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30 mai au 5 juin 2016 / Psychotropification de la société

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Printemps des Laboratoires #4
Psychotropification de la société



Mad Marginal Charts de Dora Garcia reproduit sur le mur du hall des Laboratoires d'Aubervilliers pour le Printemps des Laboratoires #4,
les samedi 4 et dimanche 5 juin 2016




Sous l’intitulé Psychotropification de la société, l’évènement du Printemps des Laboratoires, se propose pendant une semaine, du 30 mai au 5 juin, d'ouvrir à un plus large public et de développer en présence de nombreux intervenants - artistes, chercheurs et acteurs concernés - les recherches menées depuis octobre 2015 (en particulier via des ateliers de lecture quinzomadaires et du séminaire « Pratique de soin et Collectifs ») sur la
« psychotropification de la société ».

L’expression Psychotropification, associant les termes « psychopharmacie » et « tropisme », désigne l’accroissement exponentiel de la médicamentation dans le cadre du traitement des troubles mentaux. En pointant ce
« tropisme » notre intention est de démontrer que derrière l’augmentation et la banalisation des prescriptions médicales s’érige une idéologie normative qui infiltre et dirige les sociétés contemporaines, préoccupées par la liberté d’action à conférer à l’industrie pharmaceutique plutôt qu’aux individus qui les composent. Via des projections, conférences, performances, tables rondes et ateliers, nous tenterons durant une semaine de cerner les différents paradigmes que recoupe la problématique de la Psychotropification.

Nous sommes partis du constat d’une influence grandissante de l’industrie pharmaceutique, rejoint par certaines dérives psychiatriques enclines à réduire les individus à leur pathologie et à classifier l’humain selon des catégories de diagnostics médicaux. À l’inverse nous souhaitons, au cours de ces journées de mai et juin 2016, ouvrir à la possibilité d’être multiple et de réinventer des manières de vivre ensemble, en nous appuyant davantage sur l’acceptation d’expériences perceptives propre à chacun que sur la raison qui nous gouverne. Faisons de la place à nos morts et à nos invisibles, à nos visions, nos chimères et nos hallucinations, comme parties prenantes de nos constructions identitaires. Postulons des modes d’existences hétérogènes et non nécessairement rationnels, lesquels peuvent trouver des formes de cohabitations entre elles. Donnons la parole à des expériences différentes, à nos “devenir-minoritaires”, pour résister à un monde happé par la seule ambition d’efficacité et de rentabilité.

Pendant le week-end du 4 et 5 juin, la parole revient à ceux qui se sont engagés dans une critique des effets destructeurs de cette médicamentation (pour une sortie de la sentence médicale, contre l’imposition d’un modèle unique de corps et de comportement), à ceux qui se sont formés en collectif (le Réseau Français sur l’entente de voix, le collectif Dingdingdong) afin d’envisager un autre rapport à leur maladie que celui établi par les institutions, à ceux qui rendent à sa complexité et multiplicité la relation entre les vivants et les morts, à ceux qui ont renouvelé les méthodes thérapeutiques et les institutions (le réseau Cévennes par Fernand Deligny, la Clinique de La Borde par Jean Oury et Félix Guattari, le Centre d’ethnopsychiatrie Devereux par Tobie Nathan). Autant de questions abordées qui rejoignent les enjeux de la création artistique et nous amènent à explorer de plus près le lien fécond entre art et folie et les mécanismes de création qui en découlent. Le public est également convié à participer à des ateliers et performances : la performance chamanique de Grace Ndiritu conçue comme un recouvrement thérapeutique de l'âme par l'esprit collectif, l’atelier d’activation idiorythmique pour un enchevêtrement des sons et des mots proposé par Silvia Maglioni et Graeme Thomson, la création d’un lieu “repère” pour imaginer ensemble des pratiques collectives de soin porté par Josep Rafanell i Orra, dans la continuité du symposium qui s’est tenu aux Laboratoires entre janvier et mai dernier.

Des propositions hors les murs précéderont et prolongeront ces deux journées d’évènements : Le Café des Voix, projet artistique de Dora García, implanté au Pas si loin, café à Pantin, et animé en partenariat avec le Réseau Français sur l’entente de voix REV, ou encore la projection au cinéma d’art et d’essai albertivillarien Le Studio du dernier film, Disappear One, de Silvia Maglioni et Graeme Thomson, réalisé en collaboration avec des membres de la compagnie de théâtre UEINZZ.

Pendant ces deux jours, nous chercherons la langue apte à rendre justice aux différents acteurs qui se sont saisis de ces problèmes (des survivants? experts? militants ? concernés? usagers?), nous porterons attention aux termes employés dans le cadre de thérapies ou d’expériences de vie (maladie ? soin? guérison? rétablissement?), nous expérimenterons ensemble la question de l’art comme espace de coexistence, de résistance, d’invention et d’outillage, d’intégration et de déploiement d’une folie ordinaire.

Alexandra Baudelot, Dora García, Mathilde Villeneuve
(Co-directrices des Laboratoires d’Aubervilliers)


Avec la participation de : Rossella Biscotti (artiste), Jean-François Chevrier (historien de l’art), Anne Collod (danseuse et chorégraphe), Jean-Marc Dupaz, Rémi Eliçabe et Amandine Guibert (sociologues), Florent Gabarron-Garcia (psychanalyste), Dora García (artiste), Emilie Hermant (écrivain), Silvia Maglioni et Graeme Thomson (artistes), Magali Molinié (psychologue clinicienne), Tobie Nathan (professeur émérite de psychologie clinique), Grace Ndiritu (artiste), Josep Rafanell i Orra (psychologue clinicien), Valérie Pihet (chercheuse), Bárbara Rodríguez Muñoz (commissaire), Pticarius (explorateur curieux), François Thoreau (chercheur postdoctorant), Alexandre Vaillant (psychologue clinicien) et Veronica Valentini (commissaire et chercheuse).

 

 

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Les dates du Printemps des Laboratoires #4


Le Café des Voix
Du 30 mai au 3 juin 2016 au café Pas si loinà Pantin
(1, rue Berthier / 93500 Pantin)


Projection de Disappear One de Silvia Maglioni et Graeme Thomson
Jeudi 2 juin 2016 au cinéma Le Studio à Aubervilliers
(2, rue Edouard Poisson / 93300 Aubervilliers)


Psychotropification de la Société
Plateforme publique aux Laboratoires d'Aubervilliers
(41 rue Lecuyer / 93300 Aubervilliers) - Metro QuatreChemin ligne 7

Samedi 4 juin 2016, de 9h30 à 23h
Dimanche 5 juin 2016, de 10h30 à 18h30

ENTREE LIBRE



Dora García, Mad Marginal Charts, depuis 2014, crayon sur papier




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La quatrième édition du Printemps des Laboratoires a reçu le soutien de l'Adagp. Le Café des Entendeurs de Voix est un projet réalisé en partenariat avec le Café Pas si loinà Pantin et la projection du film de Silvia Maglioni et Graeme Thomson au cinéma Le Studio à Aubervilliers est réalisée en partenariat avec Spectre Productions.

 

 

 

 


Présentation

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L'ECOLE DE MARINELLA SENATORE


La pratique artistique de Marinella Senatore se caractérise par la participation active du public. Partout où elle est invitée, Marinella Senatore convoque des communautés entières, qu’elle implique massivement dans ses projets, amenant chacun à révéler son potentiel créatif et à reconstruire un dialogue entre histoire orale, culture et structures sociales.

En 2013, elle fonde The School of Narrative Dance, une école itinérante et gratuite proposant un système d’éducation alternatif basé sur l’émancipation et l’autoformation. Sans lieu physique défini, le projet apparaît sous différentes formes selon les espaces qu’il occupe temporairement. Cette école multidisciplinaire se focalise sur la narration et offre un large éventail d’« expériences » et de leçons sur la littérature, l’histoire orale, la menuiserie, l’histoire de l’art, l’artisanat, la photographie, l’arithmétique, le théâtre, la danse, etc. Elle peut rassembler plusieurs groupes et communautés pour célébrer la grande variété de compétences et de talents que chacun peut offrir ou développer. L’école a déjà vu la participation de milliers de personnes dans plus de sept pays, dont des activistes politiques, des artisans, des analphabètes, des étudiants, des femmes au foyer, des syndicats, des sociétés de secours mutuel, des retraités, des enseignants.

À Aubervilliers, l’artiste propose de déployer avec les albertivillariens cette plateforme ouverte. Le projet s’élaborera au gré d’ateliers ouverts à tous qui sont entre autre intitulés « dramatique », « langage et cinéma », « lire et écrire », « histoire orale ». Et cela afin d'encourager le partage des biens et des activités entre voisins, de penser les « communs » via des situations d’apprentissage réciproque et de tendre vers la co-production d’une oeuvre dont la forme a été déterminée de manière collective par Marinella Senatore et les participants eux-mêmes. Ce sera donc une Opérette dont la représentation publique aura lieu le samedi 26 mars 2016 aux Laboratoires d'Aubervilliers.

Pour démarrer ce projet collaboratif, Marinella Senatore a présenté l'école et les ateliers à tous le samedi 23 janvier 2016 à 14h à l'occasion d'une Journée Portes Ouvertes et autour d'une collation. A la suite de cette première rencontre, L'Ecole de Marinella Senatores'est installée aux Laboratoires d'Aubervilliers proposant une série d'ateliers permettant à tous de venir partager ses savoir-faire et connaissances, tout comme d'apprendre ou d'expérimenter des pratiques artistiques. Par ailleurs, un atelier d'écriture à raison de trois rendez-vous hebdomadaires a progressivement et de manière collaborative imaginé et construit la structure et la narration de l'évènement de restitution, une MétallOpérette

 
Durant la vie de L’École de Marinella Senatore aux Laboratoires d'Aubervilliers, une rencontre entre l'artiste et les étudiants de Marie Preston à Paris 8 a été organisée. Cette rencontre s'inscrivait plus largement dans un cours intitulé "Expériences et territoires : des pratiques artistiques collaboratives", intégré au programme de recherche sur les pratiques de co-création. Une captaion audio de cette rencontre est disponible ici : Intervention de Marinella Senatore aux Laboratoires.
La rencontre s'est déroulée en langue anglaise, ponctuée de traduction française.

