


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Disappearing operations
Opérations de la disparition
Opérations disparaissantes
Opérations pour disparaître

Exposition itinérante de Laura Huertas Millán, proposée entre le cinéma Le Méliès, Les Laboratoires d’Aubervilliers, Les Beaux-Arts de Paris et La Fémis.

En collaboration avec : Mati Diop, Charlotte Bayer-Broc, Lyes Hamadouche, Raimundas Malasauskas et Eva Revox.

Séance 1. Filiations.
Avant-première de Soleil Noir.
Projeté en compagnie de Mille soleils de Mati Diop.
Projection suivie d’une rencontre avec les réalisatrices.
Cinéma Le Méliès (Montreuil). En partenariat avec Cinéma 93 et le département Seine-Saint-Denis (dispositif d’aide au Film court).
Mercredi 30 novembre, 20h.
Temps estimé de la séance : 2 heures.

Séance 2. Opérations pour une disparition.
Les Laboratoires d’Aubervilliers
Projection des films The lightning, Care, Black on Red.
Suivie d’une performance réalisée en collaboration avec Lyes Hammadouche.
Suivi d’un DJ set d’Eva Revox.
Vendredi 2 décembre 2016, 19h30.
Temps estimé de la séance : 2 heures.

Séance 3. Frictions ethnographiques.
Beaux-Arts de Paris, Amphithéâtre d’Honneur.
Projection des films Premier contact, La libertad, Voyage en la terre autrement dite.
Suivie d’une performance réalisée en collaboration avec Charlotte Bayer-Broc.
Lundi 5 décembre 2016, 19h.
Temps estimé de la séance : 2 heures.

Séance 4. Eclats et absences, fictions etnographiques.
La fémis, salle Renoir.
Projection des films de la thèse doctorale.
Soutenance de la thèse de pratique Eclats et absences, fictions ethnographiques.
Suivie d’un pot.
Vendredi 9 décembre 2016, de 10h à 17h.

Séance 5. L’exposition invisible.
Un après-midi avec Raimundas Malasauskas.
Beaux-Arts de Paris, Amphithéâtre d’Honneur.
Jeudi 15 décembre, à partir de 14h.


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Exposition réalisée avec le soutien de :
Université PSL, Beaux-Arts de Paris, Ecole Normale Supérieure rue d’Ulm, Film Study Center et Sensory Ethnography Lab (Université de Harvard), d’Arquetopia - Fundación para el desarrollo, Videobrasil, Evidencia Films, Les Films du Worso, Cinéma 93, Département Seine-Saint-Denis, Les Laboratoires d’Aubervilliers, La Fémis, Le Fresnoy, Studio national des arts contemporains, Programa C - Museo de Arte Moderno de Medellín.

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“Entrer en monde, c’est aussi bien y demeurer qu’y dévirer, y dériver” (Edouard Glissant)

Le voyage, l’immigration et le multiculturalisme ont façonné le travail artistique de Laura Huertas Millán — née en 1983 à Bogotá, Colombie, elle a acquis la nationalité Française après dix-sept ans de vie dans ce pays. Diplômée des Beaux-Arts de Paris et du Fresnoy, Studio national des arts contemporains, ses premières oeuvres cinématographiques entrelaçaient l’écologie et les études post-coloniales, sous la forme de travelogues ethnographiques et surréalistes autour du thème de l’exotisme. Ces films convoquaient ainsi les images originaires de l’anthropologie, les récits des voyageurs Européens dans le “Nouveau Monde”, les cartes postales des zoos humains à Paris au XIXe siècle et les films de “premier contact” entre les nommés “indigènes” et les occidentaux.

