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Atelier de lecture "Extra Sensory Perception" #5

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1. Décembre 2016 - 16:00» 18:00
Jeudi 1er décembre 2016, de 16h à 18h

 

Les Laboratoires d’Aubervilliers poursuivent les ateliers de lecture qui, tous les quinze jours, proposent de mener collectivement recherches et réflexions autour d’une problématique spécifique abordée depuis différentes disciplines (l’art, les sciences humaines, la politique). Ces ateliers participent à la construction du « Printemps des Laboratoires », programmation qui se décline tout au long de l’année via des workshops, tables rondes, projections jusqu’à l’avènement d’un moment public intense. Ce rendez-vous public, qui aura lieu en juin 2017, en constitue la mise en perspective finale à une échelle internationale. Cette programmation est articulée chaque année autour d’une notion spécifique ; cette année il s’agit de « Extra Sensory Perception ».

La quatrième édition du Printemps des Laboratoires a ouvert un champ très vaste que nous souhaitons continuer à explorer pour cette nouvelle saison. Sous l’intitulé « ESP (Extra Sensorial Perception) », nous proposons de poursuivre nos réflexions.

Il sera question de comment faire de la place dans nos vies à des voix multiples et contradictoires, à un “Je” non unique, centre de gravité narratif, à des entités non-humaines et autres mondes invisibles, de comment en être remplis sans être assaillis. On se demandera ce que peut être une mystique contemporaine et dans quelle histoire hallucinée, illuminée, visionnaire nous souhaitons nous situer aujourd’hui. On cherchera les méthodes de désindividualisation afin de partager ces visions et de les rendre collectives et habitables.



Atelier # 5

Pour ce cinquième atelier de lecture, Paola Quilici, jeune diplômée de l’ENSAPC, propose que nous étudions deux passages du livre d’Arnaud Esquerre Théorie des événements extraterrestres, Essai sur le récit fantastique, publié aux éditions Fayard en 2016.

En s’appuyant sur les archives du GEIPAN (Groupe d’Etudes et d’Informations sur les Phénomènes Aérospatiaux Non Identifiés) situées au CNES (Centre National d’Etudes Spatiales), ce texte traite des systèmes narratifs à l’oeuvre dans les témoignages (oraux et écrits) d’événements extraterrestres (vécus ou non).

Dans ces extraits « l’imperception » s’avère, pour le témoin comme pour le lecteur, plus troublante que l’apparition elle-même. Comme dans tout type de rencontre paranormale (fantomatique, mystique, chimérique, extraterrestre...), c’est la disparition du phénomène qui à nos yeux fait événement. Paola Quilici nous présentera pour l’occasion ses recherches formelles et théoriques qui ont découlées de cette lecture.



Né en 1975, Arnaud Esquerre est sociologue. Chargé de recherche au CNRS (LESC, Nanterre), il a enseigné à Sciences Po Paris et à l'EHESS.
Il a notamment publié La manipulation mentale. Sociologie des sectes en France (2009), Les os, les cendres et l'Etat (2011), et Prédire. L'astrologie au XXIe siècle en France (2013), parus chez Fayard.

 


Labo des Labos

Désapprentissage #2 : Unlearning privilege - talking with the disappeared

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17. Décembre 2016 - 16:00» 19:00
Samedi 17 décembre 2016, 16h

 

Silvia Maglioni & Graeme Thomson - common infra/ctions
Centre de désapprentissage de la langue

Désapprentissage #2 :
Unlearning privilege - talking with the disappeared
screening, reading, cooking and conversations
Atelier avec Jesal Kapadia


Fugitive green: fragment of a floorspread, 2016


Des rangées de coquelicots rouges bordent le centre de ce tapis magnifique, qui a par la suite été coupé et ourlé en vue d’un nouvel usage. Souvent, dans certaines zones, le motif principal du tapis change de direction ; ici, dans la rangée supérieure, des coquelicots à l'envers alternent avec les autres. Le tapis a été fabriqué par un processus laborieux connu sous le nom de kalamkari, dans lequel le vert est obtenu en peignant une couleur jaune sur les zones teintées d'indigo. Pourtant, le jaune tend à s'effacer, laissant seulement la sous-couche de bleu. Chose étonnante, le vert, souvent fugitif, et qui a tendance à se soustraire de la lumière, est ici bien conservé.

Elle dit : Parfois, la ligne de démarcation entre le système et la révolution n’est qu’une rivière. Après tout, le combat entre les forces de résistance et le système de domination n'est-il pas aussi ancien que l'Euphrate et le Gange ?

Nous passerons ainsi une soirée entière à inverser les flux, à désapprendre nos façons de voir et de faire, à être ensemble et à faire des lectures par relais des mots clés issus de la conscience féminine.

Elle dit : La mutinerie peut être autant dirigée vers l'intérieur que contre une autorité extérieure répréhensible, impliquant la difficile tâche de sortir de son propre auto-façonnage en tant que sentinelle volontaire d'un injuste statu quo, ou plutôt exigeant des pratiques d'auto-démontage éloquemment décrites comme : « libérer soi-même de soi-même » ou « s'écarter » ou bien « se déserter » !

En nous approchant de ce qui n'a pas forcément une fin, habitant le processus et refusant de participer à toute perpétuation du statu quo, avec une aire improductive (et ce faisant apparaissant improductif), un engagement dans les choses plus inessentielles, abordant des concepts qui auraient à voir avec l'idée d'apprendre à apprendre par le bas, en parlant avec les disparu(e)s... et les voix, les langues, la couleur, les formes de vie, les façons d'être. Cherchant une cause commune et non le common wealth.

Elle dit, encore: Notre corps est en fait un arbre à l'envers.

Suspendant pensées et actions efficaces, se sentant attardé, à rebours, en retard, renversant l'imaginaire du temps linéaire, sortant des privilèges de la reproduction réelle et symbolique/sociale, en échouant ensemble, inconséquemment, et vers une pensée non-reproductive.



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L'atelier est ouvert à tous et à toutes
Réservation conseillée
à reservation@leslaboratoires.org ou au 01 53 56 15 90

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Jesal Kapadia
est une artiste, originaire de Bombay et de bien d'autres villes. Utilisant divers médiums, son travail explore les formes potentielles des subjectivités non capitalistes. Son intérêt réside dans une pratique éthique d'un “être-en-commun” et dans la culture d'une conscience d’un art localisé, diversifié, multiple, à petite échelle, collectif et autonome. Jesal s’est longtemps intéressée aux dimensions imaginatives et affectives de la migration qui dépassent l'analyse purement économique - comment la mondialisation et la modernisation ressent, plutôt que ne constitue que de simples statistiques. Son art tend vers une connexion à un moment primordial de non-mondialisation, générant un sentiment d'affinité avec le temps et l'espace pré-colonial, ou post-capitaliste, dans la nature. Elle cherche des choses, poèmes, chansons, images, écrits, goûts, touchers, dialectes et voix qui contiennent les traces d'un ordre invisible et qui se modifient constamment au fur et à mesure qu’ils deviennent visibles, mettant en valeur une forme qui refuse d'être capturée, mais qui continue à circuler dans d’autres formes, devenant pidgin.

De 2001 à 2014, Jesal a publié des articles collectifs sur l’art dans le journal « Rethinking Marxism » (journal d'économie, de culture et de société) ; elle a organisé et participé à des événements comprenant les membres du groupe 16beaver (une communauté d'artistes dans le centre-ville de New York qui fonctionne comme une plate-forme ouverte de discussion, critique et collaboration). Au cours des quinze dernières années, elle a enseigné et développé un certain nombre de cours et de séminaires dans diverses écoles ainsi que des espaces communautaires ou des espaces indépendants d’artistes. En 2012, Jesal a rencontré les membres de Wednesday Discussion Group et les femmes du groupe WRise, tous deux basés à Cambridge MA, et a depuis partagé les apprentissages et les réflexions issus de leurs discussions, activant des échanges sur la question du patriarcat et de la violence dans notre société contemporaine.




Labo des Labos

Unlearning #2 : Unlearning privilege - talking with the disappeared

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17. Décembre 2016 - 16:00» 19:00
Samedi 17 décembre 2016, 16h

 

Silvia Maglioni & Graeme Thomson - common infra/ctions
Centre for Language Unlearning

Unlearning #2 :
Unlearning privilege - talking with the disappeared
screening, reading, cooking and conversations
Workshop with Jesal Kapadia


Fugitive green: fragment of a floorspread, 2016


Rows of red poppies line the center of this magnificent floor spread, which was later cut and hemmed to be repurposed. As in several instances, the main motif changes direction in certain areas; here, alternate poppy plants appear upside down in the top row. The spread was made through the laborious process known as kalamkari, in which green is achieved by painting a yellow dye over areas tinted with indigo, but the yellow often faded, leaving only the undercoat of blue. Remarkably, the usually fugitive green is well preserved in this work.

She said: Sometimes the line between the system and a revolution is just a river. After all, isn’t the fight between the forces of resistance and the system of domination almost just as old as the Euphrates and the Ganges?

So we will spend a whole evening on reversing the flows, unlearning our ways of seeing and doing, being together, holding a continuous non-stop relay reading of keywords that arrive from the feminine consciousness.

She said: Mutiny can be as much internally directed as against objectionable external command, involving the tougher task of first exiting his or her self-fashioning as a voluntary sentinel of an unjust status quo, or rather involving those practices of auto-disassembly so eloquently described as releasing oneself from oneself, or straying afield from or deserting oneself!

Approaching what is not exclusively ends-driven, giving equal merit to process and refusing to participate in any perpetuation of the status quo, and in doing so appearing ungenerative, with commitment to inconsequential or inessential things, addressing concepts that have to do with learning to learn from below, by talking with the disappeared...voices, tongues, color, forms of life and ways of being. Searching for the common cause and not the common wealth.

She said, again: Our body is actually an upside down tree.

Calling for the suspension of causative thinking and action, feeling backward, reversing the imaginary of successive time, exiting the privileges of real and symbolic/social reproduction, failing, inconsequentially, and entering non-reproductive thought.



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This workshop is open to all.
Reservation is advised
to
reservation@leslaboratoires.org or 01 53 56 15 90

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Jesal Kapadia
is an artist from Bombay and many different cities. Using various mediums, her work explores the potential forms of non-capitalist subjectivities. Her interests lie in an ethical praxis of being-in-common, and the cultivation of an awareness of art that is place-based, diversified, multiple, small-scale, collective and autonomous. Jesal has long been concerned with the imaginative and affective dimensions of migration that exceed purely economic analysis – how globalization and modernization feels, rather than mere statistics. Her art tends to have a connection to a prior moment of non-globalization, generating a sense of affinity for time and space that is pre-colonial, or post-capitalist, in nature. She looks for things, poems, songs, images, writings, taste, touch, dialects and voices that contain traces of an invisible order that constantly shift upon becoming visible, emphasizing a form that refuses to be captured but continues to flow into other forms, becoming pidgin.

From 2001-2014, Jesal collectively edited art for'Rethinking Marxism' (a journal of economics, culture and society) as well as organized and participated in events with members of 16beaver group (an artist community in downtown New York that functions as an open platform for discussion, critique and collaboration). Over the last fifteen years she has taught and developed a number of courses and seminars at various schools as well as community-based or artist-organized spaces. In 2012, Jesal met with the members of Wednesday Discussion Group and the women's group WRise, both based in Cambridge MA, and has since then shared the learnings and reflections coming out of discussions with them, activating dialogues on the question of patriarchy and violence in our contemporary society.


Labo des Labos

Séminaire Pratiques de soin et collectifs - Rencontre #2

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24. Novembre 2016 - 19:00» 22:00
Jeudi 24 novembre 2016, 19h


Vivre avec les plantes.
Des déambulations contre les parcours balisés
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Avec Véronique Désanlis et Ariane Leblanc

 

Gilles Clément, dans son Manifeste du Tiers paysage : « Elever l'indécision à hauteur politique. La mettre en balance avec le pouvoir ».
« Envisager la marge comme un territoire d'investigation des richesses à la rencontre de milieux différents ».

Dans le bocage et les zones humides de la ZAD de Notre Dame des Landes s'exprime farouchement le refus du bétonnage, d'un futur non-lieu fait de flux et de circulations marchandes. Mais ce qu'il y a à défendre aussi ce sont des rapports non administrés à un milieu singulier.

Dans nos milieux urbains, il y a les espaces végétalisés décoratifs balisant nos parcours. Mais aussi les friches innombrables et son écologie rudérale, soit la possibilité de l'étude parcimonieuse des marges urbaines et des territoires laissés à l'abandon. On sait que l'arbuste Buddleia davidii, originaire de l'Himalaya, notre familier "arbre aux papillons", proliférant dans toutes les friches postindustrielles (y compris sur des sols fortement pollués) a une puissance destructrice inouïe. Ses racines peuvent en quelques années éventrer des constructions en béton armé.

Mike Davis, dans « Villes mortes: une histoire naturelle » (Dead cities), nous dit : « nous en savons plus sur l'écologie des forêts tropicales que sur l'écologie urbaine », sur ses logiques de succession écologique, sur les déséquilibres de l'urbanisation métropolitaine laissant en permanence les portes ouvertes aux forces colossales des réagencements écologiques. Ainsi, il évoque les travaux fictionnels de George Ripey Steward, naturaliste et historien de l'Ouest américain : celui-ci, dans son roman Earth Abides relate à partir du personnage du Survivant, comment après une obscure épidémie qui fait disparaître la presque totalité des habitants de la Terre, les mégapoles californiennes deviennent en un peu plus de quarante ans un gigantesque amas de ruines recouvertes par des forêts, des zones humides habitées par des innombrables espèces animales.

Il  y a des milieux pluriels. A la ZAD un ethos ingouvernable que le pouvoir veut détruire coûte que coûte. Dans nos villes, des lieux et des formes de vie pas partout gouvernés mais en permanence promis à de nouvelles formes d'administration. A l'encontre des parcours balisés auxquels nous contraint la gouvernance, combinant des logiques concentrationnaires de populations dans des ghettos et la dispersion atomisée dans les parcours de la consommation (de marchandises, de loisirs, de santé, de "bien-être"), il y a la possibilité de se laisser porter par des déambulations, de découvrir nos rapports avec ces compagnes qu'on appelle les plantes "délaissées". Instaurer d'autres usages,  un autre temps, celui de notre commune attention aux manières de cohabiter avec d'autres formes de vie.

Véronique Desanlis"éthobotaniste", comme j'aime l'appeler, qui anime de nombreux ateliers de découverte des plantes en ville, et Ariane Leblanc, coordinatrice du projet La Semeuse, nous proposent une soirée d'échanges sur ces formes de cohabitation. Cette rencontre nous permettra de porter notre attention aux formes de communauté entre les humains et les plantes, à des nouveaux usages (ou à hériter des usages anciens), dans la gratuité : pour se nourrir, pour se soigner, pour simplement regarder ce que nous ne voyons plus. Nous nous attarderons aussi sur les stratifications historiques dans la ville d'Aubervilliers des cultures végétales.



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ENTREE LIBRE SUR RESERVATION à
reservation@leslaboratoires.org ou au 01 53 56 15 90

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Labo des Labos

Disappearing operations / Laura Huertas Millán

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Disappearing operations
Opérations de la disparition (Operations of disappearance)
Opérations disparaissantes (Operations that disappear)
Opérations pour disparaître (Operations for disappearing)


has been conceived as a travelling exhibition that is both visible and invisible, viewable and unviewable.