 

 




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Le projet de Marinella Senatore développer aux Laboratoires d'Aubervilliers, De l'Ecole de Marinella Senatore à MétallOpérette, a reçu le soutient du Département de la Seine-Saint-Denis, de la Thalie Art Fondation et de la Dena Foundation. Il a également reçu l'aide précieuse de la Direction de la Communication et de la Direction des Affaires Culturelles de la Ville d'Aubervilliers.


 

 

Présentation

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Volmir Cordeiro


Volmir Cordeiro, danseur et chorégraphe né au Brésil, est présent aux Laboratoires depuis août 2015 pour avancer un travail de recherche.

Dans le cadre d’une thèse à l’Université Paris 8, département Danse, il poursuit une recherche sur les figures de la marginalité dans la danse. Une étape de cette recherche consistera à interroger les modalités d’analyse de certaines œuvres chorégraphiques, celles notamment constituant le corpus de sa thèse-création, à partir d’un travail de reconstruction gestuelle mis-en-scène.

L’enjeu est celui de passer de l’écriture au geste, à travers l’exercice de reconstitution sur le plateau de l’œuvre analysée, afin de complexifier les rapports entre description et performativité. Des modalités formelles et des procédures créatives liées au travail du danseur sont convoquées pour trouver le juste déplacement de l’ « œuvre vue » à l’ « œuvre vécue », dans une recherche qui poursuit le pouvoir des mots à l’égard de la rencontre avec la danse. L’objectif sera d’approfondir la perception et la lecture d’un geste par son incarnation fictive, physique et sensorielle qui passe autant par l’écrit que par l’expérience du corps sur scène.

La vie et le sentir du « studio » configurent une approche aux œuvres qui déterminent les façons de l’appréhender, afin de les mystifier grâce au pouvoir de l’énigme déclarée lors des altérations dues aux changements des médiums.

Il sera question de regarder la vidéo de l’œuvre au travail, de la transcrire, de la vivre corporellement, de l’écrire et puis de réécrire l’expérience, jusqu’à faire d’un tel processus une forme de procédé par intensification critique du corps du danseur devant l’œuvre chorégraphique. O samba do crioulo doido (La samba du noir fou), pièce du chorégraphe brésilien Luiz de Abreu fera partie de ce corpus, laquelle fonde cette démarche qui consiste à éprouver le geste d’une œuvre comme stratégie pour le rendre parlant, puis analysé.



Présentation

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Les Talents d'Aubervilliers

 

 

With all her public actions Czech artist Kateřina Šedá seeks to foster an exchange between residents and their everyday environment. The artist’s project is grounded in social inquiry, and her practice connects the urban context, everyday life, private relationships and the political, orchestrating actions that take shape in public space. Located somewhere between precise instructions and a space of improvisation, her projects engender both minor and major events.

Kateřina Šedá will begin her residency at Les Laboratoires d’Aubervilliers in September 2016; she will be inviting Aubervilliers residents to participate in a talent contest, open to all forms of talent. Once enrolled, the residents of the commune of Aubervilliers who wish to express a talent will be invited to present their talent before a panel of judges made up of local figures. The winners will have their name engraved on the pavement of a street in Aubervilliers, like the ‘Walk of Fame’ on Hollywood Boulevard in Los Angeles. In the Aubervilliers context, this ‘walk of fame’ will be a tribute to the diversity and richness of the residents’ talents and histories, and will be an opportunity to share and preserve them like a notable memory with all those who walk in the chosen street. Far from being a typical competition, the contest will be an opportunity for residents/participants to meet and exchange with one another.


« My intention with this project is to try to alter a certain state of things. There’s a Japanese proverb that states that “The capital is where you live”. By fully identifying this sentiment, I would like to show not only the inhabitants of Aubervilliers but also those from surrounding areas that there are unique people living here and that this town is as interesting as any other. I would like to create a specific site in the town that highlights its unique quality.

I drew my inspiration from a very different kind of place, a place most people dream about living in: Hollywood, in the United States. One of its key symbols is the ‘Walk of Fame’ on Hollywood Boulevard (a ‘sidewalk’ stretching for approximately 5 or 6 km, featuring more than 2000 five-pointed stars with the names of celebrities). By organising this contest and creating a non-traditional monument in public space, I would like to bring something similar to Aubervilliers.

Dans la mesure où cette commune proche de Paris n’est pas le lieu de résidence des stars de cinéma, il fallait trouver d'autres critères pour déceler les “stars” locales. Nous avons trouvé notre inspiration via le modèle populaire du programme de télévision "America‘s Got Talent". De la même manière que, dans ce programme, la recherche des talents se déroule à un niveau national, nous allons partir à la recherche de "talents" dans tout Aubervilliers. Ce programme met en avant le fait que tout le monde possède un talent, et qu’il suffit de le déceler. Tout le monde aura donc une chance de révéler son talent, afin de peut-être devenir une star dans sa catégorie et d’obtenir sa propre étoile dans l’une des rues d'Aubervilliers.

Insofar as this town, in the outskirts of Paris, is not home to film stars, I needed to find alternative criteria for identifying local ‘stars’. We were ultimately inspired by the popular TV programme ‘America’s Got Talent’. Like the programme’s nation-wide selection process, we will be seeking out talents across the commune of Aubervilliers. The programme highlights the fact that everyone has a talent that simply needs to be discovered. In this way, everyone will have a chance to reveal their talent, to perhaps become a star in their particular category and be awarded their own star in one of the streets of Aubervilliers.

Whereas in Hollywood, camera work or directing are the ways in which people get invited to socialise with celebrities, in Aubervilliers this might be achieved more modestly by making a fantastic cake, or a painting, a well-trained dog, a knitted cardigan, and so on. At the end of the contest, the judges will decide which participants will be awarded a star on the Aubervilliers walk of fame ».


Kateřina Šedá, January 2016




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Kateřina Šedá is in residency at Les Laboratoires d'Aubervilliers from September 2016 for a participative project entitled Aubervilliers' Got Talent (Aubervilliers a du talent).

 

 

 

MANIFESTE / La Folie des Plantes

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MANIFESTE / La Folie des Plantes


EDITO //
Indésirables. Spontanées. Mauvaises. Adventices. Envahissantes. Stupéfiantes. Interdites.



Un jardin n’est pas la nature. Il s’y joue des dynamiques similaires à celles en marche dans notre société. On considère certaines plantes néfastes, invasives, on en aime d’autres parce qu’on les trouve esthétiques, rentables, rares. Le jardin est une plateforme migratoire, une gare, un aéroport, une douane. La dynamique qui s’y déploie est activée par une main invisible(1), celle du jardinier.

Qui est de la nature ? Cela fait bien longtemps qu’elle n’est plus définissable ni simplement théoriquement, ni concrètement, puisque l’Homme a très vite pris la relève sur une organisation naturelle. Avec l’avènement de l’agriculture au Paléolithique, la maîtrise de la terre est devenue une question de survie. C’est bien parce que nous avons maîtrisé la production des plantes et organisé des parcelles, que le milieu est devenu productif et de plus en plus anthropisé. C’est sur une seule et même parcelle organisée de manière pure et autonome, que l’on a fondé l’agriculture. Agriculture qui sauva l’humanité de la famine et favorisa l’aménagement d’un territoire urbain, le surplus de production servant alors à marchander. Des lieux pour vendre et acheter se sont avérés nécessaires. C’est ainsi que des professions et la cité naquirent. Si au départ aucune distance ne séparait l’Homme de son environnement naturel(2) - il en faisait partie, en provenait -, l’usage qu’il en fit progressivement n’a pas tendu à valoriser les richesses de la terre. En s’affranchissant des richesses naturelles pour en créer des nouvelles, il s’est éloigné de sa propre nature. L’humanité a ainsi fait de l’espace environnant non plus une « nature » conjointe à l’Homme, mais un cellier où puiser des consommables non échangeables.


Colonisation par les plantes, colonisation de la nature

Avec la colonisation, vint le désir de répertorier toute la Nature. Ce à quoi s’adonna le botaniste. Souvent parti à l’autre bout du monde - l’exotisme des forêts lointaines découvertes une fois les mers traversées, attirant bien plus que le champ de pâquerettes voisin -  s’appliquait à récolter, trier, observer, comparer et classifier des essences de fleurs et d’arbres. Le fait de privilégier le voyage vers le lointain plutôt que la connaissance de notre environnement proche est un fait constaté depuis des siècles. La notion de « voyages » jadis n’existait pas, il s’agissait de « conquêtes ». De poser et imposer ses connaissances et ses approches du monde là où on allait. Plus c’était loin, plus cela élargissait le champ d’action du pouvoir. Ce pourquoi des botanistes embarquaient dans des expéditions militaires. Tout connaître, c’était tout posséder. Le botaniste, curieux par nature, à l’affût de nouvelles plantes à découvrir, quelle que soit l’étendue de ses connaissances et l’assiduité de son travail, ne pouvait à lui seul tout répertorier. Néanmoins il s’y est engagé, a taillé, observé à la loupe et rapporté des échantillons et collectes vers le vieux continent.  Elles seront plantées dans les jardins du museum et conservées dans les étagères et herbiers géants. Détachées de la terre qui les a vu naître, de l’oiseau qui mangeait leurs graines pour qu’elles puissent se reproduire, de la mouche qui grignotait leurs parasites. Elles seront soignées par des jardiniers qui les alimenteront avec des engrais et les multiplieront dans des serres. Plus tard, adaptées à leur nouvel environnement et appréciées des visiteurs, elles seront commercialisées.