Suite à ces premières recherches, elle entame en 2012 le doctorat de pratique du programme SACRe de l’Université PSL autour du sujet “Eclats et absence. Fictions ethnographiques”, doctorat qu’elle développe entre les Beaux-Arts de Paris, l’Ecole Normale Supérieure rue d’Ulm, le Sensory Ethnography Lab et le Film Study Center à l’Université de Harvard. Les oeuvres issues de cette nouvelle enquête se construisent comme un compagnonnage qui s’élabore dans les frictions et les communions d’un jeu actoral crée au sein d’une communauté spécifique (une famille de tisseurs Zapothèque au Mexique, sa propre famille à Bogota, une communauté indigène en Amazonie). Ces travaux considèrent en particulier, et à travers la fiction et/ou la mise en scène, de possibles émancipations politiques et sociales.

Ces films, réalisés entre la Colombie, le Mexique et la France, ainsi que quelques pièces de performance, seront présentées à Paris, à Montreuil et à Aubervilliers sous la forme d’une exposition nomade, intitulée Disappearing operations - Opérations de la disparition, Opérations disparaissantes, Opérations pour disparaître, entre le 30 novembre et le 15 décembre 2016. Cette exposition sera constituée de plusieurs évènements, chacun se déroulant dans un endroit différent et de façon ponctuelle, le temps d’une soirée : au Cinéma Le Méliès, Les Laboratoires d’Aubervilliers, les Beaux-Arts de Paris et La Fémis. Chacune de ces expériences sera le déploiement à chaque fois différent d’un rituel cinématographique, et les intervalles entre les différentes présentations seront considérés comme inhérente au projet d’exposition.

Disappearing operations sera donc une exposition itinérante, visible et invisible, où la mise en scène deviendra performance, et le film sera parfois immatériel, alors que des fictions créées sur le terreau de l’ethnographie seront projetées. Cette présentation finale d’une thèse prendra ainsi une forme nomade et fragmentaire, entre plusieurs lieux et milieux — faisant ainsi écho au processus même de l’élaboration de ses films. Disappearing operations tisse en filigrane des sensations, affects et pensées autour des questions de l’absence, du voyage, de la résistance à l’arrestation identitaire, de l’autoportrait — thèmes qui ont fini par habiter cette recherche, qui a commencé par une considération exhaustive et critique de la représentation du “natif”, de “l’indigène” dans le cinéma.

 

Seminar / Care Practices and collectives / Season #2

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Seminar Care Practices and collectives
Season Two.


                                           But how a new mythology is itself to
                                           arise, which shall be the creation, not of
                                           some individual author, but of a new
                                           race, personifying, as it were, one single
                                           poet — that is a problem whose solution
                                           can be looked for only in the future
                                           destinies of the world, and in the course
                                           of history to come
.

                                           Friedrich Wilhelm Schelling,
                                           The Modern Construction of Myth
                            

   


It is important we locate the issue of care within a political landscape — a landscape we could describe as a crisis, for it is imposed on us. And we could join others in saying that “crisis” is nothing other than a mode of governing. Governing through fear, through a subjective putting into tension, through the determination of constantly destabilised social identities — these are the new forms of governance.
The imperious injunction to adapt to instability seems to be the mode of subjectification fostered by governing institutions, on a countrywide level, with the institutionalisation of precarity or emergency laws that reveal the police State in its full glory. And also on the individual level, in the way life becomes an anxious task of prospecting. In such a framework, the only grounds for community is the shared experience of fear and insecurity.   

Yet we also know that the word “crisis” is etymologically linked to the idea of decision-making. Let’s say the “crisis” we are experiencing announces new, unexpected directions, that is, new paths for emancipation. And we are, indeed, a growing number who want just this and who are acting in consequence, be it by occupying city squares, by “flooding” the streets to protest, or by experimenting with new forms of cooperation, or all of these actions at once.

There is no longer any doubt that the very illegitimacy of those who claim to govern us and their institutions radically increases the possibility of cultivating the arts as a means of opposing governance. We can oppose the logic of integration (be it by market institutions — the institution of the salary and the demented production of value that destroys the plurality of our living environments — or by state institutions that construct standardised life-paths and identities) through the fragmentation of new forms of “communality”. We can oppose the management of the population as an administered totality through the construction of singular communities. We can oppose the delegating of our instituted needs by a microphysics of power through attentiveness towards the singularisation of our collective life.   