“Opérations de la disparition” (Operations of disappearance): the inquiry begins with a series of films on exoticism, inspired by the imagery of a tropical, neo-colonial elsewhere that haunts cinema, anthropology and popular culture. There is a persistent need to understand how entire communities become marginalised through stigmatising or archetypal representations under the pretext that they are so-called “others” — apprehended here as aesthetic operations for invisibilising certain communities and thus excluding them from collective, political and social debate.

“Opérations disparaissantes” (Operations that disappear), a series of one-off experiences/experiments. Performances or performative situations linked to cinematographic screening. Film as a series of rituals, to be constantly invented and renewed — histrionic games and stagings. An exhibition made up of a series of brief encounter. The empty time between them, populated by the echoes of what has been seen, and expectations of what is to come, are also considered an inherent aspect of the exhibition — even if we cannot see or view anything during these intervals.

“Opérations pour disparaître” (Operations for disappearing). Gradually, travelling, moving about begins to emerge as the symptom of my constant desire to leave, like the palpitation of a hidden, secret morbidity that I communicate with by taking flight. But this impulse for movement also manifests the latent states of desire, which is precisely what keeps me going, the hopes of metamorphosis that allow for adventures and mysterious quests. And at this point the gestures towards my own disappearance (or death?), the constant state of uprootedness, become signs of health, the possibilities of a passionate shiver, the camouflaged resistance against an identity break-down:

                                               If you meet your parents in Hamburg
                                               or elsewhere

                                               Pass them like strangers, tum the
                                               corner, don't recognize them
                                               Pull the hat they gave you over your
                                               face

                                               Do not, oh do not, show your face
                                               But
                                               Cover your tracks!

Disappearing operations is an exhibition composed of works that grew out of my doctorial research Eclats et absences. Fictions ethnographiques  (Shards and absences. Ethnographic fictions) whose point of departure was an antagonism with ethnography, but which ultimately sought to see ethnography as a fertile ground for developing fictions. The exhibition will involve five sessions in five different venues – and the vacant time of absence between them.


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Disappearing operations
Opérations de la disparition (Operations of disappearance)
Opérations disparaissantes (Operations that disappear)
Opérations pour disparaître (Operations for disappearing)


A travelling exhibition by Laura Huertas Millán, held at the Le Méliès cinema, Les Laboratoires d’Aubervilliers, Les Beaux-Arts de Paris and La Fémis.

In collaboration with: Mati Diop, Charlotte Bayer-Broc, Lyes Hamadouche, Raimundas Malasauskas and Eva Revox.

Session 1. Filiations.
Preview of Soleil Noir.
Screened in conjunction with Mille soleils by Mati Diop.
Screening followed by a discussion with the filmmakers.
Cinéma Le Méliès (Montreuil). In partnership with Cinéma 93 and the department of Seine-Saint-Denis (Short film funding scheme)
Wednesday 30 November, 8 p.m.
Estimated duration: 2 hours.

Session 2. Opérations pour une disparition.
Les Laboratoires d’Aubervilliers
Screening of The Lightning, Care, Black on Red.
Followed by a performance created in collaboration with Lyes Hammadouche
Followed by a DJ set by Eva Revox.
Friday 2 December 2016, 7.30 p.m.
Estimated duration: 2 hours.

Session 3. Frictions ethnographiques.
Beaux-Arts de Paris, Amphithéâtre d’Honneur
Screening of Premier Contact, La libertad, Voyage en la terre autrement dite.
Followed by a performance created in collaboration with Charlotte Bayer-Broc.
Monday 5 December 2016, 7 p.m.
Estimated duration: 2 hours.

Session 4. Eclats et absences, fictions etnographiques.
La Fémis, salle Renoir.
Screenings of films from Laura Huertas Millan’s doctoral project.
Defence of her practice-based doctoral project Eclats et absences, fictions ethnographiques
Followed by drinks.
Friday, 9 December 2016, from 10 a.m. to 5 p.m.

Session 5. L’exposition invisible.
An afternoon with Raimundas Malasauskas
Beaux-Arts de Paris, Amphithéâtre d’Honneur
Thursday 15 November, from 2 p.m.


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Exhibition sponsored by:
Université Paris Sciences et Lettres, Beaux-Arts de Paris, École Normale Supérieur rue d’Ulm, Film Study Center and Sensory Ethnography Lab (Harvard University), d’Arquetopia – Fundación para el desarrollo, Videobrasil, Evidencia Films, Les Films du Worso, Cinéma 93, Department of Seine-Saint-Denis, Les Laboratoires d’Aubervilliers, La Fémis, Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains, Programa C – Museo de Arte Moderno de Medellín
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“Entrer en monde, c’est aussi bien y demeurer qu’y dévirer, y dériver” (Edouard Glissant)

Travel, migration and multiculturalism have shaped Laura Huertas Millán’s artistic work. Born in 1983 in Bogota, Colombia, she acquired French nationality after living in the country for seventeen years. A graduate from the Beaux-Arts de Paris and Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains, her first cinematographic works intertwined ecology and post-colonial studies in the form of ethnographic, Surrealist travelogues on the theme of exoticism. These films called forth early anthropological images, accounts of European travellers to the “New World”, postcards of human zoos in nineteenth-century Paris and “first contact” films between so-called “natives” and Westerners.

Following these initial projects, in 2012 she began the SACRe practice-based doctoral programme at Paris Sciences et Lettres University, working on a project titled “Éclats et absence. Fictions ethnographiques” which she pursued jointly at the Beaux-Arts de Paris, École Normale Supérieure rue D’Ulm, the Sensory Ethnography Lab and the Film Study Center at Harvard University. The works that grew out of this inquiry form a kind of guild or network that emerges within the frictions and communions of the acting of a specific community (a family of Zapotec weavers in Mexico, her own family in Bogota and a native Amazonian community). Through fiction and/or staging, these works specifically attend to potential political and social emancipations.

These films, made in Colombia, Mexico and France, along with a selection of performance pieces, will be presented in Paris and neighbouring Montreuil and Aubervilliers in the form of a travelling exhibition titled Disappearing operations - Opérations de la disparition, Opérations disparaissantes, Opérations pour disparaître, showing from 30 November to 15 December 2016. The exhibition will include several one-off events, each taking place in a different venue— the Cinéma Le Méliès, Les Laboratoires d’Aubervilliers, Les Beaux-Arts de Paris and La Fémis. Each of these experiences/experiments will be the unfolding of a different cinematographic ritual, and the intervals between the various presentations will be apprehended as inherent aspects of the exhibition project.

In this way, Disappearing operations will be an itinerant exhibition, both visible and invisible, in which staging becomes performance, and film sometimes becomes immaterial, while the fictions that have grown out of ethnography will be screened. This final presentation of a thesis will take on a nomadic, fragmentary form, taking shape between various sites and environments — thus echoing the very crafting process of Laura Huertas Millan’s films. Disappearing operations obliquely develops sensations, affects and thoughts related to questions of absence, travel, resistance to the break-down of identity, and self-portraiture. –¬ themes that ultimately haunt this project, rooted in an exhaustive, critical consideration of the representation of the “native” figure in cinema.

 

Soirée de catch littéraire

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9. Décembre 2016 - 20:00» 22:30
Vendredi 9 décembre 2016, à 20h

 

En collaboration avec le Groupe d'information sur les ghettos (g.i.g.) et sur l’invitation de Sonia Chiambretto et Yoann Thommerel, l’équipe de l’EISPI viendra écrire, bondir et rebondir sur le “Questionnaire n°1”, aux Laboratoires d'Aubervilliers.

 

En catch littéraire, on boxe avec les mots, à base de coups de points d’exclamation et de syntaxe qui fracasse. 

S’affrontant lors de matchs d’improvisation écrite sur ordinateur, les catcheurs aiguisés et déguisés manient le masque et le clavier avec humour et poésie.

Ce vendredi 9 décembre aux Laboratoires d'Aubervilliers, quatre catcheurs viendront combattre en public. À l’issue de 3 matchs (2 demi-finales et 1 finale), les spectateurs seront invités à voter à poing levé pour leur texte/catcheur préféré.

Chaque match est découpé en 4 manches : une première d’écriture libre et trois autres sous contraintes, tirées au sort par le public. Les textes des catcheurs sont écrits et retransmis simultanément sur écran géant afin de pouvoir être lus en direct.

Au gong final, chaque catcheur est invité à lire à voix haute le texte de son adversaire. Les vainqueurs des deux premiers matchs se retrouveront en finale pour décrocher la très convoitée ceinture de la FFCL, la Fédération Française de Catch Littéraire.

Umberto KO, Mohammed Alu, Sandy Georges, Nihilitzsche, Marguerite Tarace, Mother Faulkner… Ils sont de plus en plus nombreux à rejoindre les rangs de la FFCL, prêts à en découdre avec les mots et les maux. Chaque catcheur a son style vestimentaire et littéraire bien à lui. Derrière son masque, sa figure de style. Il est également doté de supers pouvoirs qu’il peut convoquer à chaque instant lors du match en criant “Zeugme” ou “Chiasme”. Un super pouvoir est une contrainte supplémentaire imposée à son adversaire.

Enfin, une soirée de catch littéraire ne serait rien sans ses autres protagonistes : un arbitre moustachu faisant office de maître du jeu, un juge de ligne veillant au bon respect des contraintes et une équipe technique aux manettes de l’ambiance son et lumière.

 

Née au Pérou il y a une dizaine d’années, la Lucha Libro (“Lutte Livre”) est importée en France par l’EISPI, l’École Internationale Supérieure de Poésie Intercontemporaine. L’EISPI organise des soirées catch dans l’hexagone depuis plus de quatre ans. Elle propose également des ateliers jeux d’écriture, des soirées Blind Text et édite Cactus Calamité, un fanzine de poésie.


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La Piscine // activation à Aubervilliers

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27. Novembre 2016 - 9:30» 12:30
Dimanche 27 novembre 2016, 9h30



Après une première édition de La Piscine entre le 20 et le 25 octobre 2015 à la piscine Leclerc de Pantin, conçue dans le cadre de sa résidence de recherche aux Laboratoires d'Aubervilliers, Myriam Lefkowtz accompagnée de 
Julie Laporte, Géraldine Longueville et Florian Richaud ont le plaisir de vous inviter à La Piscine pour une série de rendez-vous entre un spectateur et un artiste au centre nautique Marlène Pératou à Aubervilliers.


Autant d'occasion de nager, écouter, vous balader, vous allonger, converser, boire…

Vous serez accueilli par l'un d'entre nous le
Dimanche 27 novembre 2016  --  à 9h30 et 11h

Nous serons 4, en alternance, à vous recevoir : Simon Ripoll Hurier, Julie Laporte, Myriam Lefkowitz, Florian Richaud et Yasmine Youcef.

Dans La Piscine nous avons rassemblés nos pratiques: une balade les yeux fermés, une conversation autour d'un problème politique, une sieste accompagnée d'objets et de sons, une série de questions dans un audio guide, des cartes, des livres, des breuvages.



Dans La Piscine, ces pratiques s'hybrident les unes avec les autres pour devenir les ingrédients de l'expérience à venir.




Pour que ça commence,

il vous faut réserver au 01.48.34.35.37 ou à l'adresse mail suivante : billetterie@mairie-aubervilliers.fr

et vous munir au moment venu
d'un maillot de bain,
 d'un bonnet de bain,

de 3,30 euros (tarif d'entrée au centre nautique).


Puis venir au centre nautique Marlène Pératou
situé au 1 rue Edouard Poisson à Aubervilliers


Laëtitia Striffling, à la piscine Leclerc Pantin, 2015 _ tous droits réservés




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Cette édition de La Piscine est produite par le Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis, le Service mémoire et patrimoine dans le cadre DeViSu, et en partenariat avec le Direction des Affaires Culturelles de la ville d'Aubervilliers.


Standard

La Piscine // activation à Aubervilliers

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26. Novembre 2016 - 9:30» 18:00
Samedi 26 novembre 2016, à partir de 9h30

Après une première édition de La Piscine entre le 20 et le 25 octobre 2015 à la piscine Leclerc de Pantin, conçue dans le cadre de sa résidence de recherche aux Laboratoires d'Aubervilliers, Myriam Lefkowtz accompagnée de 
Julie Laporte, Géraldine Longueville et Florian Richaud ont le plaisir de vous inviter à La Piscine pour une série de rendez-vous entre un spectateur et un artiste au centre nautique Marlène Pératou à Aubervilliers.


Autant d'occasion de nager, écouter, vous balader, vous allonger, converser, boire…

Vous serez accueilli par l'un d'entre nous le
Samedi 26 novembre 2016  --  à 9h30, 11h30, 14h et 16h

Nous serons 5, en alternance, à vous recevoir : Simon Ripoll Hurier, Julie Laporte, Myriam Lefkowitz, Florian Richaud et Yasmine Youcef.

Dans La Piscine nous avons rassemblés nos pratiques: une balade les yeux fermés, une conversation autour d'un problème politique, une sieste accompagnée d'objets et de sons, une série de questions dans un audio guide, des cartes, des livres, des breuvages.



Dans La Piscine, ces pratiques s'hybrident les unes avec les autres pour devenir les ingrédients de l'expérience à venir.




Pour que ça commence,

il vous faut réserver au 01.48.34.35.37 ou à l'adresse mail suivante : billetterie@mairie-aubervilliers.fr

et vous munir au moment venu
d'un maillot de bain,
 d'un bonnet de bain,

de 3,30 euros (tarif d'entrée au centre nautique).


Puis venir au centre nautique Marlène Pératou
situé au 1 rue Edouard Poisson à Aubervilliers


Laëtitia Striffling, à la piscine Leclerc Pantin, 2015 _ tous droits réservés




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Cette édition de La Piscine est produite par le Conseil Départemental de la Seine-Saint-Denis, le Service mémoire et patrimoine dans le cadre DeViSu, et en partenariat avec le Direction des Affaires Culturelles de la ville d'Aubervilliers.


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Cuisiner les plantes albertivillariennes #2

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26. Novembre 2016 - 14:00» 17:00
Samedi 26 novembre 2016, de 14h à 17h

Cuisiner les plantes albertivillariennes #2 avec Véronique Désanlis
Les Racines


Pour ce deuxième atelier, nous allons plonger sous terre pour aller à la rencontre des racines. Cette partie de la plante qui croît dans le sens contraire de celui de la tige est peu visible mais essentielle au développement de celle-ci.

Nous lui découvrirons une multiplicité d’utilisation, que ce soit celle de la réglisse, plante dont les racines sont aromatiques, ou encore de l’ortie dont la racine est un anti-inflammatoire, etc.

Ainsi, nous récolterons des racines pour en explorer les différentes possibilités et expérimentations.  