Plusieurs botanistes avec lesquels je me suis entretenue me soutiennent que ces échantillons sont conservés comme un patrimoine génétique pour pouvoir être ressortis dans le futur en cas de besoin. Qu’ils sont garants de l’écosystème aussi. Je ne m’attarderai pas sur la vague définition faite de ce « futur » et ce « besoin » qu’ils convoquent. Mais rappelons tout de même qu’un écosystème ne comporte pas en lui que des « espèces » (biocénose) : il n’est pas constitué que de flore et de faune, mais aussi  de bactéries en symbiose, d’échanges gazeux sous terre, de molécules au dosage précis, de pression atmosphérique particulière, en quelques mots par d’autres paramètres invisibles, riches et méconnus (biotope). Or dans la conservation ces dernières données manquent. Le sujet est conservé de manière isolée, comme un être unique se suffisant à lui-même.


Quelle réparation possible ?

Se revendiquant maître de son espace, il en dicte la réparation à mener. Paradoxalement, en créant cette forme de justice réparatrice,l’humain appose au reste des êtres le hiatus qu’il s’est imposé à l’avènement de l’agriculture. À savoir, un rejet des liens factuels mais invisibles qui lient l’immatériel à la matière. Ainsi les reconstructions de tel ou tel paysage ou écosystème, avec telle ou telle espèce, ne seront jamais qu’approximatives, voire décoratives, puisqu’elles se doivent d’avoir une délimitation physique, soit une cage. Au pire, il s’agit parfois de remplacer un paysage par un autre, ces parcelles reconstituées prenant la place d’autres paysages in situ. La chaîne peut être infinie. En attendant, l’arbre de 30 mètres est conservé dans un tiroir d’un museum, où l’on a séquencé son génome (dans le monde des humains, un géant peut tenir dans un tiroir). Pendant ce temps là, on pille la forêt, détruit chaque arbre un à un, dévaste l’humus qui a mis des millénaires à se former, engloutit dans leurs machines destructrices plantules, graines et arbustes, qui pourtant constituent une niche écologique pour les espèces animales, du plus petit insecte au plus grand singe. Ceci dit, il n’est pas besoin d’être une forêt verdoyante et luxuriante pour être pillée. Le même sort est réservé aux étendues de savane ou de désert, montagnes ou plages, tout aussi garantes d’une multitude d’espèces végétales et animales, qui doivent faire face à l’avancée des infrastructures urbaines. Cette nature « invisible » est aussi une nature en danger ; elle est plus difficile à répertorier certes, et pourtant des plus importante. Car c’est en secret que tout se conjugue à la perfection. Bien sûr les changements sont nécessaires et là où il y a la vie rôde aussi la mort. Mais que ferons-nous quand il ne restera plus d’espaces non régis par l’homme ? Y en a t-il encore seulement ?


Une nature muséifiée

Les parcs nationaux nous offrent des vues exceptionnelles de la vie sauvage. On peut y observer des plantes centenaires, des parties chasse animales. Mais le tout dans un périmètre délimité. On conserve à l’intérieur et détruit à l’extérieur. À l’intérieur on vaccine les animaux et taille les plantes dangereuses. La logique prescriptive et de mise à distance utilisée par le capitalisme est dans toute sa splendeur représentée dans ce paysage d’apparence sauvage. On peut garer la voiture le long d’une route pour y observer des points de vues choisis par les technocrates du parc, pique-niquer au bord du bitume sur une table fabriquée dans un bois étrangers aux arbres du parc. Qu’est-ce qui légitimise la vie d’une espèce plutôt qu’une autre à l’intérieur du parc ? Que fait la plante située en dehors du périmètre ? Celle qui ne fait pas partie du pourcentage compensatoire ?  Elle risque l’élimination pure et simple. À moins qu’un musée l’ait répertoriée. Mais une fois qu’on sortira du tiroir à l’instant-t, sera-t-elle en mesure de s’adapter aux gaz atmosphériques, à la température, à la lumière ?

Le musée ne se limite donc pas au bâtiment, au monument que l’on visite trois fois l’an. La planète même est désormais un musée. Tout est conservé, décrit par les experts en botanique, en agronomie, en zoologie. Rien n’est laissé au hasard, rien n’existe de manière désintéressée. Si telle plante résiste à l’avancée du béton et d’autres matières imperméables, elle deviendra probablement garante d’une dynamique écosystémique nouvelle.

Plantes sorcières

Qu’en est-il si nous considérons les plantes comme une communauté à part entière, avec les mêmes dynamiques intrinsèques que le restes des êtres vivants? La communication entre les plantes est de plus en plus étudiée. Le botaniste Frantisek Baluska officiant à l’université de Bonn, considère que « les similitudes entre les racines végétales et le cerveau animal vont très loin sur le plan structurel et moléculaire ». Il parle même de « neurobiologie végétale ». Les plantes auraient ainsi une sensibilité à la musique, une mémoire et même l’esprit de famille.
Leur capacité à communiquer, quand bien même elle serait chimique, est-elle la même pour toutes ? Voici que je ne regarde plus les massifs(3) de la même manière, je m’interroge sur leur possible mécompréhension entre elles ! Et je me dis que si elles ont l’air de bien pousser, de fleurir, cela signifit-il qu’elles apprennent le langage de l’autre ? Les plantes seraient-elles munies du don d’empathie ? Les plantes elles-mêmes communiquent, se révoltent peut-être même, et bravent les frontières.
Les graines, à l’instar des Hommes, voyagent. Les flux migratoires depuis la fonte des glaciers nous permettent d’observer et de profiter des plantes que nous avons aujourd’hui. Pour les plantes, il n’y a pas de frontières administratives. Leurs seules contraintes pendant leur périple sont les barrières physiques, montagnes, rivières, autoroutes ou la faim qui tiraille les animaux. Leur unique défi est de se maintenir intactes afin de pouvoir germer et se développer vigoureusement. Malheureusement, des lois existent pour interdire ces voyageuses. Lorsque l’on va ou revient d’Australie, le moindre pépin, la moindre bouture est scrutée et doit rester sur le sol. Étonnant, quand on sait que la Banksia ericifolia par exemple, plante que l’on observe essaimer dans les jardins du sud de la France, nous vient tout droit d’Australie.

Le jardin est dirigé par le jardinier. Le jardin planétaire(4), celui où la limite est l’horizon, aussi. On choisi si telle ou telle plante peut continuer à vivre à cette place-ci. S’il faut la tailler, la déplacer, la conserver ou la supprimer.
L’espace n’est pas le seul facteur. En plus de la disparition physique de lieux recueillant un écosystème construit de faune et de flore, la déchéance de la nature arrive autrement. La création scientifique de nouvelles essences commercialisables se heurte paradoxalement à l’interdiction de certaines plantes. Les vertus de certaines de plantes sont connues depuis des millénaires. Beaucoup d’entre elles sont endémiques et ont des caractères spirituels ou guérisseurs. L’interdiction de ce savoir est tout aussi inquiétante que la destruction de la plante elle-même. Une plante non utilisée est une plante oubliée. Depuis ce point de vue rationnel en prise avec la seule logique économique, l’Homme interdit un grand nombre de plantes, qu'il s'agisse de légumes ou de plantes médicinales. Elles sont classées « indésirables », « adventices » ou « mauvaises herbes ». Pourtant c’est notre ignorance envers elles qui a fabriqué notre dégoût. Par exemple, les plantes médicinales, nombreuses, ont été utilisées depuis des siècles par les femmes qu’on accusa de « sorcellerie » en référence à leur pouvoir de guérison, et leur capacité à manier les potions et assemblages de plantes. 
Mais une plante illégale c’est de la marginalisation gratuite. La plante, elle, n’a rien demandé, et sous prétexte qu’elle apaise les douleurs de la chimiothérapie, que nous la trouvons aisément dans nos prés, qu’elle ne soit pas en possession d’un laboratoire pharmaceutique, devient illégale. Si on ne lui attribue pas une valeur monétaire et marchande, une plante ne vaut-elle donc rien ? Si elle n’est pas vendue par Truffaut, implantée dans un parc naturel national ou utilisée par un laboratoire pharmaceutique, n’aurait-elle aucune valeur ? La main invisible préfère se gaver et chasser les plantes guérisseuses et les sorcières plutôt que de tenter de toutes les utiliser comme il se devrait. Si l’on apprenait à en connaître leurs vertus, on permettrait leur survie. Non pas une survie par défaut, non pas une vie de remplissage d’un espace anthropisé, mais une vie de sens. Qui permettrait aussi leur adaptation. Tout comme l’Homme s’adapte au cours des siècles au changement de nourriture, à la modification de l’espace avec la disparition de terres, les plantes ont cette même capacité. Préférons profiter ne serait-ce que deux ans de l’existence d’une plante, plutôt que de ne jamais la voir ou attendre son hypothétique réintroduction orchestrée, dans un milieu reconstitué. Les phrases de bienséance et de rachat des bonnes consciences concernant les nécessaires dynamiques de protection et de conservation valorisées par le système financier actuel nous séparent toujours de l’essentiel : nous sommes la nature.


J’ai l’immense plaisir de vous laisser ici découvrir les textes, dessins et productions originales des participants qui ont suivi les ateliers de l'année 2015-2016, programmés aux Laboratoires d’Aubervilliers.
Aux participants, pour leur confiance, échange de savoirs et attention, j’adresse un grand merci.

Chaleureusement,
Ingrid Amaro
coordinatrice de La Semeuse de septembre 2013 à avril 2016




ACCES au MANIFESTE / La Folie des Plantes
suite aux ateliers de Réflexions Militantes inités par Ingrid Amaro




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Ce texte, choisi pour l'Edito du Manifeste / La Folie des Plantes, constitue l’introduction de la recherche artistique d'Ingrid Amaro. Il traverse des idéaux et liens de l’Homme à son environnement de manière non exhaustive, mais permet de poser les jalons des problématiques traitées en groupe pendant les ateliers de Réflexions Militantes qui se sont tenus aux Laboratoires d’Aubervilliers. Via le projet Floral Prevention Office, Ingrid Amaro continue à explorer et à réaliser des ateliers pour mettre à nue les relation de l’Homme à la nature, dans l’objectif de le retrouver en elle. Nous vous invitons à suivre le projet sur www.floralpreventionoffice.net


 

1-.  Main invisible - se distingue du capitalisme - : il s’agit du concept de bénéfice économique entre autre, dans un but d’extériorisation et étant lui potentiellement positif.   