It thus becomes clear that care is located at the borders of politics — borders which care and attentiveness can render porous. We must pay attention to all the processes of individuation that enable us to situate the ways the collective can be established and, by locating them, to cut paths between worlds. In this perspective, care is to be apprehended as the making of differences from which processes of singularisation emerge, averting attempts towards an ontological unification.   

If we embrace the hypothesis whereby politics emerges with the process of deserting identities shaped by a police state and which enable the administration of a particular social order, this also means the emergence of new regimes of sensibility and collective enunciation opens up the possibility for alternative forms of community. We no longer want a universal Subject, even if presented as the subject of emancipation: we know the disastrous implications of establishing a political subject that subsumes all other plural forms of subjectivation.    

The misery of an already established universalism, leading to a pitiful inattentiveness towards the environments in which we co-exist. Caring and healing are processes that establish difference. Forms of trans-individuality give rise to new modes of experience. In this way, an ecology of care entails experimenting and experiencing relations with others and with the others of others, i.e., weaving relations. We must repopulate the world with the infinite diversity of human relationships. Taking care is about supporting heterogeneous forms of co-individuation.    

What we are concerned with is thus neither “the tragic subject of the lack-of-being”, nor self-care inflated by an ideal of health, nor the hyper competent individual, switched on and frenetically active in adapting to the economic world. What we are concerned with are the apparatuses for experimenting relationships between beings, both human and non-human, which construct new worlds or which invent ways of inheriting worlds that came before. It is not “individuals” or “subjects” that are cared for but the relationships we pertain to. In this perspective, there is no subject that precedes the established relationship, no possible neutrality, no “modest witness” of the world’s objectivity, to use Donna Haraway’s terms, but a common engagement in emancipatory processes which are simultaneously the singularisation of our relationships and a collective project to situate these relationships: creating sites.

This will be our guiding intention for this second cycle of discussions on care and collective practices. Creating or maintaining plural collective constitutions and sharing experiences also involves a fragile and risky exercise in de-allocating already standardised identities (those maintained by a certain form of medicine, psychiatry, psychoanalysis, sociology or the legal system). If we are rejecting governmental pastoralism, or the pedagogical claim of a few to dictate to others what the right form of emancipation might be, it is because care produces difference.
   

Following an introductory session that I will be facilitating along with Thierry Drumm, a pragmatist philosopher and attentive reader of William James, in the company of other guest speakers we will be exploring: neo-shamanic practices; the introduction of Candomblé in France; the establishment of an autonomous social/community care centre in the Greater Paris region; practices of mutual aid groups at the margins of the psychiatric institution; the implementation of self-support groups for persons affected by somatic illnesses; care work among sex workers in a working-class area of Paris; and our relationship to the flora that grows in our urban environment…This will enable us to begin to map the plural practices of care and attentiveness as different forms of emancipation.
   

These discussions are scheduled on the last Thursday of the month at Les Laboratoires d’Aubervilliers, from 7 pm.

The dates are as follows (the content of each session will be announced in due course): Thursday 27 October, 24 November, 15 December 2016, and Thursday 26 January, 23 February, 30 March, 27 April and 25 May 2017.

 





Séminaire / Pratiques de soin et collectifs / saison #2 / Josep Rafanell i Orra

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Séminaire Pratiques de soin et collectifs
Sur une proposition de Josep Rafanell i Orra

Deuxième saison



                                           Mon bon ami, lui dis-je, aussi vrai que je
                                           suis moi et que vous êtes vous –
                                           Qui êtes-vous donc ? me dit-il.
                                           Pas de question embarrassante,
                                           répondis-je
.