 

 

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Labo des Labos

Pragmatisme et mondes en train de se faire / Thierry Drumm

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Séminaire Pratiques de soin et collectifs


Pragmatisme et mondes en train de se faire

Par Thierry Drumm
Philosophe, membre du Groupe d’Eudes Constructivistes (ULB)


Résumé

Les dispositifs étouffant les pratiques collectives en les référant une « réalité telle qu’elle est », autrement dit en les soumettant à une « réalité » qui « devrait être », semblent aujourd'hui susceptibles d’entonner aussi bien l’air de l’acceptation et du renoncement que de celui de « possibles » présentés comme impératifs (comme le signalent D. Debaise et I. Stengers), la principale condition étant de jouer le jeu de la reproduction du même – même monde, même nature, même existence. On pourrait, en s’inspirant du philosophe William James, nommer cette reproduction une fabrication d’univers. Résister à ces fabrications d’univers et donner consistance à d’autres possibles, cela exige, dans une perspective de part en part pragmatique, de relayer, d’intensifier et de cultiver des capacités de sentir, agir, penser, dans ces situations de destructions multiples des possibilités, humaines et plus-qu'humaines, de « vivre et mourir bien » (D. Haraway). C’est cette exigence que s’efforcent particulièrement de nourrir certaines propositions pragmatistes évoquant l’importance vitale des expérimentations et apprentissages communs qui se font et se poursuivent dans les « zones génératives » où éclatent des promesses inattendues de résurgence (A. Tsing).


Le pragmatisme, un art du relais

Le pragmatisme de William James pourrait se caractériser comme une pratique philosophique invitant à l’art de relayer – relayer des pratiques, des concepts, des propositions. On pourrait brièvement présenter le pragmatisme jamesien comme consistant à rattacher la signification et la vérité d’un concept à ses conséquences pratiques et particulières. Pour attacher une signification à un concept, il faut qu’on puisse suivre son cheminement dans nos expériences, en apprendre les effets, en expérimenter les conséquences nouvelles. Qu’on qualifie ensuite ce concept de « vrai », cela signifie alors qu’il a réalisé ses promesses, qu’il signe la réalisation d’un possible dans lequel nous placions, sans garantie, notre confiance. Les concepts ou les idées, d’un point de vue pragmatique, s’inscrivent donc dans des pratiques qui, si elles « réussissent » (car d’une certaine façon elles « marchent » de toute façon), se traduisent par une transformation de notre expérience, qui lui ajoute des significations, des importances nouvelles.

Cela revient à dire à l’inverse qu’aucun concept, qu’aucune idée n’ont de sens ou de vérité intrinsèques. Je crois que les conséquences de cette proposition sont souvent peu aperçues, mais elles sont immenses : elles aboutissent à « démoraliser » complètement la pensée. Peu importe, dit James, d’où provient une idée, l’important est d’explorer avec elle où elle vous conduit [1]. Autrement dit, rien n’« autorise » qui que ce soit à « penser ». Cette démoralisation de la pensée se double simultanément d’une exigence puissante qui nous prive de toute prétention à l’innocence : si une idée n’a pas d’autre signification que les conséquences qu’elle entraîne, alors il s’agit constamment de suivre le fil des conséquences particulières de telle ou telle pratique de connaissance, de telle ou telle idée, dans telle ou telle situation. Personne ne peut dire : c’est juste une idée, ou : c’est vrai un point c’est tout.

C’est là alors que le pragmatisme intervient comme art du relais, de la prise, de la reprise, presque au sens où l’on emploie ce terme en couture. On est conduit à s’intéresser à telle ou telle pratique, à telle ou telle idée, à tel ou tel concept philosophique, non pas du point de vue de leur supposée vérité intrinsèque ou éternelle, mais du point de vue de leurs capacités actives présentes, du point de vue de leurs conséquences pratiques pour nous, du point de vue de la différence que ces pratiques, idées, concepts pourront faire à tel ou tel égard, dans telle ou telle situation. J’aimerais ici opérer ce type de tricotage et travailler aux possibilités d’hériter de savoirs et de propositions, mon espoir étant qu’ils puissent faire une différence qui compte, de manières qui restent à inventer, pour des pratiques tenues par l’exigence de résister au business as usual. Inventer collectivement des possibilités collectives de vivre et mourir bien dans des mondes que n’habitent pas seulement des humains est une nécessité vitale. C’est à cela, je l’espère, que les propositions que j’apporte pourront concourir.


Empreintes digitales et noms

Je vais principalement chercher à relayer certains aspects du travail de trois philosophes et anthropologues : William James, Donna Haraway et Anna Tsing [2], et tâcher de travailler avec certaines propositions, dans leurs travaux, évoquant des expériences et situations qu’il et elles nomment zones génératives, zones de contact, bordures agitées, marges, franges, frontières… J’évoquerai pour commencer une situation pratique difficile, que j’emprunte à l’historien Carlo Ginzburg, en m’en saisissant d’une façon légèrement différente de celle qui intéressait Ginzburg. Dans son texte intitulé « Traces. Racines du paradigme indiciaire », Ginzburg évoque les situations qui ont conduit à l’invention, à la fin du XIXe s., du système de gestion des populations par les empreintes digitales, notamment dans les travaux de Francis Galton. Ginzburg évoque…

« L’usage, attesté en Chine, et surtout au Bengale, consistant à imprimer sur des lettres et des documents un bout de doigt maculé de poix ou d’encre [et qui] avait probablement derrière lui toute une série de réflexions de caractère divinatoire. Qui était habitué à déchiffrer des écritures mystérieuses dans les veines des pierres ou du bois, dans les traces laissées par les oiseaux ou dans les dessins imprimés sur le dos des tortues devait arriver sans effort à considérer comme une écriture les lignes imprimées par un doigt sale sur une surface quelconque. En 1860 Sir William Herschel, administrateur en chef du district du Hooghly au Bengale, remarqua cet usage répandu parmi les populations locales, en apprécia l’utilité et pensa s’en servir pour un meilleur fonctionnement de l’administration britannique. [...] En réalité, observa rétrospectivement Galton, le besoin d’un instrument d’identification efficace se faisait grandement sentir dans les colonies britanniques, et pas seulement en Inde : les indigènes étaient analphabètes, querelleurs, rusés, menteurs et, aux yeux des Européens, tous semblables. En 1880, Herschel annonça dans Nature qu’après dix-huit ans d’expérimentation, les empreintes digitales avaient été officiellement introduites dans le district du Hooghly où depuis trois ans elles étaient utilisées avec d’excellents résultats. Les fonctionnaires impériaux s’étaient approprié le savoir indiciaire des Bengalis et l’avaient retourné contre eux. / Galton partit de l’article de Herschel pour repenser et approfondir systématiquement la question dans son intégralité. Ce qui avait rendu son enquête possible avait été la confluence de trois éléments très différents. La découverte d’un pur savant comme Purkyně [3] ; le savoir concret, lié à la pratique quotidienne de la population du Bengale ; la sagacité politique et administrative de Sir William Herschel, fidèle fonctionnaire de Sa Majesté britannique. Galton rendit hommage au premier et au troisième. [...] Ce qui aux yeux des administrateurs britanniques était auparavant une foule indistincte de « trognes » bengalis [...] devenait donc subitement une série d’individus marqués chacun d’un trait biologique spécifique. Cette prodigieuse extension de la notion d’individualité se produisait en fait à travers le rapport à l’Etat et à ses organes bureaucratiques et policiers. Le dernier habitant du plus misérable village d’Asie ou d’Europe devenait lui aussi, grâce à ses empreintes digitales, susceptible d’être reconnu et contrôlé. » [4]

Ginzburg n’insiste pas sur ce point, mais dans ce récit terrifiant, une divergence saisissante apparaît entre la pratique divinatoire bengalie et la pratique policière britannique. La pratique bengalie nous fait plonger au cœur de ce que James appellera « zone générative ». Comme dans « notre » chiromancie, on y a affaire à une expérimentation sensible dans laquelle on s’attache à percevoir des avenirs possibles. Dans la pratique policière, cette technique inventive et interprétative est transformée en procédé d’identification individuelle instaurant un soi permanent tout au long de la vie.

Je vais évoquer un second cas (je dis bien cas, et non exemple) parce qu’au-delà de sa similitude avec le cas précédent (la transformation d’une pratique relationnelle en technique de gestion policière), il rend sensibles d’autres choses encore, qui nous seront précieuses pour nous libérer de la vision mélancolique d’une inévitable destruction des lieux vivants. Dans son livre récent, Les âmes sauvages, Nastassja Martin [5] évoque la résistance des Gwich'in en Alaska, victimes à la fois des industries extractives qui détruisent leur terre et des environnementalistes qui voudraient les transformer en éleveurs et les empêcher de chasser les animaux, en particulier les emblématiques élans. Comme en France, ou ailleurs, et bien que de manière à chaque fois spécifique, les noms que portent les gens sont relationnels. Chez les Gwich'in, ce caractère relationnel était particulièrement marqué. Le nom s’imposait peu à peu sans que personne n’en décide véritablement et changeait plusieurs fois au cours de la vie. C’était quelque chose comme un sobriquet, lié à un événement ou à une anecdote, et volontiers ironique ou moqueur [6]. C’est une des premières choses que les missionnaires ont voulu briser en donnant à chacun et chacune un nom chrétien unique et permanent. Nastassja Martin écrit :

« Puisque appeler quelqu'un, c’est bien l’évoquer et même le résumer, aucune violence plus grande ne pouvait être faite que de demander aux hommes d’abandonner leurs qualificatifs, évolutifs tout au long de leur vie, et d’en adopter un seul, fixe et stable, sédentaire, unique, qui les suivrait jusqu’à leur mort. [...] D’une foule de qualificatifs, d’adjectifs mouvants sans cesse en transformation, d’associations inventives empruntant tant au registre des animaux qu’à celui des hommes ou du milieu en général, on passe à l’attribution définitive de prénoms bibliques qui ne peuvent pas être en mesure d’évoquer un mode relationnel incarné dans un environnement spécifique, puisqu’ils ont été inventés ailleurs et qu’ils ont une manière totalement différente d’exprimer, de résumer les personnes qui les portent ». [7]

N. Martin cite ensuite les travaux d’André Burguière, qui signale la vitalité toujours forte des surnoms-sobriquets en France et montre la manière dont, sous l’Ancien Régime, la dénomination a été, notamment par le biais du culte du saint patron, le lieu d’exercice d’un « nouveau contrôle social où le pouvoir ecclésiastique confortait le pouvoir administratif : démanteler les solidarités traditionnelles pour intervenir directement sur l’individu ou le noyau familial » [8]. N. Martin poursuit :

« Il semble que l’extrême flexibilité et fluidité qui existait dans l’attribution d’un nom avant l’arrivée des missionnaires ait favorisé l’adoption des noms de baptême ; les Gwich'in ne prêtent que peu d’importance aux noms figés qui placent les gens dans des catégories trop stables et non dynamiques : c’est bien pour cela qu’ils en changeaient régulièrement et qu’ils étaient souvent très sarcastiques dans leurs choix. Le qualificatif qu’on leur attribuait ne les définissait que partiellement et temporairement, selon la tranche d’âge dans laquelle ils se trouvaient et les modalités relationnelles qu’ils observaient avec certains éléments de leur milieu. A cela il convient d’ajouter un fait non négligeable : au milieu du XIXe siècle précisément, les missionnaires sont ces autres – humains mais différents –, ces nouveaux arrivants avec lesquels les Gwich'in sont en relation constante. Leur présence est littéralement extraordinaire : on peut imaginer que les Gwich'in, en changeant de nom lors du rituel du baptême, aient agi selon leur esthétique propre, en accordant une place de choix aux êtres extérieurs qui les touchaient tout particulièrement, ceci en adoptant une portion de l’individualité de ces autres pour l’intégrer au sein même de leur vie quotidienne grâce aux prénoms. » [9]

Il ne s’agit aucunement de « relativiser » la violence de pratiques colonialistes et dominatrices telles que celles que je viens d’évoquer, mais peut-être de faire sentir l’incapacité de ces pratiques elles-mêmes à fabriquer effectivement des individualités absolument closes, faire sentir leur incapacité à « comprendre » de façon complète et transparente ce qu’elles fabriquent.



Les choses en train de se faire et les zones génératives

Je m’inspire de William James, philosophe pragmatiste, pour appeler de telles pratiques impérialistes et policières des « fabrications d’univers ». James a travaillé à une philosophie qu’il appelle « empirisme radical », qu’il caractérise de différentes façons. On pourrait brièvement caractériser l’empirisme, en tout cas d’un point de vue jamesien, comme une philosophie refusant d’attribuer à une supposée faculté mentale, qu’on l’appelle « pensée » ou « raison », la capacité de définir par avance ou a priori les expériences. Dans cette perspective empiriste, le schème philosophique qu’on pourra chercher à concevoir doit obéir à la contrainte de ne nier l’existence d’aucune chose dont on fait l’expérience. A cet égard, l’empirisme qu’invente James se veut « radical », au sens où, précise James, on refusera le présupposé d’une continuité globale ou d’une unité générale des expériences. Nos expériences viennent toujours par bouts, par fragments, par morceaux. Nous parlons d’« uni-vers » sans même y penser, alors qu’il s’agit d’une « hypothèse » [10] non seulement franchement invraisemblable (toute expérience ferait « bloc » avec toute autre expérience !) mais surtout pragmatiquement désastreuse. C’est ce second point qui importe le plus pour nous ici.

Dans son livre Un univers pluraliste, James travaille à cette pragmatique du relais dont j’ai parlé précédemment, reprenant certaines propositions d’autres philosophes, et notamment de son ami Bergson. Celui-ci rend James capable d’un cri extraordinaire : « Ce qui existe vraiment, ce ne sont pas des choses faites, mais des choses en train de se faire » [11] ! Cette proposition n’a rien d’anodin, ses conséquences sont renversantes ! Il s’agit d’une proposition très directement liée aux enjeux relatifs à l’empirisme radical et à la résistance aux fabrications d’univers. Les fabrications d’univers semblent en effet inséparables d’une affirmation concernant l’existence d’une supposée « réalité telle qu’elle est », toujours identique à elle-même, quand bien même elle se déploierait au long d’une Histoire « h majuscule ». Si on pose un tel univers de choses « telles qu’elles sont », alors on ne peut plus vouloir penser, sentir ou agir que de façon à leur « correspondre ». On invente pour tous les êtres une façon « correcte » de penser, sentir et agir. En bref, la philosophie universaliste est immédiatement et nécessairement impérialiste, de façon plus ou moins brutale ou compatissante pour celles et ceux qui ne comprennent pas que « le monde est ainsi fait ». 