2-.  Ce texte prend en compte le concept de transcendantalisme nommé et théorisé par Ralph Waldo Emerson in Nature (première édition en 1836). Voir la nature à travers des croyances et une vision non-traditionnelle. Il s’agit d’accepter et de critiquer le fait que l’humain ignore tout de la nature, incluant la sienne propre, et d’en réeduquer son appartenance à elle.   

3-. Massifs de La Semeuse, de la ville, jardins de particuliers. En somme, tous les espaces constitués et plantés par l’Homme.   

4-.  Référence au concept nommé par Gilles Clément.

t(OUT)e une nuit - Comité Nocturne #2

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8. Juillet 2016 - 0:00» 9. Juillet 2016 - 6:00
Vendredi 8 juillet 2016, de minuit à 6 heures

DARK MATTER CINEMA
t(OUT)e une nuit - Comité Nocturne #2 



 

Pour le deuxième rendez-vous du comité nocturne, Silvia Maglioni et Graeme Thomson, en résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers depuis novembre 2015, convoquent les esprits tutélaires de Jacques Rivette et Chantal Akerman. Ils vous convient à faire l’expérience d’une nuit hypnagogique nourrie de visions collectives et à plonger dans l'infra-dimension de l'image cinématographique.

Ensemble, nous poursuivrons et démultiplierons en petits cercles les lectures du Tarot Dark Matter Cinema, jeu de cartes fabriqué par les artistes à partir de photogrammes extraits de leur mémoire cinématographique.

La séance sera constellée de projections, de lectures, d’ambiances sonores et d'autres surprises, avec des invités spéciaux ou spectraux, à la recherche des lucioles perdues d'un cinéma de la nuit, traversant les univers de quelques auteurs (Welles, Monteiro, Ophuls, Eustache, Lang, Bresson, Ruiz, Godard, Bene et Garrel, parmi d'autres) qui ont reçu « en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de leur temps ».

Ce rendez-vous se terminera à l'aube, avec un petit déjeuner offert par Les Laboratoires d’Aubervilliers.

 
Merci de bien vouloir arriver à l'heure, l'événement commencera à minuit.

 

ENTREE LIBRE SUR RESERVATION
par email à reservation@leslaboratoires.org ou au 01 53 56 15 90


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t(OUT)e une nuit - Nocturnal Committe #2

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8. Juillet 2016 - 0:00» 9. Juillet 2016 - 6:00
Friday 8th July 2016, from midnight to 6 am

DARK MATTER CINEMA
t(OUT)e une nuit - Nocturnal Committee #2 



 

For the second gathering of the Nocturnal Committee, summoning the tutelary spirits of Jacques Rivette and Chantal Akerman, Silvia Maglioni & Graeme Thomson invite you to join them in an all-night-long experiment in collective hypnagogic vision, plunging into the infra-dimension of the cinematographic image.

In small circles we shall be pursuing and multiplying our readings of the Dark Matter Cinema Tarot, a pack the artists have created using still-frames drawn from their own cinematic memory.

he session will be starred with projections, readings, sound-environments and other surprises, including the odd mystery guest or ghost, all in search of lost fireflies of a cinema of the night, traversing the universes of a number of filmmakers (Welles, Monteiro, Ophuls, Eustache, Lang, Bresson, Ruiz, Godard, Bene, Garrel among others) whose eyes have been struck by the beam of darkness that comes from their own time.

The meeting will end at dawn with a breakfast offered by Les Laboratoires d'Aubervilliers.

 
Thank you kindly to arrive on time, the event will begin at midnight.

 

FREE ENTRANCE, BOOKING REQUEST
by email at reservation@leslaboratoires.org or at 01 53 56 15 90


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PRINTEMPS DES LABORATOIRES #4 EN LIGNE / ONLINE

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La quatrième édition du Printemps des Laboratoires, organisée les 4et 5 juin 2016, a rassemblé psychologues, psychanalystes, historiens, chercheurs, artistes, activistes ainsi qu'un large public autour de la thématique Psychotropification de la Société afin d'interroger ensemble le phénomène d'accroissement exponentiel de la médicamentation dans le cadre du traitement des troubles mentaux.

Une grande partie des rencontres de ce week-end riche et dense ont été enregistrées. Les enregistrements sont consultables sur cette page.


The forth edition of the Printemps des Laboratoires, held on the weekend of the 4th and 5th June 2016, brought together psychologists, psychoanalysts, researchers, historians, artists, as well as a wider audience around the theme Performing Opposition to question the phenomenon of the exponential rise in the prescription and use of medication in the treatment of mental health disorders.

A large part of talks of this rich and dense weekend were recorded. It is possible to listem them below.




Samedi 4 juin 2016 / Saturday 4th June 2016

Introduction par Dora Garcia (artiste et co-directrice des Laboratoires) et présentation de la problématique de cette quatrième édition / FR

Intervention de Tobie Nathan (professeur émérite de psychologie clinique) : Pour une psychothérapie enfin démocratique... / FR

Table ronde avec Jean-François Chevrier (historien de l'art), Florent Gabarron Garcia (psychanalyste) et Tobie Nathan (professeur de psychologie) : Soigner les institutions : « présences proches », lieux de vie et institutions réinventées  / FR

Auprès du Naufrage, par Silvia Maglioni et Graeme Thomson (artistes) / FR



Dimanche 5 juin 2016 / Sunday 5th June 2016

Intervention de Veronica Valentini (critique et curatrice) : The Right to Be Unhappy / FR

Intervention de Magali Molinié (psychologue clinicienne) et Pticarus (explorateur curieux) :  Les morts, ça fait quoi ? / FR

Intervention de Jean-François Chevrier (historien de l'art) : L'hallucination artistique / FR

Intervention de Bárbara Rodríguez Muñoz (critique et cruatrice) : Au-delà du normal et du pathologique, programme de commissariat sur la notion d’effondrement artistique et la médecine / EN

Présentation par Graeme Thomson de l'atelier Idiorhythm (and Blues) par Silvia Maglioni et Graeme Thomson (artistes) proposé en conclusion de cette quatrième édition du Printemps des Laboratoires / FR





MANIFESTE pour un autre regard sur notre présent

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Manifeste pour un autre regard sur notre présent
par Ariane Leblanc, coordinatrice de La Semeuse



Aujourd'hui, le vivant est la nouvelle conquête du capital. L'enjeu est considérable puisque toutes les dimensions de l'humain sont concernées : santé, nutrition, éducation, reproduction.

Le capitalisme fait preuve d’une incroyable capacité à anticiper et à assimiler toutes formes d’idées afin qu’elles soient transformées ou détournées de leur objectif premier, tout en prenant soin de garder les populations dans une croyance aveugle grâce à la “bienveillance des lois du marché”.

Désormais, la course à la propriété passe par le dépôt de brevets qui définissent les droits nouvellement acquis et par des avocats qui les défendent. Encore a-t-il fallu pour cela que le vivant devienne brevetable. Jadis, seules les inventions pouvaient l'être, et non pas les découvertes. Aux États-Unis, le tournant date de l'année 1980 avec un arrêt de la Cour suprême qui a, pour la première fois, autorisé le dépôt d'un brevet sur un être vivant, en l'occurrence une bactérie transgénique. L'Europe a suivi. En juillet 1998, la directive européenne 98/44 sur les biotechnologies a rendu légale la brevetabilité des animaux, des végétaux et des éléments isolés du corps humain, comme les gènes, « toute matière biologique même préexistante à l'état naturel du moment qu'elle soit isolée de son environnement naturel ou produite à l'aide d'un procédé technique » peut être brevetable.

À supposer que le marché devienne une matrice d’organisation très étendue de la société, on déduirait que tout ce qui régirait notre environnement pourrait être considéré comme pouvant faire l’objet d’une transaction monétaire. Le bien commun de l’humanité qu’est la nature pourrait désormais être approprié à des fins de privatisation. Ces modes individuels ou collectifs d’appropriation ont une histoire, en particulier en lien avec les terres, les ressources en matières premières et en eau. Cela s’est développé avec les appropriations collectives des domaines afin d’en tirer un meilleur profil pour des certaines multinationales, comme Total par exemple qui investit dans le pétrole, les énergies renouvelables mais aussi dans la culture.

Il s'ensuit un déchaînement des luttes concurrentielles pour le contrôle de cette propriété, dont l'enjeu est l'expropriation du plus grand nombre de paysans et la constitution de chasses gardées des territoires par les multinationales. Les laboratoires occidentaux prospectent sur la génétique de la flore des pays en voie de développement et vendent à un coût dérisoire des brevets aux entreprises comme Monsanto ou encore Dupont-Pionner s’appropriant ainsi des plantes utilisées par les peuples indigènes depuis des siècles, les privant alors de la possibilité de les exploiter.

Fort de cette analyse, comment peut-on juger la situation contemporaine ?  Quelle confiance pouvons nous avoir en ce que nous consommons ? Comment peut-on penser notre société humaine sans valeurs humaines pour l’encadrer ? Faute de s’étendre sur le respect de la personne et de son environnement nous risquons de tout ramener à sa valeur productive, à celle d’un automate producteur et consommateur normalisé calculant en permanence l’optimisation de son bien matériel.

La diversité est une notion qui se réfère à la différence, à la variété. L’existence de la diversité du vivant est considérée comme un actif important pour l’humanité dans la mesure où cela a contribué et contribue à la connaissance que nous avons aujourd’hui de l’environnement dans lequel nous vivons. En effet la compréhension d’un objet de réflexion peut s’enrichir par la diversité des points de vue et l’ouverture du regard que nous portons sur lui.