                                           Laurence Sterne,
                                           Vie et opinions de Tristram Shandy
                            

   


Il me semble important de situer à nouveau la question du soin dans un paysage politique. Et ce paysage, on pourra l'appeler la crise qui nous est imposée. Et nous dirons avec d'autres que « la crise » n’est rien d’autre qu’un nouveau mode de gouvernement. Gouverner par la peur, par la mise en tension subjective, par la détermination d’identités sociales qui ne cessent en même temps d’être déstabilisées. L’impérieuse injonction à s’adapter à l’instable semble être devenu le mode de subjectivation promu par les institutions de gouvernance, à l’échelle de pays entiers, avec l'institutionnalisation de la précarité ou avec des lois d'urgence dévoilant le fondement policier de l'Etat. Ou encore à l’échelle des conduites individuelles, en faisant de la vie un travail anxieux de prospection. Voici que la seule communauté possible ne saurait-être que celle de l’expérience commune de la peur et de l’insécurité.   

Et pourtant nous savons que le mot crise est lié aussi, étymologiquement, au sens de prise de décision. Disons que la « crise » que nous vivons annonce des bifurcations inattendues comme autant de nouvelles voies d’émancipation. Et que nous sommes, à nouveau, de plus en plus nombreux à le vouloir ainsi et à agir en conséquence : que l’on occupe des places, que l’on "déborde" dans les rues ou que l’on expérimente des formes de coopération. Ou tout à la fois.

Il n’est plus possible d’en douter, l'illégitimité de ceux qui prétendent nous gouverner, et de leurs institutions, augmente radicalement la possibilité de cultiver des arts pour ne plus être gouvernés. A la logique intégrative (que ce soit par les institutions du marché –le salaire et la folle production de valeur qui détruit la pluralité de nos milieux de vie–, ou que ce soit par les institutions étatiques qui fabriquent des parcours et des identités normées, au demeurant introuvables), nous pouvons opposer la fragmentation de ce que l'on peut appeler avec d’autres de nouvelles formes  de « communalité ». A la gestion de la population comme une totalité administrée on pourra opposer des fabriques de communautés singulières. A la délégation de nos besoins institués par toute une microphysique du pouvoir, on peut opposer l’attention vers la singularisation de notre vie commune.   

On peut dire alors que le soin se situe au bord de la politique. Ce sont le soin et l’attention qui permettront que les frontières de la politique deviennent poreuses. Il s’agit alors de porter notre l’attention aux processus d’individuation qui permettent de situer les formes d'instauration du collectif et, en les situant, de frayer des passages entre des mondes.  Le soin est en ce sens la fabrique des différences d’où émergent des singularités conjurant les tentatives d’une unification ontologique.   

Si nous adoptons l’hypothèse que la politique surgit là où se produit un processus de désertion des identités policières qui rendent possible l’administration d'un certain ordre social, cela veut dire aussi que l’apparition de nouveaux régimes de sensibilité et d’énonciation collective amorcent la possibilité d'autres formes de communauté. Nous ne voulons plus d’un Sujet universel, serait-il le sujet de l’émancipation : nous savons le désastre auquel aura conduit l’instauration d’un sujet politique subsumant tous les autres formes plurielles de subjectivation.    

Misère de l’universalisme déjà fondé, conduisant à la désolante inattention au regard des milieux de nos coexistences. Soigner, guérir, ce sont des processus instituant la différence. C’est par des formes transindividuelles qu’émergent des nouveaux modes d’existence de l’expérience. Alors, une écologie du soin suppose l’expérimentation de relations avec les autres et les autres des autres : un tissage de relations. Il faut repeupler le monde de la variété infinie des relations entre les êtres. Prendre soin, c’est accompagner des formes hétérogènes de co-individuation.    