Affirmer que ce qui existe, ce ne sont pas des choses faites, mais des choses en train de se faire, c’est se rendre capable de demander des comptes à toutes les pratiques qui fabriquent des univers alors même qu’elles prétendent ne rien faire que « révéler » l’unique et seul monde auquel tous les êtres appartiennent, qu’ils le veuillent ou non. Bien plus, c’est se rendre capable de suivre pratiquement les dispositifs concrets par lesquels se mettent en place de tels univers et se rendre simultanément sensible aux interstices par lesquels peuvent surgir des forces d’existence renouvelées ou intensifiées. A la proposition « bergsonienne » de James se joint alors une autre proposition, qui concerne l’importance de déplacer notre attention vers les expériences transitives, les zones métamorphiques, les sentiments de tendance, les intervalles entre les choses que nous tenons pour plus stables. Une partie importante du travail de James a d’abord porté sur des questions de psychologie, déployées dans son livre de 1890, The Principles of Psychology. Il s’agit d’une psychologie qui, loin de décrire un supposé fonctionnement intrinsèque de la pensée, s’intéresse et nous intéresse passionnément aux manières dont des actions, des sensations, des conceptions se font. Un aspect important du livre, et que je souhaite amplifier, se rattache à l’idée de « champ » (field), « champ de conscience », mais qu’on pourrait considérer comme un champ d’expérience. Le propos de James est le suivant : nous avions jusqu’à récemment tenu ce dont nous sommes conscients à un moment donné pour une somme de choses discrètes et individuées, juxtaposées. Cela ne correspond pourtant pas du tout à notre expérience attentive concrète. Celle-ci vient toujours comme un « tout », mais un « tout » multiple, une masse épaisse de choses, un emmêlement hétérogène sans coupures nettes. Notre expérience ne vient pas comme une totalité unifiée (un univers), mais elle ne vient pas non plus comme un monde-tas-de-sable, on pourrait peut-être mieux la comparer à un gruau : elle est dense, volumineuse, épaisse, fibreuse, et non homogène. Dans un livre ultérieur, James revient sur l’apparition de ces nouvelles conceptions en psychologie :

« L’expression "champ de conscience" est devenu en vogue dans les livres de psychologie depuis peu de temps. Jusque tout récemment l’unité de vie mentale qui y était la plus représentée était l’"idée" isolée, supposée être une chose précisément délimitée. Mais à présent les psychologues tendent, d’abord, à admettre que l’unité effective est plus probablement l’état mental total, l’entière vague de conscience ou l’entier champ d’objets présents à la pensée à tout moment ; et, deuxièmement, à voir qu’il est impossible de délimiter cette vague, ce champ, avec quelque précision. [...] Le fait important que commémore cette formule du "champ" c’est l’indétermination de la marge. » [12]

Il ne faut pas oublier que cette caractérisation semble convenir très bien aux expériences que mènent les êtres « au grand air » (je vais y venir) et qu’il s’agit précisément pour nous de l’emmener au-delà de toute représentation d’une expérience « mentale » opposée à un monde matériel. Je reviens pour l’instant à ce que James appelle « champ de conscience ». Si l’on parle de « champ de conscience », on peut alors y distinguer un « foyer » et des « marges ». Le « foyer » n’est pas un « objet » ou une chose prédéfinie, il s’agit plutôt d’une sorte de thème principal de notre expérience à tel moment. Mais dès lors, ce sont d’abord les marges entourant le foyer de notre expérience qui revêtent une importance spéciale. C’est là que se fabrique le sens de l’expérience focale, c’est là que s’élaborent les relations qui donnent sa consistance particulière à la part plus saillante de notre expérience. C’est là que l’action se passe [13]. Ces expériences marginales, ces expériences de relativité, de transition, de traduction, de passage ont passionné James, qui nous fait sentir l’importance cruciale de leur accorder toute leur place dans nos manières de caractériser l’expérience. C’est leur omission qui a participé à la représentation du « monde » comme une collection d’objets juxtaposés, soumise à une logique combinatoire et à des pratiques de gestion, plutôt que comme un emmêlement d’êtres actifs parcourus de failles, d’interstices, de zones génératives. James insiste fortement sur ce point dans l’extrait cité : ce qui est vraiment important dans cette caractérisation nouvelle de l’expérience, c’est qu’elle implique l’indétermination de ces zones marginales.

James donne de nombreux exemples de ces expériences génératives qui sont comme un chaudron souvent dissimulé ou inapparent tant que nous agissons dans des situations relativement stabilisées. Quand nous essayons en revanche de nous souvenir d’un nom oublié ou quand le devin se penche sur l’empreinte digitale (James a longtemps travaillé avec des médiums), l’expérience est parcourue par « une faille intensément active » [14]. Ce sont ces failles actives qui sont omises et attaquées dans les fabrications d’univers. Elles sont attaquées de différentes façons, dans des technologies de gestion et d’identification comme on a pu le voir dans les cas précédents, et aussi, et puissamment, par le biais d’un usage très particulier des probabilités, employées pour définir le réel, ou ce qui doit être réel, ce qu’il faut accepter de reproduire, tout en tenant les expériences transitives, métamorphiques, les zones d’indétermination, pour des « données » littéralement insignifiantes. Il s’agit de dispositifs politiques constituant le probable comme définition de l’avenir. Face à ces tentatives de définir une « réalité » par le biais de probabilités ou de moyennes, James nous invite à ne pas nous laisser subjuguer au point d’omettre ce que l’expérience nous apprend. « [...] parmi toutes les différences qui existent, les seules qui nous intéressent fortement sont celles que nous ne tenons pas pour admises. » [15] Nous ne sommes ni émerveillés ni choqués en constatant que notre ami humain marche sur deux pattes ou que notre chien court plus vite que nous, en revanche un intérêt vivant s’attache à ce que notre chien ou notre ami peuvent dire ou faire, sans que cela soit « acquis ». « Il y a ainsi une zone d’insécurité dans les affaires humaines dans laquelle repose tout l’intérêt dramatique ; le reste appartient à la machinerie morte de la scène. » [16] C’est ce que James appelle également la « zone générative » [17]. C’est « la zone des processus génératifs, la bordure dynamique de l’incertitude frémissante, la ligne où passé et futur se rencontrent. C’est le théâtre de tout ce que nous ne tenons pas pour acquis, la scène du drame vivant de la vie » [18].

L’époque présente, sans même tenir compte de sa diversité intrinsèque, est évidemment très différente de celle de James à de nombreux égards. Nous semblons assister aujourd'hui à une véritable exaltation des possibles, rien ne devant arrêter les projets de conquête de l’Homme, h majuscule, appelé désormais à contrôler la planète Terre elle-même. Mais ces possibles-là n’ont bien sûr que faire des incertitudes frémissantes. C’est pourquoi l’attention jamesienne aux failles actives, comme l’insistance des possibles qu’évoquent Didier Debaise et Isabelle Stengers [19], doivent s’entendre dans leur particularité créatrice, nous amenant à résister au monde probable que nous devrions accepter.


Confiance collective et avenir

Dans le passage cité précédemment, où James évoque la « bordure dynamique de l’incertitude frémissante », il poursuit en décrivant la zone générative comme « la ligne où passé et futur se rencontrent ». Il ne s’agit pas ici (ou pas exclusivement) d’une  formule poétique. Si les zones génératives sont des lieux agités, ce sont aussi les temporalités qui s’y agitent, des mouvements s’y produisent sans séquence régulière. En particulier, d’après James, on a comme affaire à une pénétration d’avenir dans le présent (un « avenir » indéterminé, pas « le futur »). Pour souligner ce point, James évoque à plusieurs reprises l’image du saut de l’alpiniste [20]. Imaginez que vous vous trouviez en montagne au bord d’un gouffre, sans possibilité de revenir en arrière. Vous n’êtes pas certain de pouvoir le franchir d’un bond. Mais il se pourrait que, dans cette situation, votre confiance en votre capacité à franchir le gouffre constitue un facteur décisif. Autrement dit, il se pourrait que vous y parveniez grâce à votre confiance en votre capacité de le faire. La confiance en un possible contribue à le réaliser. L’exemple est frappant, mais pour une fois il s’agit vraiment d’une simple illustration. En effet, l’exemple présente un trop faible coefficient de résistance à son interprétation « utilitariste » [21] : il y aurait des croyances utiles du point de vue de notre intérêt immédiat. En réalité, James présente ces irruptions transformatrices comme l’ajout, sans garantie, d’une dimension supplémentaire, qui, loin d’offrir une solution rêvée aux problèmes tels que formulés dans la situation immédiate, conduit à de véritables métamorphoses de la situation.

Et ces métamorphoses sont nécessairement collectives. C’est encore un point de simplification dans l’expérience de l’alpiniste qui semble agir seul, puisant dans sa confiance personnelle. Or, dans des passages essentiels, James insiste sur la dimension collective de ces métamorphoses. Dans son livre Le pragmatisme, James présente le monde lui-même comme « un projet social de travail coopératif réellement à accomplir. Te joindras-tu au cortège ? Te feras-tu suffisamment confiance à toi-même ainsi qu’aux autres acteurs pour courir le risque ? » [22] Dans le roman City of Refugeécrit par Starhawk, l’un des personnages dit : « La révolution, comprenez-le, est une forme de magie. Un tour de passe-passe, une illusion que nous rendons réelle. » Elle poursuit en évoquant l’action des activistes égyptiens en janvier 2011. Les activistes comprirent que les gens agiraient si les autres agissaient aussi. Il fallait faire croire que c’était le moment. Les activistes firent circuler des mensonges qui se transformèrent en prédictions. Ils organisèrent des marches dans des rues étroites où un groupe de personnes prend l’apparence d’une foule. Et le 25 janvier 2011 fut le jour où tout le monde sortit parce que tout le monde sortit [23].

Si la confiance collective à travers laquelle peut s’instaurer une zone générative a à voir avec la magie, c’est, on le voit, aussi au sens où magie et technique, loin de se contredire, vont de pair. La confiance comme force circulant dans le collectif et faisant frémir des fragments de possibles à venir ne tombe pas du ciel par miracle, il faut la négocier, la fabriquer très techniquement, en sentir les variations, et également faire attention et résister aux dispositifs capables de la briser ou du moins de la limiter. Toujours dans La volonté de croire, James écrit :

« Tout un train de voyageurs (individuellement plutôt courageux) sera pillé par une poignée de bandits de grand chemin, simplement parce que ces derniers peuvent compter les uns sur les autres, tandis que chaque passager craint que, opérant le moindre mouvement de résistance, il ne soit tué avant que quiconque parmi les autres ne vienne en renfort. Si nous croyions que le wagon tout entier se dresserait en même temps que nous, nous nous dresserions chacun séparément, et personne jamais ne tenterait même de dévaliser un train. Il y a ainsi des cas où un fait ne peut pas du tout se produire à moins que n’existe une foi préparatoire en son avènement. » [24]

L’histoire des transports est bien entendu simultanément une histoire politique. La promotion de la voiture privée et du pavillon domestique de banlieue est bien un dispositif dont la capacité à purifier les zones de contact fait peu de doute. Dans la situation imaginée par James, on a bien affaire à un transport collectif, mais qui n’a déjà plus rien d’un transport en commun. La situation imaginée par James rend sensible à l’importance de préserver, d’expérimenter, de nous réapproprier des communs où des forces collectives puissent frémir. Dans cet exemple, j’imagine volontiers le pillage comme faisant écho aux destructions accélérées des possibilités de vivre bien ensemble sur Terre. De ce point de vue, si les forces de métamorphose surprennent toujours, le danger serait ici de les attendre comme un miracle ne demandant aucun travail.


S’entraîner dans la zone de contact

J’ai parlé jusqu’à présent des incertitudes frémissantes, des indéterminations marginales et des forces qui peuvent y surgir, comme si elles ne concernaient que les humains seuls. Mais c’est justement une des conséquences mêmes de la proposition relative aux mondes en train de se faire que de ne laisser aucune place, pas la moindre place, à quelque exceptionnalité humaine que ce soit. Nous ne contribuerons pas au déploiement des possibles surgissant dans les zones génératives sans cultiver une attention intense aux emmêlements actifs, puissants et vitaux de tous les autres êtres terrestres entre eux et avec nous. Nous n’instaurerons pas et ne restaurerons pas des capacités à vivre et mourir bien ensemble sur Terre sans apprendre au contact des forces résurgentes dans des mondes plus-qu'humains auxquels nous participons et dont nous tenons notre existence. Les capacités qui s’inventent dans les zones génératives et qui épaississent nos existences concernent bien plus que les relations de supposés « sujets » humains.

Donna Haraway raconte depuis plusieurs années les co-devenirs multispécifiques qui s’inventent, notamment dans le rapport que sa chienne Cayenne et elle entretenaient. « Si nous sommes sensibles à l’absurdité de l’exceptionnalisme humain, alors nous savons que devenir, c’est toujours devenir avec– dans une zone de contact d’où ce qui sort, où qui est dans le monde, est en jeu. » [25] Haraway reprend ici l’expression « zone de contact » à Mary Louise Pratt [26], qui l’emploie pour désigner les expériences de traduction imparfaite et bifurcante dans les situations de « contact » coloniales, des « zones de contact » dont les problèmes et enjeux ont aussi été explorés de façon importante par la science-fiction [27]. La zone de contact évoquée par Haraway est en particulier celle qui est constituée-explorée dans le sport d’agility qu’elle pratiquait avec sa chienne. L’agility est un sport dans lequel la chienne et son humaine doivent parcourir le plus rapidement possible une série d’obstacles sans commettre de fautes. Plusieurs obstacles présentent une zone peinte en jaune, une couleur facilement reconnaissable pour la chienne, et que celle-ci doit impérativement toucher pour que le franchissement soit validé.

« Cayenne et moi avons été près de nous tuer l’une l’autre dans cette zone de contact. Le problème était simple : nous ne nous comprenions pas l’une l’autre. Nous ne communiquions pas ; nous n’avions pas encore de zone de contact nous emmêlant l’une l’autre. [...] Cette bande peinte est le lieu où Cayenne et moi avons appris nos plus dures leçons concernant le pouvoir, la connaissance et les importants détails matériels des emmêlements. » [28]

La zone de contact, en plus de désigner le dispositif très technique de la bande de couleur jaune des obstacles, désigne donc ici la constitution d’une relation transmarginale dans laquelle s’expérimentent, de façons qui n’ont rien d’immédiat, des possibilités nouvelles d’existence co-opératives et co-laboratives. Il s’agit bien d’un engagement dans des mondes-se-faisant, qui change la signification de la situation dans laquelle les partenaires sont emmêlées. Autrement dit, il ne s’agit pas de la rencontre de « sujets » préconstitués mais de l’exploration de possibilités de réinventer et de compliquer, ensemble, qui chacun est. « La question entre animaux et humains ici est, Qui es-tu ? et donc, Qui sommes-nous ? / Qui n’est pas un pronom relatif dans les relations co-constitutives appelées entraînement ; c’est un pronom interrogatif. Toutes les parties enquêtent et sont enquêtées si quoi que ce soit d’intéressant, quoi que ce soit de nouveau, doit survenir. En outre, qui se réfère aux partenaires-se-faisant à travers les relations actives de cofaçonnement, pas à des individus humains et animaux possessifs dont les frontières et les natures sont établies avant les emmêlements du devenir ensemble. » [29]

James posait la question : Te feras-tu suffisamment confiance à toi-même ainsi qu’aux autres ? Ce qu’Haraway fait sentir, c’est combien cette confiance suppose d’entraînement, d’expérience, de recherche, non pas pour être « donnée », comme s’il s’agissait d’un contrat passé par des sujets autonomes, mais bien pour être « accordée », en entendant dans ce terme l’apparition d’une résonance mutuelle nouvelle. Le jeu est une pratique puissante pour créer ce type d’accordage et d’alliance asymétriques. « Le jeu (play) construit de puissants liens affectifs et cognitifs entre partenaires » [30]. Cet accordage ajoute alors à la situation une dimension et une densité nouvelles, résistant à l’absorption dans la gestion d’une réalité prédéfinie. « La venue à l’être de quelque chose d’inattendu, de nouveau et de libre, quelque chose hors des règles de la fonction et du calcul, quelque chose qui n’est pas régi par la logique de la reproduction du même, est ce sur quoi porte l’entraînement. »  Haraway évoque, dans ces réussites, la joie mutuellement éprouvée, « quelque chose que nous goûtons, pas quelque chose que nous connaissons dénotativement ou que nous utilisons instrumentalement. » [32]