La subjectivité inconsciente normalisée initiée par la culture capitaliste possède une fonction hégémonique qui produit des systèmes d’échanges unilatéraux. Proposée puis imposée, la culture de masse étouffe les dissemblances du vivant. Monsanto et Sygenta qui aujourd’hui forment la même entreprise contrôlent près de 50% des semences mondiales. Cela passe par une uniformisation des graines rendues stériles et vendues aux agriculteurs qui produisent à perte car ils sont obligés de racheter de quoi produire chaque année. L’objectif est la dépendance alimentaire car, il l’ont bien compris, le contrôle de la  production de la nourriture permet le contrôle des populations.

Entré en vigueur en 1995, l’accord sur l’agriculture de l’OMC vise à faciliter l’accès aux marchés, notamment par l’abaissement des droits de douane (de 36 % entre 1995 et 2000). Il a de fortes répercussions pour les pays pauvres, avec une hausse des importations au détriment de la production locale : selon la FAO, dès 2002 le Bangladesh avait doublé ses importations agricoles quand l’Afrique voyait sur ses étals l’arrivée massive de produits alimentaires de base importés. L’ouverture des marchés a en effet été réalisée dans des conditions très inégales : elle met en concurrence une agriculture intensive et spécialisée du Nord et de certains pays agro-exportateurs du Sud (Brésil, Thaïlande, Vietnam…) avec une agriculture familiale diversifiée et non aidée. C’est donc surtout l’agriculture industrielle qui sort gagnante : difficile d’en être concurrent quand les écarts de productivité entre agriculteurs africains et européens sont de 1 à 500.

La souveraineté alimentaire est un concept présenté par Via Campesina, réseau mondial d’organisations paysannes, lors du Sommet de l’alimentation de la FAO, qui s'est tenu à Rome en 1996. Il s’agit d’un droit international laissant la possibilité aux États ou aux groupes d’États de mettre en place des politiques agricoles les mieux adaptées à leurs populations sans impact négatif sur les populations d’autres pays. La souveraineté alimentaire s’oppose ainsi aux principes de l’OMC. Complémentaire de la sécurité alimentaire qui concerne la quantité d’aliments disponibles et l’accès des populations à ceux-ci, la souveraineté alimentaire accorde de surcroit une réelle importance aux conditions sociales et environnementales de production. Elle insiste sur le fait que les aliments ne sont pas que de simples biens de consommation car elle valorise les savoir faire traditionnels des paysans. Elle défend les systèmes alimentaires locaux afin de minimiser la distance entre producteur et agriculteur et de rendre la gouvernance au producteur.

Défendons nos producteurs locaux!
Reprenons le pouvoir sur ce que nous mangeons!
Rendons ses droits à la nature! 

Aujourd’hui, La Semeuse travaille à revaloriser le geste du troc. L’intention est de permettre à cette plateforme de recherche pour une biodiversité urbaine de devenir un lieu d’information et de réflexion sur les problématiques contemporaines des organismes génétiquement modifiés. La réappropriation de la production alimentaire passe par l’information de ce que les multinationales, liées aux politiques gouvernementales, imposent aux producteurs et par voies de conséquences aux consommateurs. Pour cela La Semeuse œuvre à mettre en place un réseau de troqueurs en île-de-France afin de favoriser l’échange des graines, des plantes, d’expériences. Ceci afin de générer entre et avec les participants du troc une indépendance de productions locales, mais aussi d’ouvrir à un public plus large ces questions afin de réaffirmer le pouvoir d’agir de tous. Des temps de réflexions et d’ateliers seront mis en place sur ces questions de la graine, de la plantation mais aussi de la nourriture, en s’appuyant sur les savoir-faire de chacun et en particulier des acteurs du quotidien d’Aubervilliers.


Paris, mai 2016

MANIFESTO for another perspective on the present

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Manifesto for another perspective on the present
by Ariane Leblanc, coordinator of La Semeuse



Today, the living organism is capital’s new arena of conquest. The stakes are high for every aspect of human life is involved: health, nutrition, education and reproduction.

Capitalism has demonstrated an incredible capacity to anticipate and absorb a multiplicity of notions in order to transform them and divert them from their original purpose, while maintaining the people’s blind faith in the good intentions of market laws.

Today, the property race operates through patents, defining newly acquired rights, and through the lawyers who defend them. But first the living organism had to be made ‘patentable’. Previously, patenting was reserved for new inventions as opposed to discoveries. In the United States, the turn dates back to 1980, when a judgment was passed at the Supreme Court authorising for the very first time the patenting of a living organism, a transgenic bacteria. Europe then followed suit. In July 1998, directive 98/44 of the European Parliament established the legal protection of animals, plants and isolated elements of the human body: “biological material that is isolated from its natural environment or produced by means of a technical process may be the subject of an invention even if it previously occurred in nature”, which is to say, it may be patented.

If the market were to become a very broad organisational matrix of society, we would conclude that everything that governs our environment can be the subject of monetary transaction. Nature, humanity’s shared property, could henceforth be appropriated and privatised.  These individual or collective modes of appropriation have a history, especially in relation to land, raw material and water resources. It developed through the collective appropriations of different spheres in order to give certain multinational companies a better image — like Total for instance, which invests not only in oil and renewable energy but also in culture.

This gives rise to open competition for the control of this property, translating as the mass expropriation of farmers and territories that become the private turf of multinationals. Western laboratories explore plant genetics in developing countries and sell patents at an extremely low price to companies such as Monsanto or Dupont-Pionnner, appropriating in this way plants that have been used for centuries by indigenous populations, thus precluding them from using them.

Based on this analysis, how might we apprehend the contemporary situation? To what extent can we trust what we consume? How can we apprehend our human society if there is no framework of humane values? In the absence of respect for human beings and their environment, we run the risk of reducing everything to the environment’s production value, that of a standardised production and consumption machine constantly calculating how to best optimise its material property.

Diversity is a notion tied to difference and variety. The diversity of living things is considered a key asset for humanity insofar as it has contributed and continues to contribute to our knowledge of the environment we inhabit. Indeed, we glean a better understanding of something by multiplying our perspectives on it.

The standardised, unconscious subjectivity that emerges with capitalist culture has a hegemonic function that produces unilateral exchange systems. Proposed and then imposed, mass culture suffocates the diversity of living things. Monsanto and Sygenta, now merged into a single company, control almost 50% of seeds in the world. The process involves standardising seeds, which are rendered sterile and then sold to farmers, who produce at a loss because every year they are obliged to purchase seeds in order to continue producing. The aim is food dependency, for the companies are perfectly aware that by controlling food production they can effectively control populations.

Put into effect in 1995, the WTO’s Agriculture Agreement aimed to facilitate access to markets, namely by reducing customs duties (by 36% between 1995 and 2000). The agreement had significant repercussions for poorer countries, with an increase in imports to the detriment of local production: according to the FAO, in 2002 Bangladesh had doubled its agricultural imports while Africa also witnessed the massive arrival of imported food products. The opening up of markets was indeed carried out in very uneven conditions: making intensive and specialised farming in the North and certain agro-exporting countries of the South (Brazil, Thailand, Vietnam…) compete with diversified, non-subsidised family farming. The principal victor in this configuration is therefore industrial farming: it is difficult to compete when the productivity gap between African and European farmers ranges from 1 to 500.

Food sovereignty is a concept that Via Campesina, an international network of peasant farmers, presented during the FAO’s World Food Summit in Rome in 1996. It refers to an international right allowing States and State clusters to implement agricultural policies the most suited to their populations and which do not have a negative impact on other populations. In this way, food sovereignty is at odds with the very principles of the WTO. Complimentary to food security, which concerns the quantity of food products available and the population’s access to them, food sovereignty also gives central importance to the social and environmental conditions of production. By valuing the traditional know-how and expertise of peasant farmers, the food sovereignty perspective stresses the fact that food products are not mere consumer goods. It defends local food systems in order to reduce the distance between producer and farmer and give control back to producers.

Let’s defend our local producers!
Take back control over what we eat!
Give back nature’s rights!

Today, the La Semeuse project is working to reassert exchange and swapping systems. The objective is to enable this research platform for urban biodiversity to become a site for information and reflection on contemporary issues relating to genetically modified organisms. The reappropriation of food production involves understanding what multinational companies, with their links to government policies, impose on producers and consequently on consumers. To this end, La Semeuse is working to establish a network of swappers in the Île-de-France (Greater Paris) region in order to foster the exchange of seeds, plants and experiences. The aim is to generate independent local production, among and with participants, but also to involve the broader public in these issues in order to reassert each individual’s capacity to act. We will be programming a series of reflection/discussion sessions and workshops on questions related to seeds, planting and food more generally, which will draw on participants’ know-how, especially those who make up the everyday life of Aubervilliers.


Paris, May 2016

État d'Urgence, Jouissance d'État

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23. Septembre 2016 - 19:00» 22:00
Vendredi 23 septembre 2016, 19h

 

N/Z #2 ‘s first public event

Alban Lefranc invites Christoph Hochhäusler


Stat of Emergency, State Jouissance

(screening of animation images / reading of statements)

 

Image of Porcherie by Pier Paolo Pasolini (1969)


The state of emergency is also the State’s jouissance, or enjoyment, constantly and pervasively parading its desire for the worst, the enjoyment of stating it (“this is it, here we go!” went the text message sent by a serving prime minister on the eve of the 13th November 2015), the enjoyment of announcing yet worse than the worst (for instance, that selfsame prime minister also promised there’d be some bioterrorist attacks, and he no doubt got a hard-on saying it).

We will try and fathom these discourses, these stagings of excited power, we will try to displace them, and to articulate them with other possible images and discourses, to no longer be subjected to them, to no longer stop at our exasperation.