Ce qui nous intéresse donc, ce n’est ni "le tragique sujet du manque-à-être", ni le souci de soi boursoufflé par un idéal de santé, ni non plus l’individu hyper-compétent, frénétiquement "activé" dans l'adaptation au monde de l'économie. Ce qui nous importe ce sont les dispositifs d’expérimentation de rapports entre les êtres, humains et non-humains, qui fabriquent des nouveaux mondes ou qui inventent les manières d’hériter des mondes anciens. On ne soigne pas des « individus » ni des  « sujets » mais on prend soin des relations auxquelles nous appartenons. Ici, pas de sujet précédant la relation instaurée, pas de neutralité possible, pas de « témoin modeste » de l’objectivité du monde, selon les mots de Donna Haraway, mais un engagement commun dans des processus d’émancipation qui sont, simultanément, la singularisation de nos relations et un travail  collectif pour situer ces relations: l'instauration de lieux

Voici la tentative qui guidera le cycle de rencontres que nous proposerons lors de cette deuxième saison du séminaire autour du soin et des pratiques collectives. Faire exister des constitutions collectives plurielles, le partage de nos expériences, suppose aussi un exercice fragile et risqué de désassignation aux identités déjà normées (celles purement fantasmatique de certaines formes de médecine, de psychiatrie, de psychanalyse, de sociologie ou de la justice). S'il s’agit de refuser le pastoralisme gouvernemental, ou la prétention pédagogique de quelques uns à dicter aux autres les manières de la bonne émancipation, c'est que le soin est une fabrique de la différence.
   

Après une séance d'introduction que je partagerai avec Thierry Drumm, philosophe pragmatiste, lecteur attentif de W. James, nous nous pencherons avec d'autres invités sur des pratiques néo-chamaniques, sur l'introduction du candomblé en France, sur la réinvention d'une friche dans la banlieue parisienne, sur les pratiques des groupes d'entraide mutuelle à la bordure de l'institution psychiatrique, sur la mise en place de groupes d'auto-support de personnes atteintes d'une maladie somatique, sur la mise en place d'un centre social autonome, sur nos rapports aux plantes qui habitent nos milieux urbains, sur l'usage d'une ambulance achetée collectivement... Cela devrait nous permettre de commencer à dessiner une sorte de cartographie de pratiques plurielles de soin et d'attention comme autant de formes d'émancipation.
   
Ces rencontres auront lieu comme d'habitude les derniers jeudis du mois aux Laboratoires d'Aubervilliers, à partir de 19h.

Les dates prévues, dont nous annoncerons le contenu ultérieurement, sont les suivantes: les jeudis 27 octobre, 24 novembre, 15 décembre 2016, puis les jeudis 26 janvier, 23 février, 30 mars, 27 avril et 25 mai 2017.

 

Jeudi 27 octobre 2016
« Pragmatisme et mondes en train de se faire »  -  Présentation du cycle des rencontres Pratiques de soin et collectifs avec Thierry Drumm, philosophe pragmatiste.

Jeudi 24 Novembre 2016
« Cohabiter avec les plantes dans la ville »  -  Avec Véronique Désanlis, botaniste, et Ariane Leblanc coordinatrice du projet La semeuse.

Jeudi 15 décembre 2016
« Les électrosensibles »  -  Avec Nicolas Prignot, chercheur et philosophe.

Jeudi 26 janvier 2016
« La psychiatrie. Bordures »  -  Avec Alexandre Vaillant, animateur du GEM (groupe d'entraide mutuelle) à Saint Denis, Charles Burquel et Mounia Ahammad, psychiatre et infirmière dans plusieurs institutions et espaces collectifs bruxellois.

Jeudi 23 février 2016
« Néo-chamanisme et communauté »  -  Avec David Dupuis, chercheur sur des pratiques de soin chamaniques en Amérique latine.

Jeudi 30 mars 2016 
« Une expérience d'entraide autour de la maladie d'Huntington »  -  Avec Alice Rivière, écrivaine, cofondatrice de Ding Ding Dong.

Jeudi 27 avril 2016
« Friches: une expérience communale »  -  Avec Olivier Pousset, documentaliste et habitant d'Aubervilliers.