Frictions, frontières, intervalles

On peut reprendre un peu ici quelques-unes des caractérisations associées jusqu’à présent aux zones génératives, non pas pour faire le point, mais pour éprouver les effets que ces propositions pourraient déjà avoir eu sur nous. Les zones génératives ne correspondent pas à des lieux particuliers, bien qu’elles puissent acquérir une intensité dramatique dans certains lieux. Elles concernent nécessairement une diversité d’êtres, parfois humains, pas forcément vivants, elles ne correspondent jamais à l’action d’un « individu ». J’aimerais maintenant ajouter une maille supplémentaire à notre tricot, une maille pour laquelle je vais principalement m’adresser au travail de l’anthropologue et philosophe Anna Tsing. Cette maille consiste à dire que les zones génératives n’ont strictement aucune qualité « morale ». Elles ne sont ni bonnes ni mauvaises par elles-mêmes. Pour le dire encore autrement, les fabrications d’univers dont je parlais plus haut se constituent également dans des zones de contact. Dans son livre Friction, Anna Tsing [33] s’intéresse particulièrement à ces constitutions d’expériences actives qu’on peut appeler « frontière ». La « frontière » s’entend ici au sens qu’une partie de l’histoire coloniale nord-américaine a donné à ce terme : la limite séparant le monde humain civilisé d’un espace naturel sauvage et primitif offert à son expansion. La frontière, comme le montre Anna Tsing, non seulement n’a rien de naturel, mais elle se constitue également dans la friction locale et particulière d’une collaboration entre des parties diversement intéressées à la faire exister. Elle constitue une technologie concrète et imaginaire permettant de percevoir un « espace naturel » offert à l’extraction de « ressources ». « Les frontières ne sont pas de simples bordures ; elles sont des sortes particulières de bordures où la nature expansive de l’extraction est à son affaire. Construites sur les modèles historiques de conquête européenne, les frontières créent du sauvage (wildness) afin que certains – et pas d’autres – puissent en récolter les fruits. » [34] Les frontières « ne sont pas simplement découvertes dans les marges ; elles sont des projets de fabrication d’expérience géographique et temporelle. Les frontières font le monde sauvage (wildness) » [35].

En tant qu’anthropologue, Anna Tsing a principalement travaillé parmi et avec les Dayaks des Monts Meratus dans le Kalimantan du Sud, en Indonésie.

« La frontière, en effet, est venue au Kalimantan. Elle n’a pas toujours été là. Les projets hollandais de plantation avaient pour l’essentiel contourné le Kalimantan dans la période coloniale précédant la Seconde Guerre mondiale, permettant aux autorités coloniales de traiter les indigènes comme des sujets de royaumes et de cultures. Les Dayaks du Kalimantan, bien que pour eux manifestement non civilisés, étaient tout de même vus comme ayant des lois et des frontières territoriales, non un espace sauvage (wilderness) à occuper. » [36]

C’est dans la perspective extractiviste et capitaliste de l’exploitation de ressources et de jouissance d’un environnement sauvage que les mondes doivent être imaginés sur le modèle d’une « nature » occupée par des « sujets humains ». « L’activité de la frontière est de faire des sujets humains aussi bien que des objets naturels. » [37] La magie que j’évoquais précédemment en rapport à des expériences collectives transformatives et régénératrices est tout à fait à l’œuvre également dans ces politiques extractives et destructrices, comme le montre Anna Tsing de façon très frappante : « La culture de frontière est un acte d’évocation, car il crée la régionalité sauvage et en extension de son imagination. Elle évoque un translocalisme conscient, partie prenante de l’oblitération de zones locales. » [38] C’est une expérience de vision magique. Il s’agit de voir un paysage qui n’existe pas encore. La régionalité de frontière « doit constamment éradiquer les droits des résidents pour créer ses espaces sauvages et vides où découvrir des ressources, et non les voler, est possible. » [39]

Robert Harrison décrit un processus similaire dans la loi de la forêt en Angleterre. Il évoque en particulier le travail d’un juriste de la fin du XVIe siècle, John Manwood. Le processus est similaire, tout en étant bien entendu radicalement différent, et c’est pour cela qu’il est intéressant : il nous rend sensibles à la multiplicité des modes d’installation de « mondes naturels », qui peuvent se traduire par des politiques extractivistes et capitalistes comme en ce qui concerne la « frontière » installée au Kalimantan, mais aussi bien par des politiques de préservation d’un monde naturel dont  les humains sont supposés ne pas faire partie.

« Ecrivant vers la fin du règne d’Elisabeth Ire, en un temps où, la Loi de la forêt étant fréquemment enfreinte, les forêts d’Angleterre se dégradaient rapidement, John Manwood, juriste, gardien des chasses de Waltham Forest, et juge de New Forest, exposa de manière systématique les anciennes lois concernant l’afforestation et la préservation de la nature. Rares étaient les lois anciennes encore respectées ; il le reconnaissait et déplorait le laxisme général dans leur application. Manwood, semble-t-il, entreprit de défendre ces lois, non en tant que monarchiste, mais en tant que naturaliste. Le monarque était le seul, selon lui, à pouvoir préserver la vie sauvage des ravages de l’exploitation. » [40]

Le monarque, en tant que souverain, doit s’occuper du monde naturel, « et l’on doit empêcher le monde vorace des sociétés humaines de s’approprier entièrement la terre à ses propres fins. Des sanctuaires de nature originelle doivent toujours exister. » [41] Il ne s’agit surtout pas de ramener ces processus au même, mais ce qu’ils partagent, c’est l’installation d’un monde naturel – qu’il s’agisse de le préserver ou de l’exploiter – dont les humains sont séparés [42]. Ce qu’Anna Tsing montre encore, avec d’autres, c’est que l’installation de ces mondes naturels, distinguant sujets et objets, humains et nature, doit nécessairement mettre en place des technologies d’individualisation, de purification, d’effacement des expériences transitives associant des êtres hétérogènes. En bref, il s’agit de rendre les zones de contact inopérantes.

Je reviens pour un moment au Monts Meratus du Kalimantan du Sud où vivent les Dayaks Meratus. Dans Friction, Anna Tsing explique comment, dans la situation politique que traduit le régime « New Order » du Président Suharto, le Kalimantan est redéfini comme un type particulier de frontière faisant des forêts des Monts Meratus un lieu d’extraction notamment pour les compagnies d’exploitation forestière. Les compagnies ont pour projet de constituer une économie « durable » d’exploitation en coupant les arbres et en replantant une espèce unique, le dipterocarpus, géré par la suite sur le modèle de la plantation : itération indéfinie d’entités identiques isolées et simplifiées. Dès leur lancement dans les politiques colonialistes et esclavagistes, les plantations reposent sur l’idée de fabriquer des êtres existant par eux-mêmes, sans relations essentielles à d’autres êtres : les plants de canne à sucre autant que les esclaves d’Afrique sont définis par la pratique coloniale comme des individus séparables en principe de tout emmêlement avec des autres. Cette atroce fabrication d’individus, qui ne fonctionne toutefois jamais complètement (aucun être, humain ou non, vivant ou non, ne pouvant exister « par lui-même »), est de plus effrayante du point de vue de sa capacité à générer d’autres dévastations. Les diverses formes de plantation font lâcher les unes après les autres les multiples associations constituées dans les zones génératives unissant des êtres hétérogènes, libérant des forces imprévisibles. Dans le Kalimantan du Sud, l’année de sècheresse El Niño de 1997 avait entraîné d’importants feux de forêt. Suite à ces feux, les plants de riz poussèrent sans porter de grains. Par ailleurs, beaucoup d’animaux ne trouvant plus refuge dans la forêt se mirent à envahir les campagnes, en particulier les rats, qui infestèrent les champs en mangeant tout ce qu’ils trouvaient. Les compagnies d’exploitation forestière vendirent aux agriculteurs du poison à rat qui, tout en tuant chats et chiens, semble s’être révélé peu efficace contre les rats eux-mêmes. « Des feux qui se répandent à travers la forêt ; des rats qui se répandent à travers les champs ; des poisons qui se répandent à travers les rats : Ils ont déclenché les pestes. Chaque peste suit les simplifications et réductions de la précédente pour laisser le paysage plus stérile. » [43]

Anna Tsing appelle le processus de fabrication de frontière telle qu’elle a pu l’observer dans le Kalimantan du Sud au courant des années 1990 une « décartographisation ». Il s’agit d’inventer un paysage naturel « vierge » en niant les relativités multiples à travers lesquelles les êtres tiennent leur existence de manières qui n’ont rien à voir avec le modèle de la plantation. « Une frontière est un bord d’espace et de temps : une zone de pas encore – pas encore cartographié, pas encore régulé. C’est une zone de décartographisation : même dans sa planification, une frontière est imaginée comme non-planifiée. Les frontières ne sont pas simplement découvertes dans les marges ; elles sont des projets de fabrication d’expérience géographique et temporelle. » [44] La forêt habitée par les Dayaks Meratus est au contraire animée de socialités multiples, humaines et non humaines, elle est traversée d’histoires, composée de lieux concrets, les Dayaks tissent des relations particulières aux arbres, dont certains ont des noms propres personnels [45]. Les habitants savent quels arbres seront par exemple de bons arbres à miel, mais il ne s’agit pas du tout ici d’un modèle de plantation. Ces arbres sont revendiqués, préparés et protégés. C’est une relation à trois espèces [46] : humains, abeilles, arbres. Les humains encouragent la construction de nids d’abeilles en préparant les arbres, et empêchent que ces arbres ne soient coupés. Ce n’est ni de la plantation ni du « sauvage ». Dans l’espace entre ces catégories générales, « des abeilles, des arbres à miel et des humains ont créé une relation symbiotique et mutuellement productive » [47].

Le terme important ici pour nous est celui d’espace « entre » ou d’intervalle. Ce qu’Anna Tsing montre, c’est que ces espaces tendent à l’invisibilité dès lors qu’on les aborde à partir de catégories fixées de « nature » ou de « culture », de monde naturel ou de monde humain.

« De tels bordures (edges) sont les écologies et les sociétés les moins intéressantes aussi longtemps que nous cherchons des communautés de plantes et de gens nettement démarquées. Nous ne voyons que des espaces dégradés : mauvaises herbes et cambroussards (weeds and hillbillies). Mais si nous tournions notre perspective pour accorder une attention soigneuse à la fabrication spécifiquement diverse mais sociale de ce paysage ? / Ce changement de perspective nous déplace vers ce que j’appelle "intervalles" (gaps). Les intervalles sont des espaces conceptuels et des lieux réels dans lesquels les démarcations puissantes ne voyagent pas bien. Les intervalles du paysage des Meratus centrales attirent notre attention sur la mauvaise transportabilité de démarcations telles que vie humaine versus conservation de la nature, fermes productives versus réserves forestières et culture établie versus le sauvage, car chacune d’elles nous empêche de percevoir l’histoire de paysages sociaux-naturels. » [48]

Anna Tsing le formule de façon on ne peut plus claire : « Ces catégories n’organisent pas matériellement le paysage. » [49] Ces catégories de nature et de culture, de sujet et d’objet décrivent très mal les expériences auxquelles on a affaire, parce qu’elles partent d’entités isolées et préexistantes sans rendre compte des relativités qui se fabriquent entre elles et qui les tiennent dans l’existence. Mais il ne s’agit pas seulement de descriptions « incorrectes » : elles ont une efficace performative dévastatrice dont on a vu la capacité à transformer des lieux vivants en champs de ruines.


Habiter les zones d’expérience dévastées   

On peut rattacher à l’efficace performative des définitions d’une « nature » universelle à exploiter ou protéger la multiplication des ruines générées par les économies capitalistes. Philippe Pignarre et Isabelle Stengers ont, de ce point de vue, caractérisé ce qu’exige de nous un engagement pour des mondes vivables : « devenir capables d’habiter à nouveau les zones d’expérience dévastées. » [50] Le travail tout à fait pragmatique de William James, de Donna Haraway et d’Anna Tsing fait vibrer l’importance, à cet égard, de sentir nos modes d’engagement à l’intérieur de mondes se faisant et non en rapport à un monde préfabriqué qui nous poserait pour seule question de savoir comment en disposer. Il est d’une importance vitale que nous nous rendions constamment capables de penser, sentir, agir dans les relations expérimentées, inventées, apprises au contact d’êtres autres, humains et non humains, avec lesquels nous existons.

La proposition pragmatiste relative aux mondes en train de se faire rend possibles au moins deux choses. Elle nous permet de nous rapporter aux opérations de fabrication d’univers sans accepter leur prétention universaliste. Les fabrications d’univers sont elles-mêmes toujours particulières, locales, situées, concrètes, et c’est par là qu’elles offrent des prises pour les défaire. « Comment les chercheurs pourraient-ils relever le défi de libérer les imaginations critiques du spectre de la conquête néolibérale – singulière, universelle, globale ? L’attention aux frictions d’articulation contingente peut nous aider à décrire l’effectivité, et la fragilité, de formes capitalistes – et globalistes – émergentes. Dans cette hétérogénéité changeante se trouvent de nouvelles sources d’espoir, et, bien sûr, de nouveaux cauchemars. » [51]

Une deuxième chose que la proposition pragmatiste rend dès lors possible, c’est de ne pas renoncer à chercher les engagements concrets dans lesquels se fabriquent au contraire des possibilités de résurgence [52]. Il s’agit là de fabrication d’espoir, mais un espoir qui n’a rien à voir avec une capacité personnelle à « avoir confiance ». Cette fabrication d’espoir implique des engagements matériels et actifs dans des expériences co-constitutives de modes d’existence terrestres partagés avec des autres, humains et non humains, et résistant aux fabrications d’univers. « Un tel espoir "irréaliste" commence en considérant la possibilité que de petites fissures (cracks) puissent encore fendre le barrage ; les ouvertures contingentes sont des sites de force inattendue – pour le meilleur et pour le pire. » [53] C’est dans ces engagements communs concrets que peuvent se déployer des capacités d’existence, sur plus d’un mode, et pour une multiplicité d’êtres.

 







Bibliographie

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1/-  W. James, The Works of William James: The Will to Believe, and Other Essays in Popular Philosophy (désormais WB), Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1979, « The Will to Believe, VI », p. 24 ; tr. fr., La volonté de croire, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2005, p. 52.

2/-  Dans ce texte, toutes (et seules) les citations de ces trois auteur.e.s sont mes traductions.

3/-  Jan Evangelista Purkyně avait commencé l’étude scientifique des empreintes digitale en 1823 ; cf. C. Ginzburg, Mythes emblèmes traces. Morphologie et histoire, Lagrasse, Verdier, 2010, coll. Poche, p. 285.

4/-  Ibid., p. 288-289.

5/-  N. Martin, Les âmes sauvages. Face à l’Occident, la résistance d’un peuple d’Alaska, Paris, La découverte, 2016.

6/-  N. Martin mentionne plusieurs exemples : « Deerya’Ch’oo’aa, "Laissez le corbeau manger", Eejiighwaa, "Où est a meute [de loups] ?", Neezhuu, "Poisson qui a déjà pondu ses œufs", Khaatryaa, "Peau de caribou avec des touffes de cheveux qui tombent", Vats’a’Gehtr’oo, "Le rein de lapin lui appartient" ou encore Vitl’ee ik zhit ts’it tsi’, "Queue de porc-épic dans le pantalon"» (ibid., p. 98).