The existing images only prove existing lies. We want to offer new montages, other potentials, to break with the morbid fascination for the worst which seems to have become the main affect of the « country of human rights ».

 

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Christoph Hochhäusler is a filmmaker. He has made four feature-length films (recently, Les amities invisibles, and Sous toi la ville). He is also one of the founders of the bi-annual journal revolver, which brings together several German directors to discuss practical issues relating to directing today. His cinema is marked by the question of power and domination.

Alban Lefranc  has published several imaginary lives, including one about Pialat, Fassbinder and Mohamed Ali. He also writes for theatre: Steve Jobs, corps aboli was staged recently by Robert Cantarella at the Théâtre Ouvert.

Marina Barré, teaches German and is also a French-German interpreter.

 

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Alban Lefranc is one of the section editors of the second issue of the N/Z journal : http://www.revuenz.fr/port_lefranc





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Séminaire / Pratiques de soin et collectifs / saison #2

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Séminaire Pratiques de soin et collectifs
Deuxième saison.


                                           Mais comment une mythologie nouvelle,
                                           qui ne saurait être l'invention d'un poète
                                           isolé, mais celle d'une nouvelle
                                           génération, représentant en quelque
                                           sorte un seul poète, pourra surgir
                                           d'elle-même, c'est là un problème dont la
                                           solution dépend uniquement des
                                           destinées à venir du monde et du cours
                                           postérieur de l'histoire.

                                           Friedrich Wilhelm Schelling,
                                           Le miracle de l'art.

   


Il me semble important de situer à nouveau la question du soin dans un paysage politique. Et ce paysage, on pourra l'appeler la crise, puisque elle nous est imposée. Et nous dirons avec d'autres que « la crise » n’est rien d’autre qu’un mode de gouvernement. Gouverner par la peur, par la mise en tension subjective, par la détermination d’identités sociales qui ne cessent en même temps d’être déstabilisées : voilà les nouvelles formes de gouvernementalité. L’impérieuse injonction à s’adapter à l’instable semble être devenu le mode de subjectivation promu par les institutions de gouvernance, à l’échelle des pays entiers, avec l'institutionnalisation de la précarité ou avec des lois d'urgence dévoilant le fondement policier de l'Etat. Ou encore à l’échelle des conduites individuelles, en faisant de la vie un travail anxieux de prospection. Voici que la seule communauté possible ne saurait -être que celle de l’expérience commune de la peur et de l’insécurité.   

Et pourtant nous savons que le mot crise est lié aussi, étymologiquement, au sens de prise de décision. Disons que la « crise » que nous vivons annonce des bifurcations inattendues comme autant de nouvelles voies d’émancipation. Et que nous sommes, à nouveau, de plus en plus nombreux, à le vouloir ainsi et à agir en conséquence : que l’on occupe des places, que l’on "déborde" dans les rues ou que l’on expérimente des formes de coopération. Ou tout à la fois.   

Il n’est plus possible d’en douter, l'illégitimité de ceux qui prétendent nous gouverner et de leurs institutions, augmente radicalement la possibilité de cultiver des arts pour ne plus être gouvernés. À la logique intégrative (que ce soit par les institutions du marché – le salaire et la folle production de valeur qui détruit la pluralité de nos milieux de vie –, ou que ce soit par les institutions étatiques qui fabriquent des parcours et des identités normées), nous pouvons opposer la fragmentation de ce que l'on peut appeler avec d’autres de nouvelles formes  de « communalité ». À la gestion de la population comme une totalité administrée,  on pourra opposer des fabriques de communautés singulières. À la délégation de nos besoins institués par toute une microphysique du pouvoir, on peut opposer l’attention vers la singularisation de notre vie commune.   

On peut dire alors que le soin se situe au bord de la politique. Ce sont le soin et l’attention qui permettront que les frontières de la politique deviennent poreuses. Il s’agit alors de porter notre attention à l’ensemble de processus d’individuation qui permettent de situer les formes d'instauration du collectif et, en les situant, de frayer des passages entre des mondes.  Le soin est en ce sens la fabrique des différences d’où émergent les processus de singularisation conjurant les tentatives d’une unification ontologique.   

Si nous adoptons l’hypothèse que la politique surgit là où se produit un processus de désertion des identités policières qui rendent possible l’administration d'un certain ordre social, cela veut dire aussi que l’apparition de nouveaux régimes de sensibilité et d’énonciation collective amorce la possibilité d'autres formes de communauté. Nous ne voulons plus d’un Sujet universel, serait-il le sujet de l’émancipation : nous savons le désastre auquel aura conduit l’instauration d’un sujet politique subsumant tous les autres formes plurielles de subjectivation.    

Misère de l’universalisme déjà fondé, conduisant à la désolante inattention au regard des milieux de nos coexistences. Soigner, guérir, ce sont des processus instituant la différence. C’est par des formes de transindividualité qu’émergent des nouveaux modes d’existence de l’expérience. Alors, une écologie du soin suppose l’expérimentation des relations avec les autres et les autres des autres : un tissage de relations. Il faut repeupler le monde de la variété infinie des relations entre les êtres. Prendre soin, c’est accompagner des formes hétérogènes de co-individuation.    

Ce qui nous intéresse donc, ce n’est ni "le tragique sujet du manque-à-être", ni le souci de soi boursoufflé par un idéal de santé, ni non plus l’individu hyper-compétent, frénétiquement "activé" dans l'adaptation au monde de l'économie. Ce qui nous importe ce sont les dispositifs d’expérimentation de rapports entre les êtres, humains et non-humains, qui fabriquent des nouveaux mondes ou qui inventent les manières d’hériter des mondes anciens. On ne soigne pas des « individus » ni des  « sujets » mais on prend soin des relations auxquelles nous appartenons. Ici, pas de sujet précédant la relation instaurée, pas de neutralité possible, pas de « témoin modeste » de l’objectivité du monde, selon les mots de Donna Haraway, mais un engagement commun dans des processus d’émancipation qui sont, simultanément, la singularisation de nos relations et un travail  collectif pour situer ces relations : l'instauration de lieux.   

Voici la tentative qui guidera le cycle de rencontres que nous proposerons lors de cette deuxième saison du séminaire autour du soin et des pratiques collectives. Faire exister des constitutions collectives plurielles, le partage de nos expériences, suppose aussi un exercice fragile et risqué de désassignation des identités déjà normées (celles reconduites par certaines formes de médecine, de psychiatrie, de psychanalyse, de sociologie ou de la justice). S'il s’agit de refuser le pastoralisme gouvernemental, ou la prétention pédagogique de quelques- uns à dicter aux autres les manières de ce que serait une bonne émancipation, c'est que le soin est une fabrique de la différence.
   

Après une séance d'introduction que je partagerai avec Thierry Drumm, philosophe pragmatiste, lecteur attentif de William James, nous nous pencherons avec d'autres invités sur des pratiques néo-chamaniques, sur l'introduction du candomblé en France, sur la constitution d'un centre social autonome dans la banlieue parisienne, sur les pratiques des groupes d'entraide mutuelle à la bordure de l'institution psychiatrique, sur la mise en place de groupes d'auto-support de personnes atteintes d'une maladie somatique, sur le travail de soin auprès des travailleuses du sexe dans un quartier populaire parisien, sur nos rapports aux plantes qui habitent nos milieux urbains... Cela nous permettra de commencer à dessiner une cartographie des pratiques plurielles de soin et d'attention comme autant de formes d'émancipation.
   

Ces rencontres sont programmées les deniers jeudis du mois aux Laboratoires d'Aubervilliers, à partir de 19h.

Les dates prévues, dont nous annoncerons le contenu ultérieurement, sont les suivantes: les jeudis 27 octobre, 24 novembre, 15 décembre 2016, puis les jeudis 26 janvier, 23 février, 30 mars, 27 avril et 25 mai 2017.


Centre de Désapprentissage de la langue

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CENTRE DE DÉSAPPRENTISSAGE DE LA LANGUE

 

 
common infra/ctions
propose l'ouverture d'un Centre de Désapprentissage de la langue aux Laboratoires d’Aubervilliers. Le Centre sera inauguré par une électro-conférence, une présentation de la recherche en cours et un cocktail.

Interrogeant les automatismes et l'efficacité communicative et questionnant la position dominante des langues « majeures », le Centre de Désapprentissage de la langue se propose d'adresser plusieurs questions liées à la langue et à son rapport à l'identité et la communauté (notamment l’oubli, l’écholalie, la disparition, l’aphasie, les dehors du langage, le non-néegociable, le silence), à travers des ateliers, des dispositifs performatifs, des jeux, des lignes de fuite...

Pour le premier cours, les artistes invitent Natacha Muslera, fondatrice du Chœur Tac-Til (écosystème vocal non voyant à voix multiples), à mener un atelier de déterritorialisation et désapprentissage de la voix.



Ouverture du Centre de Désapprentissage de la langue
Vendredi 14 octobre 2016 à 20h

Électro-conférence, partage de la recherche et cocktail
avec Igor Casas, interprète de signaux

 

DÉSAPPRENTISSAGE 1 : Chœur in situ
Vendredi 21 octobre 2016, de 15h à 18h30

Avec Natacha Muslera, compositrice et musicienne
Atelier sur inscription
 


Présentation

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Le Printemps des Laboratoires #5

 

Le Printemps des Laboratoires est un projet de recherche partagée formulée par Dora García, Alexandra Baudelot et Mathilde Villeneuve, codirectrices des Laboratoires d’Aubervilliers. Il s'agit d'une programmation qui se déploie toute l’année via des ateliers de lecture, des séminaires et des évènements publics (projections de films, tables rondes, performances, etc) relatifs à une problématique particulière, afférente à l’art mais débordant son cadre.

Ce projet construit tout au long de l’année un public “concerné” (chacun est invité à y prendre part, habitants d’Aubervilliers, étudiants, amateurs, experts) qui puisse échanger et mettre en partage ses points de vue et ses expériences. Il s’achève au printemps par un rendez-vous public offrant une mise en perspective finale à une échelle internationale.