Jeudi 18 mai 2016
« Ne tirez pas sur l'ambulance. L'invention de pratiques de soin en milieu hostile »  -  Membres de l'Association de soin intercommunal, Plateau de mille vaches et Rouen.


Unlearning #1 : Choeur in situ

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21. Octobre 2016 - 15:00» 18:30
Friday 21st October 2016, from 3 to 6:30 p.m.

 

Silvia Maglioni & Graeme Thomson - common infra/ctions
Centre for Language Unlearning

Unlearning 1 : Choeur in situ
workshop with Natacha Muslera


Natacha Muslera, document de travail, 2016


Frequently monolithic and conservative (whether religious or military, blank voiced, occitan or experimental), the choir appears as a homogenous, listless mass, harnessed to the will of its conductor.
During this workshop, we will try to expreiment with ways of awakening the choir from its automatisms, open up its cracks so as to breathe in an unforeseen emancipatory potential. We will invent new types of choir and with them new languages.

In the first part of the workshop Natacha Muslera will present certain therapeutic techniques (circular breathing, oxygenation of the body, massage…) associated with choral exercises designed to stimulate listening and open the vocal apparatus, fostering states of receptivity that will enable our multiple voices ― noisy, sung, animal, machinic, vegetable, ancestral, mutant, vibrational, liminal, wave-like – to reveal themselves.  

Then the choir will become a limitless field of play, a healing zone, a semantic machine to be reinvented through song and sound languages, liberating the voices within the voice.

The choir is a common vibration operating at different rhythms through which each singular voice can be perceived. Both in and beyond itself, it can accommodate every kind of material. Polyphonic and polysemic it is an ephemeral community, a resonant, dissonant space of exploded, reinvented languages.   
…....... wind choir, schizochoir, choir of thresholds, blind, incantatory cosmic .................. . ...............    .....        ......... ..            .    ..



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This workshop is open to all.
As the number of participants is limited to 10,
quick reservation is advised
to
reservation@leslaboratoires.org or 01 53 56 15 90

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For 20 years the voice has been Natacha Muslera's principal object and instrument of research. Her work is situated between the fields of experimental music, sound poetry and visual art. During the 1990s, she composed, decomposed, wrote and performed electroorganic songs and poems within a number of groups and sonic and theoretical platforms. Since 2000, she has been a practitioner of free improvisation and noise music, parallel to which she has taught voice, both for song and therapeutically, in different institutional contexts. As well as composing sound works and audio poems, she currently collaborates with eRikm (Cartouche) and Cecile Duval (En pleine figure). In 2013, she founded the chœur TAC-TIL, a mixed, partly unseeing choir for which she has conceived, in collaboration with GMEM-CNCM Marseille, a new tool for composition, transmission and interpretation that uses touch and hearing without visual support.

http://choeurtactil.wixsite.com/accueil
 

 

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For more information about RECHERCHE IN PROGRESS


Furthermore, during their residency at Les Laboratoires d'Aubervilliers, Silvia Maglioni and Graeme Thomson attended the International Mother Language Day organized by the City of Aubervilliers in February 2016. From what they recorded that day, they realized a sound piece, Lullabye to Language, currently broadcasted by radio DUUU* [Unités Radiophoniques Mobiles].


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Labo des Labos

Désapprentissage #1 : Choeur in situ

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21. Octobre 2016 - 15:00» 18:30
Vendredi 21 octobre 2016, de 15h à 18h30


Silvia Maglioni & Graeme Thomson - common infra/ctions

Centre de désapprentissage de la langue

Désapprentissage 1 : Choeur in situ
atelier avec Natacha Muslera


Natacha Muslera, document de travail, 2016


Souvent univoque, réactionnaire, conservateur (choeur sacré, choeur militaire, choeur d'enfants, choeur occitan, choeurs contemporain, choeur expérimental), le choeur apparaît comme une masse homogène, apathique, attelé à un chef de choeur.
Au sein de ce cours-atelier, nous tenterons des expériences pour réveiller le choeur de ses automatismes, et nous lui insufflerons en ouvrant ses failles, son potentiel inouï, émancipateur.  Nous inventerons des choeurs et des nouvelles langues.