7/-  Ibid., p. 98-100.

8/-  A. Burguière, « Un nom pour soi : Le choix du nom de baptême en France sous l’Ancien Régime (XVIe-XVIIIe siècles) », L’Homme, 20, 4, « Formes de nomination en Europe », oct.-déc. 1980, p. 25-42, 26. Cité dans N. Martin, op. cit., p. 100-101.

9/-  Ibid., p. 102.

10/-  WB, « Preface », p. 5 ; tr. fr., p. 33.

11/-  W. James, Works: A Pluralistic Universe. Hibbert Lectures at Manchester College on the Present Situation in Philosophy, 1977, « Lecture VI: Bergson and his Critique of Intellectualism », p. 117 ; tr. fr., Philosophie de l’expérience. Un univers pluraliste, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2007, p. 177.

12/-  W. James, Works: The Varieties of Religious Expericence, 1985, « Lecture X: Conversion–Concluded », p. 188-189 ; tr. fr., Les formes multiples de l’expérience religieuse, Chambéry, Exergue, 2001, coll. Les Essentiels de la Métapsychique, p. 237-238.

13/-  « [...] c’est dans les zones de contact que l’action se passe », D. Haraway, When Species Meet (désormais WSM), Minneapolis, University of Minnesota Press, 2008, coll. « Posthumanities », p. 219.

14/-  W. James, Works: The Principles of Psychology, 1981, chap. IX : « The Stream of Thought », p. 243, repris dans Works: Psychology: Briefer Course, 1984, chap. XI : « The Stream of Consciousness », p. 149 ; tr. fr., Précis de psychologie, Paris, Les empêcheurs de penser en rond, 2003, p. 119.

15/-  WB, « The Importance of Individuals », p. 191 ; tr. fr., p. 252.

16/-  Ibid., p. 192 (tr. fr., p. 253).

17/-  Loc. cit.

18/-  Ibid., p. 193 (tr. fr., p. 254).

19/-  D. Debaise et I. Stengers, « Les noces contre nature du pragmatique et du spéculatif », à paraître.

20/-  WB, « Is Life Worth Living?, IV », p. 53-54 (tr. fr., p. 87) ; WB, « The Sentiment of Rationality », p. 80 (tr. fr., p. 118).

21/-  I. Stengers, « William James : une éthique de la pensée ? », in D. Debaise (éd.), Vie et expérimentation. Peirce, James, Dewey, Paris, Vrin, 2007, Annales de l’Institut de Philosophie et de Sciences Morales (Université Libre de Bruxelles), p. 147-174.

22/-  W. James, Works: Pragmatism, 1975, « Lecture VIII: Pragmatism and Religion », p. 139 ; tr. fr., Le pragmatisme, Paris, Flammarion, 2007, coll. « Champs » , p. 295.

23/-  Starhawk, City of Refuge, San Francisco, Califia Press, 2015, p. 497-498.

24/-  WB, « The Will to Believe, IX », p. 29 ; tr. fr., p. 58-59.

25/-  WSM, p. 244.

26/-  M. L. Pratt, « Arts of the Contact Zone », Profession, 91, 1991, p. 33-40 ; id., Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation, New York, Routledge, 1992.

27/-  Voir, parmi d’autres, les romans d’Octavia Butler et la série « Foreigner universe» de C. J. Cherryh. Haraway écrit : « Les rencontres les plus intéressantes ont lieu quand le traducteur universel de Star Trek est détraqué et que la communication prend un tour inattendu, prosaïque. » (WSM, p. 217.)

28/-  WSM, p. 215-216.

29/-  WSM, p. 208.

30/-  WSM, p. 232.

31/-  WSM, p. 223.

32/-  WSM, p. 240. Voir par exemple l’explosion de joie à la fin de la course flamboyante du Border Collie Tex et de son humaine au Westminster Kennel Club lors du Masters Agility Championship de 2015 : https://www.youtube.com/watch?v=LbQZ4FGv9ug

33/-  A. Tsing, Friction: An Ethnography of Global Connection (désormais Friction), Princeton (NJ), Princeton University Press, 2005.

34/-  Friction, p. 27.

35/-  Friction, p. 28-29.

36/-  Friction, p. 31.

37/-  Friction, p. 30.

38/-  Friction, p. 68.

39/-  Loc. cit.

40/-  R. Harrison, Forêts. Essai sur l’imaginaire occidental, Flammarion, 1992, p. 112-113. Le titre anglais me semble bien plus pertinent : Forests: The Shadow of Civilization (University of Chicago Press, 1992).

41/-  Ibid., p. 116.

42/-  Sur toutes ces questions, voir également N. Martin, op. cit. (qui se réfère à R. Harrison p. 123-124).

43/-  Friction, p. 46.

44/-  Friction, pp. 28-29.

45/-  Friction, p. 201.

46/-  Friction, p. 181.

47/-  Friction, p. 182.

48/-  Friction, p. 175.

49/-  Friction, p. 175.

50/-  P. Pignarre et I. Stengers, La sorcellerie capitaliste. Pratiques de désenvoûtement, Paris, La Découverte, 2005, p. 185.

51/-  Friction, p. 77. Voir également D. Haraway, Staying with the Trouble: Making Kin in the Chthulucene, Durham, Duke University Press, 2016, coll. Experimental Futures, p. 181-182, note 43.

52/-  A. Tsing, The Mushroom at the End of the World: On the Possibility of Life in Capitalist Ruins, Princeton, N.J., Princeton University Press, 2015.

53/-  Friction, p. 267.


ENTRETIEN / Interroger collectivement les mécanismes d’exclusion et de repli

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Interroger collectivement les mécanismes d’exclusion et de repli
Entretien avec Sonia Chiambretto, Yoann Thommerel et Alexandra Baudelot



ALEXANDRA BAUDELOT— La constitution du G.I.G., « Groupe d’information sur les ghettos », a pris forme à Aubervilliers à partir de janvier 2016, en conviant notamment toutes personnes intéressées par ce projet, résidentes ou non à Aubervilliers, à intégrer le groupe, par l’intermédiaire d’ateliers d’écriture, d’actions locales à l’adresse des habitants, ou d’une participation active au cours des soirées publiques qui jalonnent le projet depuis plusieurs mois. On y retrouve notamment des étudiants, historiens, économistes, artistes, tous mobilisés autour de cette question du ghetto, ce qu’elle recoupe dans son acception la plus large, ce qu’elle invente et interroge, déplace et déconstruit. Qu’est-ce qui est à l’origine de ce projet ?
 

SONIA CHIAMBRETTO & YOANN THOMMEREL— Ce mot « ghetto » nous intéresse pour des raisons multiples, et peut-être avant tout parce que sa seule utilisation est sujette à controverse. Même entre nous. Est-ce qu’on a le droit de l’utiliser ? Est-ce qu’on a le droit de l’utiliser ici à Aubervilliers ? Nombreux sont ceux qui ne s’en privent plus, notamment dans les champs médiatique et politique où la surenchère terminologique est depuis longtemps devenue la norme.

Ces décomplexions du langage ne sont pas sans conséquences : quand un Premier ministre déclare devant la presse qu’il y a en France un « apartheid territorial, social, éthique », ce n’est pas sans conséquences. Cette surenchère langagière va toujours de pair avec une surenchère sécuritaire. Depuis 2005 et les émeutes qui ont enflammé les banlieues en France, on a l’impression que la réponse apportée à ce qui nous semble avoir surtout été un cri d’insoumission aura essentiellement été policière. On parle pourtant d’inégalités sociales criantes, on parle de précarité, on parle de discriminations liées à l’accès à l’emploi, des problèmes concrets qui perdurent et qu’il faudrait enfin s’employer à tenter de réduire par tous les moyens, autrement que par des interventions musclées ou par le redoublement des contrôles au facies, contrôles que le président actuel avait, rappelons-le au passage, promis de mieux encadrer. S’il y a des ghettos en France, les pouvoirs politiques qui se succèdent semblent s’en accommoder. Peut-être tout simplement parce qu’ils les ont construits de toutes pièces.

Notre travail à nous, notre travail d’artiste, d’écrivain, c’était de lancer ici une mise en question du mot « ghetto ». Ce mot qui renvoie, selon les époques et les lieux, à des réalités très différentes. Nous avions envie de l’utiliser comme un générateur, d’en faire le point de départ d’une exploration de la langue, le point de départ d’un processus partagé permettant d’interroger collectivement les mécanismes d’exclusion et de repli. 

A.B.— Depuis sa création, le G.I.G. s’emploie notamment à constituer des archives, les archives du G.I.G., dont la particularité est de rassembler des documents historiques ou contemporains mettant en lumière un certain nombre d’événements qui ont eu lieu à Aubervilliers et qui illustrent, d’un point de vue très concret, différentes manières d’appréhender le « ghetto ». Je pense notamment à des documents relatant les grèves des foyers de jeunes travailleurs en 1971, sur lesquels a travaillé l’un des participants, l’historien Philippe Artières, ou à une lettre abordant les perspectives du Campus Condorcet à Aubervilliers, futur projet d’une « Cité des humanités et des sciences sociales », retravaillée par l’économiste et écrivain Anne-Sarah Huet. Ces documents fonctionnent comme autant d’éléments déclencheurs pour réfléchir à ce mot de « ghetto », mais aussi comme point de départ à de possibles fictions, ce qui m’amène à vous demander comment vous concevez, à travers le G.I.G., la relation entre la fiction et les réalités sociales et politiques que vous y abordez.
 

S.C. & Y.T.— À cette étape du projet, nous inventons et activons des protocoles de réflexion partagés avec les habitants et des chercheurs, en prenant principalement appui sur l’écriture collective de questionnaires et leur circulation. Des questionnaires poétiques, frontalement politiques. Nous croyons, de manière générale, que la période que nous traversons doit être celle d’un retour au questionnement. Se poser des questions, là où d’autres s’obstinent toujours à donner les mêmes réponses.

La parole récoltée à partir de ces questionnaires poétiques est versée dans un ensemble documentaire qui fait parallèlement l’objet d’une collecte d’archives en lien avec l’histoire et le contexte social, culturel et politique de l’endroit où nous nous trouvons.

L’un des premiers projets auquel nous avons collaboré est le livre Polices !écrit par l’un, publié par l’autre. Il est emblématique pour nous d’une recherche poétique mettant en jeu le document. Le déclencheur de l’écriture de Polices !, ce sont d’abord, en 2005, les émeutes dans les banlieues françaises liées à la mort des deux adolescents Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés dans un transformateur EDF, à Clichy-sous-Bois, alors qu’ils tentaient d’échapper à la police. Le moteur poétique du texte se trouve dans le sens de ce mot « émeute » – littéralement, « créer de l’émotion ». Il ne s’agissait pas, avec ce texte, d’être dans la linéarité d’une histoire ou dans une démonstration, mais de questionner l’ambiguïté de notre rapport à l’autorité, par un jeu de rapprochements d’éléments initialement étrangers, témoignages de jeunes gens, archives du procès Papon, pétitions contre l’abrogation des lois antiterroristes, tracts, mails, et de trouver l’espace fictionnel et poétique de l’écriture. La recherche qui est la nôtre à Aubervilliers se veut avant tout une traversée collective dans l’histoire d’une dérive terminologique, celle de ce mot « ghetto », une plongée dans ce qui est devenu une béance de la langue.

Aujourd’hui, nous avons écrit « Questionnaire no 1 », qu’on peut se procurer sur demande auprès des Laboratoires d’Aubervilliers. D’autres textes suivront, ils auront sans aucun doute recours à ces documents rassemblés. On se méfie cela dit de la fascination pour le document et des usages trop systématiques, très en vogue dans les milieux de l’art ou de la poésie, comme si utiliser du document suffisait à régler la question du rapport au réel, comme s’il suffisait d’incorporer un document brut dans un dispositif pour toucher le réel. C’est souvent un peu court. On utilisera des documents pour écrire, mais notre préoccupation, c’est d’abord l’écriture.

A.B.— Le G.I.G. agit donc comme un moteur fictionnel pour interroger le réel, pour remettre le sens des mots et leur résonance poétique au cœur d’une sorte d’introspection politique et sociale plus que jamais nécessaire aujourd’hui. À travers la forme du questionnaire, il donne aussi la parole à une multitude de personnes qui, en y répondant, font entendre leur voix, leur intimité, leur identité, leur histoire. Le Groupe d’information sur les ghettos, c’est aussi une tentative pour redonner de l’épaisseur et de la matière aux mots à partir du vécu de chacun. Une expérience du collectif construite depuis l’expérience singulière de toutes ces personnes, habitants d’Aubervilliers, qui ont accepté de répondre au questionnaire. Dans un deuxième temps du projet, vous allez travailler – séparément – à l’écriture d’un récit qui s’appuie sur cette matière récoltée. Comment allez-vous procéder ? Quels dispositifs d’écriture allez-vous activer, sachant que vous avez deux façons très différentes d’écrire et d’aborder la fiction ?

S.C. & Y.T.— On écrit effectivement de manière très différente, c’est d’ailleurs probablement pour cette raison qu’on parvient à travailler ensemble aussi facilement. Il y a beaucoup de porosités dans nos approches, beaucoup d’affinités dans nos idées, mais tout cela travaille souterrainement, jamais en surface. Cela dit, le chantier d’écriture dans lequel nous nous sommes lancés là, de par sa nature même, évacue cette question de la compatibilité de nos écritures.

Le texte que nous écrivons ensemble a pour titre Inventaire no 1. Depuis le début de ce projet, nous avons pris soin de documenter toutes les étapes de nos travaux, rassemblant scrupuleusement tout ce qu’il a pu générer en termes d’écrits, d’images, et d’enregistrements divers. Nous avons ainsi collecté systématiquement tous nos échanges avec les Laboratoires d’Aubervilliers, ou bien avec les intervenants que nous avons sollicités dans le cadre du projet, avec les membres de notre groupe aussi, etc. Cette masse très hétérogène comprend aujourd’hui une quantité importante de photographies, d’échanges mail, SMS, de messages laissés sur nos téléphones portables, des éléments liés à la communication autour de nos actions, des photographies, différentes étapes d’écriture de nos questionnaires, et surtout l’ensemble des questionnaires remplis que nous avons reçus. Une collection de pièces de toutes provenances, de contenu et de nature très variés, mais qui traitent toutes d’un même sujet : la création d’un « Groupe d’information sur les ghettos ». Le fonds garde évidemment la trace de tout ce qu’une telle entreprise a pu provoquer comme réactions. Elles ont été nombreuses, entre ceux qui nous encourageaient et nous disaient la nécessité d’un tel travail, ceux qui le remettaient en question de manière plus ou moins constructive, ou ceux qui le rejetaient purement et simplement.