Le Printemps des Laboratoires est une plateforme de travail collective qui privilégie les expériences de l’art et du politique à ses représentations, la circulation et la confrontation des idées à leurs formes de transmission autoritaire. Il est un endroit de développement transversal et critique des différents projets menés par les artistes des Laboratoires d’Aubervilliers. Il offre enfin la possibilité d’observer et de penser, depuis un contexte artistique, les questions sociales et politiques actuelles.

La première édition du Printemps des Laboratoires (2013), abordait sous l’intitulé « Commune, Commun, Communauté»,  la question des communs. La seconde édition (2014), « Ne travaillez jamais!», posait celle des relations qui unissent l’art et le travail, tandis que la troisième édition, « Performing Opposition» (2015) explorait l’art dans sa relation à la « polis » à contre courant des pouvoirs institués, la question de performer l’espace public y étant centrale. Pour sa quatrième édition (2016),« La Psychotropification de la société», il s'est agit d'explorer les phénomènes d'augmentation exponentielle de la médicamentation dans le cadre de traitement des troubles mentaux, pour notamment réfléchir aux effets de normalisation et de contrôle, et plus globalement explorer le rapport que la société entretient à la maladie et la folie.

Cette quatrième édition a ouvert un champ très vaste que nous souhaitons continuer à explorer pour cette nouvelle saison. Sous l’intitulé « ESP (Extra Sensorial Perception)», nous proposons de poursuivre pour la cinquième édition du Printemps des Laboratoires nos réflexions via les ateliers de lecture quinzomadaires, le séminaire mensuel « Pratiques de soin et collectifs » ainsi que d’autres rencontres publiques qui s’échelonneront entre les mois d'octobre 2016 et de juin 2017.

Pour cette nouvelle édition, il sera question de comment faire de la place dans nos vies à des voix multiples et contradictoires, à un “Je” non unique, centre de gravité narratif, à des entités non-humaines et autres mondes invisibles, de comment en être remplis sans être assaillis. On se demandera ce que peut être une mystique contemporaine et dans quelle histoire hallucinée, illuminée, visionnaire nous souhaitons nous situer aujourd’hui. On cherchera les méthodes de désindividualisation afin de partager ces visions et de les rendre collectives et habitables.

Nous le ferons en explorant des textes d’hallucinés révoltés, en parcourant des œuvres révolutionnaires, anciennes et actuelles et en rencontrant des collectifs qui agissent aujourd’hui dans le domaine de la santé ou auprès de populations marginalisées, et qui chacun en fonction de leur territoire échafaudent des modes de soins syncrétiques. Cela supposera à la fois de penser de nouveaux ajustements pour une écologie des attentions et de proclamer notre confiance renouvelée dans l’art et la poésie, comme lieux ingouvernables, pleins d’une puissance de dérèglements, de désobéissance et d’imagination pour de nouvelles fictions politiques.

Les ateliers de lecture quinzomadaires qui, comme chaque année, accompagnent la préparation de cette édition du Printemps des Laboratoires débuteront le jeudi 6 octobre 2016.

Par ailleurs, la seconde saison du séminaire« Pratiques de soin et collectifs » construit et mené par Josep Rafanell i Orra commencera le jeudi 27 octobre 2016, il aura lieu chaque dernier jeudi du mois.

 



Présentation

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Bibliothèque des Laboratoires


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Depuis leur ouverture en 2001, Les Laboratoires d’Aubervilliers collectent des ouvrages afin de constituer un fond précis et particulier sur l’art contemporain. Attentifs au travail d’archivage autour des projets réalisés aux Laboratoires, ils créent une ressource précieuse, témoin de la création de projets artistiques dans le contexte contemporain international. La Bibliothèque des Laboratoires d’Aubervilliers est accessible aux horaires d’ouverture du lieu ou sur rendez-vous, le catalogue est consultable depuis le site.

 

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Autant espace de travail pour les artistes, que lieu de rencontres publiques, Les Laboratoires d’Aubervilliers sont un lieu en mouvement. Aussi, et afin de s’assurer de la disponibilité de l’espace de travail et de consultation, il est préférable de réserver. La bibliothèque des Laboratoires d’Aubervilliers peut également accueillir des groupes de travail.


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CONVERSATION I.

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CONVERSATION I.        

playing (in the) Dark Matter Cinema

Mathilde Villeneuve et Graeme Thomson et Silvia Maglioni




Mathilde Villeneuve : Votre résidence common infra/ctions aux Laboratoires d’Aubervilliers a débuté en novembre 2015. Votre recherche se déploie par ramifications, selon des formes et des cadences multiples, circulant à travers différents langages (sonores, visuels, textuels) mais qui tous tendent vers le lieu de l’« infra ». Que recouvre cette notion dans votre pratique ? De quelle manière advient-elle ?  Comment, ou vis à vis de quoi, prend-elle position ? Désigne-t-elle des formes instables (parce que non opérantes, non communicantes, anti spectaculaires) qui puissent se reconfigurer, muter, se déplacer ?

Graeme Thomson : L’usage le plus fréquent du terme « infra » se trouve dans le terme « infrastructure », défini comme suit : les fondations sous-jacentes ou les structures de base d’un système ou d’une organisation ; l’ensemble des composants physiques de systèmes interconnectés fournissant les marchandises et les services  essentiels au maintien et à l’amélioration des conditions de vie sociales. Ce qui signifie que l’ infra est habituellement pris dans un mouvement censé maintenir ou perfectionner la reproduction des plus grandes structures qu’il sous-tend. 

Mais nous pouvons choisir de renverser la trajectoire et nous diriger vers un « infra » (en deçà ou au-delà) qui serait capable de nous faire gagner de la distance, voire même de nous écarter de ces types de structures et de leurs effets, en ouvrant (ou, dirions-nous, en dépliant et propageant) le territoire de l’ « infra » lui-même, afin que ce dernier puisse être expérimenté, pensé et peut-être même habité. Étant toujours en deçà d’un niveau donné, l’ « infra » est potentiellement ce qui résiste ou est incompatible avec l’idée de mesure. Mais nous pouvons aller plus loin et dire que c’est incompatible avec l’idée de structure, si bien que parler d’infrastructure devient une oxymore. L’ « infra » est précisément l’endroit où la structure est la plus encline à être minée et décomposée.

Duchamp spéculait sur ce qu’il appelait l’ « infra-mince » en tant que zone de possible, un espace poétique d’indétermination. S’il fournissait un grand nombre d’exemples intéressants (comme le « porteur d’ombres »), il n’alla pas jusqu’à formuler l’hypothèse d’une dimension politique de l’ « infra » en tant qu’espace de résistance aux structures et, plus généralement, à l’objectivisation. Peut-être parce que c’est le genre de postures dangereuses qui risque de nous replonger dans les macro catégories et les oppositions linguistiques maladroites desquelles nous essayions de nous éloigner. Donc, plutôt que de dire que l’infra est politique, il serait plus juste de considérer les manières selon lesquelles la politique peut fonctionner à un niveau infra.

Silvia Maglioni : L’un de mes exemples favoris de l’infra-mince de Duchamp est“la chaleur d’un siège (qui vient d’être quitté)”. Il y a quelque chose de poétique dans le fait d’essayer de visualiser l’image de la température d’un abandon. Mais ce qu’il y a d’encore plus fascinant, c’est l’idée de doter un objet abandonné, en l’occurrence ici une chaise, de la puissance du possible.

Pour développer cette idée de chaise abandonnée, momentanément privée de sa fonction, on peut revenir à la phénoménologie de l’ « outil cassé », qu’Agamben convoque quand il développe la notion d’inoperosità. Ce qui émerge dans l’expérience (à la fois physique et linguistique) de l’outil cassé ce sont des objets libérés de leur soumission à un usage « normal ». Une sorte de hiatus dans lequel habitude et fonctionnalité sont affectées par des perturbations ouvrant vers un nouvel horizon.
Pour une récente exposition à Zürich, « Shipwreck Study Notes », nous avons trouvé un piano en ruine sur e-bay, une sorte de créature Odradekienne dont tout ce qui restait était la moitié des touches et des marteaux en bois quasi tous déchassés, émettant un son étouffé, quasi inaudible, qui ondulaient sous les doigts. Apparemment inutilisable, abandonné sur le sol de la galerie, le clavier invalide trouva pourtant une nouvelle modalité d’existence lors de l’évènement d’improvisation musicale que nous avons organisé : plusieurs personnes essayèrent de le jouer, découvrant dans ces touches muettes et dans leurs propres gestes, un potentiel insoupçonné et une musique secrète.

Évidemment, en tant que réalisateurs, la chaise de Duchamp pourrait aussi nous faire penser à des fauteuils de cinéma abandonnés (pendant ou après la projection) et à la mémoire des images que la chaleur transporte avec elle…

Le projet à long terme que nous avons conçu autour du scénario de science-fiction non réalisé de Félix Guattari et en particulier autour du personnage principal UIQ, l’Univers Infra-quark (une entité aliène infiniment petite et surtout sans forme) nous a amenés à considérer l’ « infra » en termes de développement de méthode. La manière de la travailler à travers des nombreuses lignes de recherches parallèles est maintenant en train de produire les types d’outils et de formes nécessaires à une propagation. Notre résidence aux Laboratoires d’Aubervilliers nous donne l’opportunité de développer des formes et des idées qui avaient commencé à émerger dans la recherche sur UIQ. Elle nous permet aussi d’expérimenter, ou de fabuler, des situations et des temporalités dans lesquelles ces formes et ces idées peuvent être partagées avec d’autres personnes, avec l’envie que tout soi accordé avec la qualité infra des formes en question, la spécificité de leurs rythmes et de leurs matérialités.