Dans un premier temps, Natacha Muslera propose des soins (circulations respiratoires, oxygénation du corps, massage…)  associés à des jeux de choeurs qui stimulent l'ouïe, ouvrent la machine vocale, provoquent  des états réceptifs, afin que nos voix ― bruitée, chantée, animale, machine, végétale, ancestrale, mutante, vibrante, liminale, ondulatoire – se révèlent.  

Puis le choeur devient un terrain de jeux, sans bord ni limite, une aire de soin, une machine sémantique à réinventer à travers des langues-chants, des langues-sons, où les voix se libèrent et deviennent multiples.

Le choeur c'est une vibration commune, à des rythmes différents,  d'où l'on perçoit chaque voix singulière. Le choeur, en soi et au dehors, peut tout accueillir, polyvoque et polysémique, il est une communauté éphémère, un espace résonnant, dissonant des langues éclatées en réinventions.
…....... choeur souffle vent, choeur schizo, choeur liminaire, choeur à l'aveugle, choeur incantatoire, choeur grappe cosmique ........................... . ...............    .....        ......... ..            .    ..



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L'atelier est ouvert à tous et à toutes
Le nombre de participants est limité à 10,
pensez réserver rapidement

à reservation@leslaboratoires.org ou au 01 53 56 15 90

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La voix est pour Natacha Muslera un instrument et objet de recherche depuis vingt ans. Elle inscrit son travail dans les champs de la musique expérimentale, de la poésie sonore et des arts plastiques. Dans les années 90 elle compose, décompose, écrit des chansons et poèmes électrorganiques, à l’intérieur de groupes ou plateformes actives, théoriques et sonores qui se produisent régulièrement. A partir de l’an 2000, elle pratique l’improvisation libre et la musique bruitiste. Parallèlement elle commence à enseigner la voix, le chant et son aspect thérapeutique au sein de différentes institutions. Elle compose des pièces sonores et audio poèmes. Actuellement elle collabore avec eRikm (duo Cartouche) et Cécile Duval (En pleine figure). En 2013, elle crée chœur TAC-TIL, un chœur mixte et aveugle, dans lequel elle compose et conçoit en collaboration avec le GMEM-CNCM à Marseille un nouvel outil de composition, de transmission et d'interprétation qui utilise les sens du toucher et de l'ouïe sans aucun support visuel.

http://choeurtactil.wixsite.com/accueil
 

 




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Pour plus d'informations sur la RECHERCHE IN PROGRESS


Par ailleurs, à l'occasion de leur résidence aux Laboratoires d'Aubervilliers, Silvia Maglioni et Graeme Thomson ont assisté à la Journée Internationale des Langues Maternelles organisée par la Ville d'Aubervilliers en février 2016. De cette journée, ils ont réalisé une pièce sonore, Lullabye to Language, actuellement diffusée par la radio DUUU* [Unités Radiophoniques Mobiles].


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Labo des Labos

Séminaire Pratiques de soin et collectifs - Rencontre #3

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15. Décembre 2016 - 19:00» 22:00
Jeudi 15 décembre 2016, 19h

 

Les électrosensibles.
Ou les machines de subjectivation: maladie, conflit et l'émergence de collectifs.