Notre travail d’écriture consiste aujourd’hui en l’établissement d’un instrument de recherche apte à rendre le fonds que nous avons constitué, et qui sera déposé aux Laboratoires d’Aubervilliers, aisément accessible à tous ceux qui souhaiteraient le consulter. Il y a plusieurs manières d’établir des inventaires, plusieurs écoles : nous avons choisi une approche plutôt analytique, qui s’avérera probablement aussi, au final, assez transgressive. Ce genre d’instrument de recherche doit normalement être aussi exhaustif que possible, et comporter une analyse de tous les documents, sans aucune exception. Cet outil, long et complexe à établir, nous intéresse car il construit une sorte de photographie du projet. On réalise déjà qu’il a, en plus, le grand avantage de révéler avec force des lignes de tension générées par notre démarche dans son interaction constante avec tous ceux qu’elle a impliqués. L’archive de notre projet porte en elle la trace des mouvements d’exclusion et de repli provoqués par le projet lui-même. Ce constat nous a évidemment interpellés.

A.B.— En tant qu’institution culturelle et artistique, Les Laboratoires d’Aubervilliers jouent un rôle de passeurs des documents et outils de recherche mis en place par le G.I.G. Est-ce qu’un projet comme le G.I.G et les formes d’écriture qui en découlent ne peut être envisagé sans être adossé à une telle institution ? Comment envisagez-vous le futur du G.I.G. hors de votre présence aux Laboratoires ?

S.C. & Y.T.— Il n’y a pas d’archives sans institution, un ensemble documentaire n’existe en tant que fonds d’archives qu’une fois qu’il a été déplacé physiquement, confié à une institution spécialisée qui aura la charge de le conserver, de le classer, et d’organiser la possibilité de son ouverture à la consultation. Ce n’est pas la mission première des Laboratoires mais, de même qu’une bibliothèque spécialisée a été constituée dans ce lieu, on peut imaginer qu’un « fonds G.I.G. » puisse y être consulté par qui en ferait la demande, à condition toutefois que la personne en question motive sa requête, et que nous autorisions cet accès aux documents qui, pour certains, peuvent être sensibles de par leur caractère intime – les témoignages vidéo notamment. Toute personne souhaitant travailler à partir de ces documents pour les réactiver, les réinterpréter, aura bien sûr notre feu vert. Conserver pour conserver n’a pas d’intérêt, et il nous plaît d’imaginer que d’autres que nous puissent avoir la possibilité de s’emparer de cette matière, qu’elle pourra, au-delà de nos propres travaux, redevenir matière à penser, matière à créer.

Le choix du mot « adossé » est intéressant dans votre question. « Adosser », c’est placer le dos d’une chose contre quelque chose qui lui sert d’appui, et un appui, c’est ce qui permet la mise en mouvement. Dans ce sens, le rapport à l’institution nous importe. L’implication des Laboratoires a permis de donner l’impulsion à notre projet, c’est un endroit de recherche idéal pour expérimenter des processus, mais on souhaite bien sûr garder toute liberté de le nomadiser en créant d’autres pôles ailleurs, en France ou à l’étranger, ce qui s’organise déjà. On travaille actuellement à la mise en place de plusieurs prolongements et développements du projet, notamment avec le T2G, le théâtre de Gennevilliers, qui sera prochainement dirigé par Daniel Jeanneteau. Tous ceux qui ont participé à nos travaux à Aubervilliers seront invités à nous accompagner dans cette nouvelle phase développée parallèlement à Gennevilliers. Hors de question de laisser derrière nous tous ceux qui se sont impliqués d’une manière ou d’une autre dans notre démarche, c’est peut-être l’une des forces de notre projet : faire en sorte que tous ceux qui y participent puissent aussi s’y adosser, créer les conditions d’une mise en mouvement collective.

A.B.— Cette mise en mouvement collective implique, pour beaucoup de ceux qui font partie du projet, un déplacement des frontières, une ouverture entre plusieurs localités, celle d’Aubervilliers vers Gennevilliers, en l’occurrence, mais aussi vers la Belgique ou le Brésil, pour ce qui se prépare actuellement. Le Groupe d’information sur les ghettos porterait ainsi en soi son propre antidote contre l’enfermement des groupes, des formes, des pensées, des histoires. Dans la continuité de ces déplacements de territoire, une autre expérience à laquelle vous vous prêtez tous les deux, en compagnie de certains membres du G.I.G., est le passage du texte à la performance, du territoire de la ville à celui de la scène. Comment ces histoires, témoignages, archives se déploient sur scène, trouvent les moyens de transmission par des formes de spatialisation, par la voix et le corps de ceux qui deviennent alors  lecteurs / performeurs ? Comment les travaillez-vous ?
 

S.C. & Y.T.— C’est le chantier qui s’ouvre à nous, un chantier de recherche qui doit nous permettre d’inventer une dramaturgie du document. Nos écritures, résolument multi-supports, cherchent à se déployer pour la scène dans une sorte d’augmentation d’elles-mêmes, par l’incorporation d’une matière récoltée au cours de nos travaux. On sait que l’une des entrées de notre « Questionnaire no 1 » polarisera nos efforts, c’est une question qu’il nous importe particulièrement de poser aujourd’hui :

63.  « Quel souvenir gardez-vous de ce qu’on a couramment appelé « les
      émeutes de 2005 » ?
      Avez-vous l’impression que des événements similaires pourraient se
      reproduire prochainement ?
      Le souhaitez-vous ?
      Pourquoi ?                 

Les émeutes en question marquent, selon nous, un point de bascule trop peu analysé. Encore une fois, ce cri de rage n’aura au fond provoqué aucune remise en question profonde de la manière dont s’organise en France quelque chose qu’on pourrait appeler le « vivre-ensemble en inégalité ». On peut dire, avec le recul que la seule réponse remarquable à ces événements complexes aura été sécuritaire, ne faisant qu’augmenter les symptômes de ces mouvements d’exclusion et de repli qui nous préoccupent, ouvrant la voie à la plus grande désillusion politique, au désespoir et, bien sûr, à ces formes de radicalisation qu’on réduit un peu trop expéditivement au seul résultat d’un djihad global. Explication qui a le grand mérite de nous dédouaner de nos propres responsabilités. Ce qui nous frappe dans tous ces événements liés au terrorisme, c’est la force des fictions. Toute cette violence repose sur une fiction, un récit, la fiction exaltée d’un monde contre un monde, la fiction de nouveaux combattants, la fiction du martyr, celle d’un paradis à atteindre par-delà la mort. Quel « vide » a permis l’adhésion d’une jeunesse à une vision aussi radicale et morbide ? C’est une question centrale dans nos recherches aujourd’hui.

Le travail d’écriture qui s’amorce pour nous, au-delà d’Inventaire n°1, c’est un travail de montage, un travail d’agencement, de mise en choralité, de mise en friction. Il faut trouver le dispositif poétique qui nous permette de multiplier les points de vue, de mixer textes de création, images, documents, archives, témoignages, d’inventer, dans l’hétérogénéité des fragments convoqués, une voix capable de rendre audibles des questionnements que nous avons partagés avec ceux qui ont participé à nos travaux. Ceux qui connaissent nos textes savent que la forme y joue toujours un rôle essentiel. On aborde la scène de la même manière, il s’agit de trouver des formes neuves, de ne pas se laisser happer par des formes déjà vues, déjà épuisées, déjà mortes. Plutôt que de mise en scène de nos documents, on préfère parler de mise en incandescence : trouver la traduction scénique de notre dispositif poétique, prolonger l’espace fictionnel de l’écriture, faire exister sur un plateau le brûlant de cette question 63.







Écrivain, Yoann Thommerel donne régulièrement des lectures performées de son travail. Il dirige aux éditions Nous la « collection grmx » et la revue Grumeaux consacrées à la poésie et littératures expérimentales. Son dernier livre a pour titre Mon corps n’obéit plus (Nous, 2017).

Sonia Chiambretto est l’une des voix qui marque la littérature contemporaine tant par l'originalité formelle de son écriture que par la force et l'engagement de son propos. Son écriture multiplie les points de vue en mixant textes de création, témoignages et documents d'archives pour façonner une langue brute et musicale. Elle dit « écrire des langues françaises étrangères ».Ses textes sont mis en scène par des metteurs en scène et chorégraphes, Hubert Colas, Rachid Ouramdane, Pascal Kirsch … et sont publiés aux éditions Actes Sud-Papiers et Nous. Elle fait des performances et publie régulièrement dans des revues de poésie.


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Cet entretien est publié dans l'édition 2016/2017 du Journal des Laboratoires.



The L’anguish Channel

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The L’anguish Channel

 

Programme 2

Opening Address - Prologue (HDV, colour 14' 15'', 2016)


The Opening Address inaugurated the Centre for Language Unlearning at Les Laboratoires d'Aubervilliers.

The text was originally written by the artists in English before being translated into French. Both versions were then used as the basis for an adaptation into French Sign Language by interpreter Igor Casas, which, on account of the sometimes cross-linguistic wordplay of the original, invited him to invent a number of new sign combinations. For the first part of the Address, Casas performed his interpretation to the theremini as the sound was additionally modified by digital signal processing in response to his hand and body movements. For the second part, meanwhile, a sound recording of the Sign language/theremini performance was played back, subtitled live with in both English and French.

For the second program of The L’anguish Channel, Maglioni and Thomson are presenting a new articulation of the work, focusing on the Address's Prologue. In the editing, three phases of (im)possible translation (sign to theremin, theremin to text, voice to sign) are placed in a state of suspended disbelief.

 

 

Opening Address, film still courtesy the artists

 


 

Programme 1

Underwritten by Shadows Still
(HD, colour/bw 33 min, 2016)


Originally conceived as a lecture-performance, Underwritten by Shadows Still is a film for inaudible voices composed of subtitled photograms taken from a wide range of films and accompanied by an electronic soundtrack containing manipulated samples of sound (the piano introductions of Lieder and the ambient noises of movie soundtracks) that originate from spaces before or between voices.

The subtitled fragments of film dialogue or monologue are edited together to form a continuous discourse traversing the whole series of stills that moves between philosophical enquiry, everyday remarks and narrative bifurcations.

Underwriting the images as a last promise of a shadow of meaning, the subtitles also constitute another kind of under-writing, a minorised and “poor” language of things half-spoken, riven by cracks, silences and odd shifts in direction and emphasis. In this way, frayed threads of an open conversation are woven between figures from the different films and at the same time are contained within the meanders of another, unassignable voice belonging to and addressing no one in particular. A voice that speaks in the last, or lost, person.



Graeme Thomson & Silvia Maglioni, Underwritten by Shadows Still, 2016




The L’anguish Channel

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The L’anguish Channel

 

Programme 2

Opening Address - Prologue (HDV, colour 14' 15'', 2016)

L'Opening Address a inauguré le Centre de désapprentissage de la langue aux Laboratoires d'Aubervilliers.

Ce texte a tout d’abord été écrit par les artistes en anglais avant d'être traduit en français. Les deux versions ont ensuite servies de base pour une adaptation en langue des signes par l'interprète Igor Casas qui, du fait des jeux de mots parfois trans-linguistiques porté par le texte original, s’est vu invité à inventer un certain nombre de nouvelles combinaisons de signes. Pour la première partie de l'Address, Casas a performé son interprétation avec un thérémine, dont le son a été modifié par un traitement de signal numérique en écho à ses mouvements de main et de corps. Pour la deuxième partie, un enregistrement sonore de la performance a été diffusée avec des sous-titres en direct, en anglais et français.

Pour ce second programme de The L’anguish Channel, Silvia Maglioni et Graeme Thomson présentent une version préliminaire d’une articulation filmée de ce travail, en se concentrant sur le prologue de l'Address, où trois phases de l’(im)possible traduction (signe - thérémine, thérémine - texte, voix - signe) sont placées dans un état de doute suspendu.



 

Opening Address, film still courtesy the artists

 


 

Programme 1

Underwritten by Shadows Still
(HD, couleur/nb 33 min, 2016)


Conçu initialement comme une lecture-performance, Underwritten by Shadows Still est un film pour des voix inaudibles composé de photogrammes sous-titrés issus de nombreux films et accompagnés d’une bande sonore électronique contenant des samples manipulés (des introductions piano des Lieder et des bruits ambiants des films), des sons qui émanent d’espaces avant ou entre les voix.

Les fragments sous-titrés des dialogues ou monologues de cinéma sont édités ensemble afin de former un discours continu qui puisse traverser tous ces photogrammes (stills) allant de l’enquête philosophique, à des observations quotidiennes à des bifurcations narratives.

Sous-écrire (underwriting) les images comme promesse ultime d’une ombre de la signification, les sous-titres constituent une autre sorte de sous-écriture, un langage mineur et “pauvre” de choses à demi parlées, entaillé de fissures, de silences et de changements imprévisibles de directions et de sens. Ainsi, des filets effilochés d’une conversation ouverte sont tissés de figures de différents films tout en étant contenus dans les méandres d’une autre voix inassignable qui appartient et s’adresse à personne en particulier. Une voix qui parle à la dernière personne, ou à la déniée personne.



Graeme Thomson & Silvia Maglioni, Underwritten by Shadows Still, 2016

 

Opérations pour une disparition

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2. Décembre 2016 - 19:30» 23:00
Friday 2nd December 2016, 7:30 p.m.

 


A ritual takes shape around the cinema screen.




Electromagnetic waves converted into sounds fill the screening space. A tribute to Aby Warburg’s Serpent Ritual– during an annual ceremony, Hopi dancers would enter into communication with lightning by inserting a rattle-snake in their mouths. Warburg observes how the arrival of electricity in this Native American community in New Mexico coincided with the disappearance of the ritual — because electricity is domesticated lightning…

This immersion in electric current will continue with the screening of two films. The conservator of an ethnographic museum is taking care of a very old item of native clothing. The second film involves a conversation between a mother and her daughter. Their blood tie vibrates across the screen while they struggle to make sense of the conflicts of their impossible familial bond. We interrogate the meaning of taking care, sometimes we sense fusion, at other times rupture.

The ritual culminates in the birth – or invocation? – of a fictional character . A revolutionary (or criminal?) transvestite who precociously embodies women’s liberation, before fissuring ethics a little bit more. Her story will be a call to trance.

Opérations pour une disparition is the second phase of the travelling exhibition Disappearing operations, presented as an expanded cinema session, approximately two hours long.

En collaboration avec Lyes Hammadouche et Eva Revox.

 

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Free entrance on booking
at reservation@leslaboratoires.org or at 01 53 56 15 90

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Black on Red, film HD, 1h30, 2016 _ © Laura Huertas Millán and Evidencia Films

 

Catalina de Erauso, attributed to Arturo Lucía, XVIIe century

 

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Les Talents d'Aubervilliers / auditions / Jour 1

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19. Novembre 2016 - 13:30» 18:00
Samedi 19 novembre 2016, de 13h30 à 18h

 

Samedi 19 novembre 2016, de 13h30 à 18h
Auditions des participants au concours Les Talents d'Aubervilliers




En résidence depuis septembre 2016 aux Laboratoires d’Aubervilliers, Kateřina Šedá a pu faire connaissance avec les habitants de la ville et échanger autour de leurs talents et savoir-faire afin de préparer leur participation au concours Les talents d’Aubervilliers.

Inscrits, les albertivillariens sont invités à présenter leur talent devant un jury composé de personnalités de la ville les 19 et 20 novembre 2016.
Loin d’une logique de compétition, ces deux jours d’auditions seront l’occasion d’échanges et de rencontres entre les habitants-participants. Ils sont ouverts à tous les curieux, albertivillariens ou non, qui souhaitent venir.