Et soudain des invisibles, les ondes électromagnétiques, se manifestent chez certains parmi nous. Depuis déjà longtemps des personnes se disent sensibles, plus précisément souffrantes, dans leur corps, par la matérialité du plus vaste support de communication que les humains aient jamais constitué : le monde numérique et les ondes de transmission de l'information. Soudain ce monde "immatériel" se matérialise : les ondes sont "senties" par certains. On savait déjà la très relative immatérialité du féérique monde du réseau, et son impact écologique désastreux : les millions de kilomètres, de câblage parcourant la terre, l'extraction de terres rares exploitant les humains et dévastant les écosystèmes, les montagnes de déchets toxiques qui empoisonnent les pays pauvres, la voracité en énergie colossale (le Cloud consomme autant d'énergie électrique que l'Allemagne ou la France). Et voilà que maintenant c'est dans les corps que certains disent éprouver la présence physique de ondes électromagnétiques.

Des collectifs nouveaux se forment (de « malades »), s'allient avec d'autres (des anti-industriels), s'affrontent (experts roulant pour les multinationales). Mais qu'est-ce qu'une maladie? Comment prouver les effets des ondes ? Quels protocoles de véridiction du « fait » de l'électrosensibilité ?

Nicolas Prignot, ayant mené sa recherche avec des collectifs de malades, nous parlera des expérimentations en double aveugle, de la difficulté à partir des dispositifs expérimentaux contrôlés d'établir la preuve des effets des ondes, de la « psychopathologisation » de l'expérience d'électrosensibilité (on parlera alors de nocebo, où d'une maladie qui consisterait en la crainte d'être malade). Il évoquera d'autres formes de
« test » : ceux auxquels on soumet les molécules candidates à acquérir un statut de médicament. Mais aussi des protocoles pour prouver la réalité de la communication parapsychologique.

La question qui se pose est aussi celle du risque encouru par les électrosensibles, en quête de reconnaissance de leur souffrance, de se laisser enfermer dans une nouvelle catégorie médicale : celle d'une « vraie maladie ». Car, et c'est enfin un point essentiel de la proposition de Nicolas Prignot, penser le rapport entre milieu et maladie ce n'est pas penser cette dernière dans sa détermination par un milieu, mais penser l'expérience plutôt en termes « machiniques ». Cette notion qu'il emprunte à Félix Guattari, permet de considérer les rapports entre milieu et maladie autrement que dans des logiques causalistes. Il s'agira plutôt des agencements entre le corps, l'esprit (ou le psychisme) et les ondes de telle sorte que la production de savoirs reconfigurent l'expérience, certes. Mais que l'expérience, dans le même geste, configure les savoirs : entre-capture. L'expérience a des logiques qui lui sont propres, c'est parce qu'elle ne se laisse pas guider par une rationalité abstraite que des alliances et des conflits sont possibles.


Nicolas Prignot est chargé de recherche à l'Université Libre de Bruxelles, docteur en philosophie. Il a rédigé une thèse sous la direction d'Isabelle Stengers sur les électrosensibles. Il travaille sur des questions d'écologie urbaine (collectif « Ecologies urbaines de Bruxelles »).

 

Labo des Labos

Cuisiner les plantes albertivillariennes #3

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10. Décembre 2016 - 14:00» 17:00
Samedi 10 décembre 2016, de 14h à 17h

 

Cuisiner les plantes albertivillariennes #3 avec Véronique Désanlis
Les Rosaceae


L’automne et l’hiver sont des saisons certes, où les herbes fraîches comestibles se font rares, mais certaines baies et racines sont alors à leur apogée ! Profitez de ces plaisirs d'hiver... et laissez-vous étonner par des saveurs originales.

Pour ce troisième atelier l’ethnobotaniste Véronique Desanlis nous fera découvrir la cosmopolite famille des Rosaceae. Les espèces telles que la prunelle, l’aubépine ou encore l’églantier sont des baies sauvages qui se dégustent sous plusieurs formes sucrées comme salées, et aident, grâce à leur apport en vitamine C, à combattre le froid hivernal. 

 

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Atelier ouvert à tous, sur inscription à
reservation@leslaboratoires.org ou au 01 53 56 15 90
Limité à 15 participants

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Rosa canina / Eglantier / Rosaceae - Fruit, Cynorrhodon
_tous droits réservés

 

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