Ce sera l’occasion de découvrir qui à Aubervilliers prépare de bons gâteaux, est incollable sur l’histoire du cinéma, réalise d’incroyables peintures, a un chien dressé,  tricote des chandails, danse comme Beyoncé, boxe comme Sarah Ourahmoune, casse des briques avec la main, slame, chante, coiffe, etc.

A l’issue du concours, le jury se réunira pour choisir les participants dont le nom figurera sur le « trottoir de la renommée » à Aubervilliers.
Une remise des prix est organisée samedi 26 novembre aux Laboratoires d’Aubervilliers, à 18h. L’occasion de venir saluer les lauréats et féliciter tous les participants.

Ce Walk of Fame dans le contexte albertivillarien met ainsi à l’honneur la diversité et la richesse des talents et des histoires propres aux habitants, afin de les partager et de les conserver telle une mémoire remarquable auprès de tous ceux qui viendront arpenter ce trottoir.

Il s’agit pour l’artiste d’amener, par le biais de ce concours et de son prix, les habitants à “porter un nouveau regard sur leur environnement et à dégager un nouvel horizon d’action” pour reprendre les mots de Jehanne Dautrey*. Permettre aux habitants de reconstruire une fierté d’appartenance au territoire sur lequel ils vivent et travaillent via la mise en place d’un dispositif, celui du concours de talents.

 

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Les auditions sont ouvertes au public

L'entrée est libre, sur réservation
à
reservation@leslaboratoires.org ou au 01 53 56 15 90

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* Jehanne Dautrey (sous la direction de), Milieux et créativités, Ensad de Nancy et Les presses du réel, 2016.

 

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Présentation

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Les Talents d'Aubervilliers

 

 

With all her public actions Czech artist Kateřina Šedá seeks to foster an exchange between residents and their everyday environment. The artist’s project is grounded in social inquiry, and her practice connects the urban context, everyday life, private relationships and the political, orchestrating actions that take shape in public space. Located somewhere between precise instructions and a space of improvisation, her projects engender both minor and major events.

Kateřina Šedá will begin her residency at Les Laboratoires d’Aubervilliers in September 2016; she will be inviting Aubervilliers residents to participate in a talent contest, open to all forms of talent. Once enrolled, the residents of the commune of Aubervilliers who wish to express a talent will be invited to present their talent before a panel of judges made up of local figures. The winners will have their name engraved on the pavement of a street in Aubervilliers, like the ‘Walk of Fame’ on Hollywood Boulevard in Los Angeles. In the Aubervilliers context, this ‘walk of fame’ will be a tribute to the diversity and richness of the residents’ talents and histories, and will be an opportunity to share and preserve them like a notable memory with all those who walk in the chosen street. Far from being a typical competition, the contest will be an opportunity for residents/participants to meet and exchange with one another.


« My intention with this project is to try to alter a certain state of things. There’s a Japanese proverb that states that “The capital is where you live”. By fully identifying this sentiment, I would like to show not only the inhabitants of Aubervilliers but also those from surrounding areas that there are unique people living here and that this town is as interesting as any other. I would like to create a specific site in the town that highlights its unique quality.

I drew my inspiration from a very different kind of place, a place most people dream about living in: Hollywood, in the United States. One of its key symbols is the ‘Walk of Fame’ on Hollywood Boulevard (a ‘sidewalk’ stretching for approximately 5 or 6 km, featuring more than 2000 five-pointed stars with the names of celebrities). By organising this contest and creating a non-traditional monument in public space, I would like to bring something similar to Aubervilliers.

Insofar as this town, in the outskirts of Paris, is not home to film stars, I needed to find alternative criteria for identifying local ‘stars’. We were ultimately inspired by the popular TV programme ‘America’s Got Talent’. Like the programme’s nation-wide selection process, we will be seeking out talents across the commune of Aubervilliers. The programme highlights the fact that everyone has a talent that simply needs to be discovered. In this way, everyone will have a chance to reveal their talent, to perhaps become a star in their particular category and be awarded their own star in one of the streets of Aubervilliers.

Whereas in Hollywood, camera work or directing are the ways in which people get invited to socialise with celebrities, in Aubervilliers this might be achieved more modestly by making a fantastic cake, or a painting, a well-trained dog, a knitted cardigan, and so on. At the end of the contest, the judges will decide which participants will be awarded a star on the Aubervilliers walk of fame ».


Kateřina Šedá, January 2016




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Kateřina Šedá is in residency at Les Laboratoires d'Aubervilliers from September 2016 for a participative project entitled Aubervilliers' Got Talent (Aubervilliers a du talent).

 

 

 

Présentation

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Les Talents d'Aubervilliers

 


Dans toutes ses actions publiques, l’artiste tchèque Kateřina Šedá cherche à créer un échange entre les habitants et leur environnement quotidien. Développant un travail basé sur des enquêtes sociales, Kateřina Šedá allie dans sa pratique contexte urbain, vie quotidienne, relations privées et dimension politique, en orchestrant des actions qui prennent forme dans l’espace public. Entre directives précises et espace d’improvisation, elle fait advenir des événements aussi bien majeurs que mineurs.

En résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers à compter du mois de septembre 2016, Kateřina Šedá invite les habitants d’Aubervilliers à participer à un concours des talents de la ville, tous les talents, quels qu’ils soient, étant les bienvenus. Une fois inscrit, les albertivillariens souhaitant exprimer leur talent seront invités à le présenter devant un jury composé de personnalités d’Aubervilliers. Les gagnants verront leur nom inscrit sur un trottoir de la ville à la manière du Walk of Fame d’Hollywood Boulevard à Los Angeles. Ce “trottoir de la renommée” dans le contexte albertivillarien met ainsi à l’honneur la diversité et la richesse des talents et des histoires propres aux habitants, afin de les partager et de les conserver telle une mémoire remarquable auprès de tous ceux qui viendront arpenter ce trottoir. Loin d’une logique de compétition, le concours sera l’occasion d’échanges et de rencontres entre les habitants-participants.


« Avec mon projet, je voudrais essayer de changer un certain état des choses. Il y a un proverbe japonais qui dit : “La capitale est là où vous vivez”. En identifiant pleinement ce sentiment, je veux montrer non seulement aux habitants d’Aubervilliers, mais également à ceux qui les entourent, qu'il y a des gens uniques qui vivent ici et que leur ville est tout aussi intéressante que les autres. Je souhaite créer un lieu spécifique dans cette commune qui mette en valeur son caractère unique.

J’ai puisé mon inspiration dans un endroit bien différent où la plupart des gens souhaitent vivre : Hollywood aux États-Unis. L'un des symboles les plus importants y est le célèbre Walk of Fame d'Hollywood Boulevard (un trottoir environ 5,6 km parsemé de plus de 2 000 étoiles à cinq branches portant les noms de célèbrités). En initiant ce concours et en créant un monument non-traditionnel dans l’espace public, je voudrais apporter quelque chose de similaire à Aubervilliers.

Dans la mesure où cette commune proche de Paris n’est pas le lieu de résidence des stars de cinéma, il fallait trouver d'autres critères pour déceler les “stars” locales. Nous avons trouvé notre inspiration via le modèle populaire du programme de télévision "America‘s Got Talent". De la même manière que, dans ce programme, la recherche des talents se déroule à un niveau national, nous allons partir à la recherche de "talents" dans tout Aubervilliers. Ce programme met en avant le fait que tout le monde possède un talent, et qu’il suffit de le déceler. Tout le monde aura donc une chance de révéler son talent, afin de peut-être devenir une star dans sa catégorie et d’obtenir sa propre étoile dans l’une des rues d'Aubervilliers.

Tandis qu’à Hollywood le travail de la caméra ou la direction d’acteurs sont des moyens qui permettent aux gens d’obtenir une invitation pour être en compagnie des stars, à Aubervilliers cela pourrait plus simplement être un gâteau merveilleusement préparé, une peinture, un chien dressé, un chandail tricoté, etc. A l’issue du concours, le jury décidera quels participants auront une étoile sur le trottoir de la célébrité ».

Kateřina Šedá, janvier 2016




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Kateřina Šedá est en résidence aux Laboratoires d'Aubervilliers à compter du mois de septembre 2016 pour un projet participatif intitulé Les Talents d'Aubervilliers (The Talents of Aubervilliers).

 

 

 

Les Talents d'Aubervilliers / auditions / Day 1

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19. Novembre 2016 - 13:30» 18:00
Saturday 19th November 2016, from 1:30 to 6 p.m.

 

Saturday 19th November 2016, from 1:30 to 6:00 pm
Participants Auditions of Aubervilliers' Got Talents



In residency since September 2016 at Les Laboratoires d'Aubervilliers, Kateřina Šedá was able to get to know the locals and share about their talents and skills to prepare for their participation in the contest Auberviliers’ Got Talent (Les Talents d'Aubervilliers).

Registered, inhabitants from Aubervilliers are invited to showcase their talent in front of a jury of the city on 19th and 20th November 2016. Far from a logic of competition, the two days of audition will be an opportunity for exchanges and meetings between people-participants. They are open to all persons who wish to come.

This is an opportunity to find out who in Aubervilliers is preparing good cakes, who is an expert on the history of cinema, who realizes incredible paintings, who has a trained dog, who is knitting sweaters, who dances like Beyonce, who is boxing like Sarah Ourahmoune, who can bust bricks with his / her bare hand who sings, who is the best hairdresser, etc.

After the competition, the jury will meet to select the participants whose names will appear on the "Walk of fame" in Aubervilliers.
An award ceremony is organized Saturday 26th November at Les Laboratoires d'Aubervilliers, at 6:00 pm.
The opportunity to salute the winners and congratulate all participants.

This "Walk of fame" in the context of Aubervilliers will celebrates the diversity and richness of talents and the stories of the inhabitants in order to share and mark the memory of all who come pacing the sidewalk.

Through this competition and price, the artist wants the people to "take a new look on their environment and imagine a new horizon of action" in the words of Jehanne Dautrey. She hopes to allow residents to rebuild a pride of belonging to the territory where they live and work through the establishment of a talent competition.

 

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Auditions are open to all

FREE ENTRANCE, on booking
at
reservation@leslaboratoires.org or 01 53 56 15 90

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* Jehanne Dautrey (under the direction of), Milieux et créativités, Ensad de Nancy and Les presses du réel, 2016.

 

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Un institut métaphorique (UIM)


Un institut métaphorique - D'un monde à d’autres
 
Questionner les métaphores, dessiner des ouvertures, penser de nouvelles articulations à l’intérieur des pratiques de recherches scientifiques et artistiques.

Avec Mathilde Chénin, Nicolas Coltice, Uri Hershberg, Fabrizio Li Vigni, Clément Morier, Boris Nordmann, Leïla Perié, Anna Principaud, Claire Ribrault et Goni Shifron.

 


Un institut métaphorique (UIM)
est un groupe de recherche à dimensions variables qui associe des artistes, des scientifiques, des danseurs_euses, des chercheurs_euses ayant le désir de questionner les mots de la science et de l’art, et notamment l’usage des métaphores dans les pratiques de recherche. A l’occasion d’ateliers ou de rencontres publiques, UIM propose de mettre au travail, collectivement, langages et pratiques de recherche. En mêlant différentes formes d’expérimentations, théoriques, plastiques, somatiques, UIM entend mettre les pensées en mouvement, construire et partager des outils de pensée critique, appropriables par d’autres chercheurs, scientifiques, artistes et par le grand public.


« D’un monde à d’autres »

Ce projet se développe en une série de trois ateliers, qui rassemblent chercheurs en arts et en sciences, autour de l’usage des métaphores dans les pratiques de recherche. Le projet se déroule du printemps 2016 au printemps 2018, avec le soutien de la Fondation Daniel & Nina Carasso.

L'atelier programmé aux Laboratoires d'Aubervilliers, en octobre 2016, est le premier de la trilogie.

 



A l’issue de la rencontre fondatrice d’UIM en avril 2015 autour de l’usage, dans le champ de l’immunologie, de métaphores relatives à l’identité, la guerre, la défense, ou le danger, l’atelier accueilli par Les Laboratoires d’Aubervilliers entend explorer un autre champ lexical, celui qui accompagne l’étude des systèmes complexes : que survient-il lorsque des individus, des entités se mettent à fonctionner ensemble, à interagir ? Comment passe-t-on de l'unicellulaire au multicellulaire, de l'individu à la population, de l'individuel au collectif ? Y aurait-il une mémoire propre à ces interactions, une mémoire issue de l’expérience de la mise en contact des entités entre elles ?

Ce champ de questionnement met en circulation une diversité de termes : systèmes multi-échelles, réseaux, ensembles, collectifs, écosystèmes... Leurs comportements sont décrits en termes d'organisation, d'auto-organisation, de propriétés émergentes, de processus spontanés. Au cours de cet atelier, les participant_es s’attacheront à déceler les métaphores à l’œuvre ici, les représentations véhiculées par ces mots et la manière dont les imaginaires s’immiscent dans leurs pratiques de recherche respectives. Comment de manière plus large, ces mots influencent nos façons de penser, d’étudier, d’agir dans les processus collectifs.

Au terme de cet atelier UIM invite à une séance de travail publique, afin de mettre en partage les outils et matières qui auront émergé au cours de cette rencontre et nourrir les réflexions sur nos manières d’être-ensemble, de collaborer, de créer des formes et des savoirs.

Cette séance publique aura lieu aux Laboratoires d'Aubervilliers le vendredi 28 octobre 2016, à 19h.





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Le projet reçoit le soutien de la Fondation Daniel & Nina Carasso.

 

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La Chorégraphie du travail


Aux Laboratoires d’Aubervilliers, la performeuse et vidéaste Romana Schmalisch développe un projet associant plusieurs médiums (installation, performance, vidéo) et propose une réflexion autour des relations qui unissent l’art et la production, lié à l’histoire et au site des Laboratoires et à son environnement: une ancienne usine de métallurgie fine implantée dans le territoire de la Seine-Saint-Denis, marqué par l’histoire industrielle et communiste.

La Chorégraphie du travail est le titre d’une série de conférences-performances qui se développera ensuite sous la forme d’un film. Le projet questionne la relation entre le travail et l’art, abordant des problématiques telles que la représentation des processus de production et les relations de pouvoir dans le film, l’utilisation de formes artistiques dans les mouvements ouvriers, la manière dont les méthodes artistiques furent utilisées en vue d’accroître la rentabilité de la production industrielle, ou encore les principes qui sous-tendent les programmes de formation dans les agences pour l’emploi. En reconstruisant différentes interconnexions entre ces éléments de réflexion, selon une perspective à la fois historique et contemporaine, La Chorégraphie du travail tend à enquêter sur les liens existants entre les sphères du travail et de l’art. Cette réflexion sert également de point de départ pour reconsidérer le rôle du corps dans l’art/le film/la production – quand le corps est compris comme un espace d’investigation et d’expérimentation pour la mise en place de stratégies d’efficacité et d’éducation.

Le journal "Notes sur les mouvements" accompagne le processus de recherche et de production, et présente notes d'intention, matériaux collectés et discussions avec les différents interlocuteurs rencontrés durant un an (voir article ci-contre).


Projet réalisé avec le soutien du Goethe Institut, du Département de la Seine-Saint-Denis et de Khiasma.

Mots-clés: 

  • résidence
  • arts visuels
  • film
  • 2013-2014
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