Graeme Thomson : Une autre chose qui nous intéresse quant à cette dimension-infra est la relation au concept de « désœuvrement », qui a été explorée à travers  une série d’œuvres, ou projets, qui se défont en se faisant. Défaire l’objet comme moyen de défaire le sujet (et les catégories structurelles par lesquelles les sujets individualisés sont reconnus et évalués en tant que tel, tels que le travail, l’œuvre, l’identité, la productivité). Ceci peut à la fois apparaître dans (in) et entre (fra) différentes œuvres (qui alors peuvent être considérées comme des composantes) d’une infrasphère émergeante, et pourrait affecter pas seulement les nœuds mais aussi les interstices relationnels de réseaux intersubjectifs.

Avec common infra/ctions nous voulons continuer à habiter cet espace-seuil entre des termes tels que œuvre et désœuvrement, faire et défaire, perception et imperceptibilité, propriété et usage.

Nous voulons aussi situer l’infra en relation avec la notion d’infraction (la transgression des règles, des codes ou même des lois). Même si ça sonne un peu de manière contradictoire, nous voudrions considérer la notion d’ « infra/ction » comme une cassure, une minuscule fissure qui inexorablement modifierait la structure, mais sans que ce soit évident ; simplement, à un moment donné, on se rendrait compte qu’un important changement a déjà eu lieu. Pour nous cela implique de repenser et de re-cartographier la temporalité de ce qui pourrait arriver ou échouer pendant le processus. C’est pourquoi nous commençons aussi à penser en termes de distance et de proximité, deux notions complexes qui sont reliées à la fois à l’espace, au temps et au rapport entre ce qui est mesurable et ce qui tourne autour de l’incommensurable, de l’infra-dimension. La distance et la proximité ne peuvent que partiellement être mesurés en termes quantitatifs.

Mathilde Villeneuve : Le 16 février 2016 vous proposiez un événement public aux Laboratoires d’Aubervilliers : la mise en place d’un premier « Comité nocturne », une soirée qui durait que 1h30 (quand le prochain Comité nocturne de juillet s’étendra de minuit à l’aube) et qui s’articulait en deux temps : une lecture collective d’un jeu de cartes de tarot que vous aviez produit (chaque carte contenait un photogramme de film que vous aviez prélevé dans votre riche filmothèque), suivie d’un montage cinéma que vous aviez élaboré à partir de séquences de films existants et accompagné d’un live sonore de Graeme.


Silvia Maglioni
: C’était en fait la deuxième fois que nous rassemblions un Comité nocturne. La première fois, c’était à Londres, au Royal College of Art, dans le cadre de la dernière année du programme Curating Contemporary Art Exhibition. Le titre que nous avions donné à ce premier rassemblement était « Ora Serrata: recovered fragments of an unbearable body”. Le contexte de l’exposition était un récit dystopique qui imaginait un temps (2125) où les ressources en matériaux et en stockage numérique seraient devenues insuffisantes et d’où toutes les « activités superflues » auraient été bannies, voire effacées, art et cinéma inclus. « Echo Chamber », le décor théâtral de l’exposition, était conçu comme un bunker où l’art pouvait subrepticement continuer à exister, sans devoir s’épancher dans le monde extérieur. Le Comité nocturne londonien s’est donné rendez-vous en pleine nuit pour voir et discuter des fragments amnésiques de films qui auraient échappé à  l’effacement de la mémoire. Ne sachant pas comment ce matériau avait été acquis, ni quand, ni d’où il dérivait, l’objectif du Comité consistait autant à explorer ce que les images avaient pu signifier pour ceux qui les avaient produites que de considérer leurs possibles usages actuels.

Bien que les séquences de film projetés, flottant la nuit, chargeaient intensément l’atmosphère, notre intention de plonger le spectateur dans un état à la fois lucide et hypnagogique ne fut que partiellement satisfaite.

 

Silvia Maglioni et Graeme Thomson, “Nocturnal Committee Session 24 - Ora Serrata: Recovered Fragments of an Unbearable Body”, Curating Contemporary Art Exhibition 2015, Royal College of Art London, photo courtesy Sofia Akram. 



L’expression latine ora serrata réfère à une partie de l’œil située à la frontière entre la rétine et le corps ciliaire, entre voir et ne pas voir. Nous considérons la zone ora serrata comme une espèce d’espace seuil où les séquences de films, alors qu’on se trouve dans un état entre sommeil et réveil, peuvent s’insinuer dans notre inconscient collectif, et ainsi être à la fois vues et non vues. C’est dà dire combien certaines des idées du projet Dark Matter Cinema étaient déjà présentes. Ce qu’il nous manquait alors était l’outil permettant au Comité de décrire et de parler des images et des expériences de façon plus visionnaire, suivant un tempo différent.


Mathilde Villeneuve
: Pendant la première partie de la soirée, vous étiez tous les deux assis autour d’une table ronde recouverte d’un drap rouge (la scène était projetée simultanément sur grand écran). Vous avez invité une personne du public à vous rejoindre, à poser une question en tirant les cartes, puis à interpréter avec vous et le public la réponse pourvue par le tirage. Le tarot est alors apparu comme un formidable support à fabulation collective, un outil de transformation des structures habituelles de conversations, amenées désormais à faire un détour par les images découvertes du tarot…Que cherchiez-vous en convoquant la pratique du tarot de Marseille et en rejouant en partie ses codes ?

 

Silvia Maglioni et Graeme Thomson avec Flavie Pinatel,"Dark Matter Cinema - Nocturnal Committee #1", Les Laboratoires d'Aubervilliers, extrait vidéo.


Graeme Thomson : Notre intérêt pour le tarot date de quand nous étions à Los Angeles, et que nous cherchions et filmions ce qui deviendrait le second mouvement de In Search of UIQ, « Distant Encounters ». Alors que nous improvisions une scène près de Venice Beach, Silvia décida de demander à une médium de lire les cartes pour le film non réalisé de Guattari et l’Univers Infra-quark. Cette demande plongea la femme dans une certaine perplexité, habituée qu’elle était à relier directement sa lecture à la personne se trouvant en face d’elle. Les limites de sa pratique qui apparaissaient alors nous amenèrent repenser les rapports de narration entre le tarot et le cinéma mainstream et aussi sa relation au montage.

Les connections entre les cartes qui sont tirées doivent être interprétées  en fonction des écarts qui résident entre elles, sauf que le médium comble ces écarts en s’appuyant sur des formules toutes faites qui peuvent varier légèrement selon les personnes qui consultent. L’arc narratif que le tirage décrit suit quasiment parfaitement les trois actes classiques de la structure d’un scénario conventionnel : situation, conflit, résolution. Comme si les buts à atteindre, les obstacles à surmonter et les solutions à trouver, étaient les seules choses qui puissent nous intéresser ou nous motiver ! Et là pointe le deuxième problème… C’est toujours à propos de toi. Tu n’es pas censé demander une lecture sur quelqu’un d’autre, ou qui concerne plus que tes propres désirs, tes peurs, tes plans, tes espoirs, etc. Or, n’est-ce pas similaire aux stratégies d’interpellations idéologiques du cinéma commercial qui enjoint le spectateur à projeter ses désirs sur un personnage principal, ou dont les désirs sont toujours individualisés à travers une grille narrative typique : soutenir le héros, espérer que l’héroïne trouve l’amour, etc. Cette grille s’appliquerait-elle de la même manière à des entités non-humaines telles que E.T. de Spielberg ou UIQ de Guattari ?


Silvia Maglioni
:  Oui et qu’est-ce qu’il se passe si tu veux poser une question qui concerne un collectif ou une autre entité non-individualisée ou même non-humaine – une situation politique, un dilemme philosophique ou, comme dans notre cas, le destin d’un film qui n’a jamais été réalisé, un Univers qui n’aurait pas encore été révélé ? 

Comme l’une des voix off (ou plutôt, une voix « out ») le dit quelque part dans notre film :« Aller voir une cartomancienne n'était pas dans le scénario. Mais qui d'autre peut prédire le futur niché dans les cartes et les espaces entre les étoiles, obscurs et inexplorés ? Une théorie du montage ? Ou alors un scénario en cours, repris à l'infini à partir de vieilles intrigues, de personnages types ? Étrange comme le regard des étoiles converge vers une seule âme à la fois, chaque destin aussi unique que fatiguant dans sa familiarité... Où se trouve le futur dans tout ça, la catastrophe à laquelle nous prenons tous part ? »


Graeme Thomson
: Nous nous sommes à nouveau intéressés au tarot il y a quelques années seulement, alors que nous étions invités à performer Underwritten by Shadows Still et à proposer un workshop pour l’exposition d’Alejandro Jodorowsky au CAPC Bordeaux. L’intérêt de Jodorowsky pour ce sujet et son implication dans la restauration du tarot de Marseille (il a notamment rétabli les couleurs d’origine) nous a fait repenser ses liens au cinéma, au point que nous avons commencé à nous demander si des images de cinéma pourraient fonctionner comme des cartes de tarot.

Pendant le workshop de Dark Matter Cinema, nous avons fini par donner place à une expérimentation collective. Nous avons commencé par regarder des extraits de films que nous avions choisis avec des commissaires d’exposition ayant participé à la table ronde de la veille. À tour de rôle, une personne posait une question et sélectionnait une séquence au hasard parmi les dossiers jpegs projetés sur l’écran, qui était ensuite ouverte à l’interprétation du public. Bien que certaines choses dites étaient intéressantes, l’expérimentation ne marcha pas vraiment pour  un certain nombre de raisons. La première était la cinéphilie. Beaucoup de personnes essayaient d’identifier d’où provenaient les extraits de films et les réinséraient dans leur contexte narratif d’origine. La deuxième était que beaucoup des images  (collectées lors de recherches rapides sur google) manquaient de singularité. La troisième était qu’il manquait un rituel propre pour encadrer les lectures.

Donc pour common infra/ctions aux Laboratoires, nous avons décidé de créer un vrai jeu de cartes, et de soumettre le choix des images à un examen plus scrupuleux. C’est la notion de punctum de Barthes qui est devenue le principe directeur du Dark Matter Cinema Tarot : le détail, qui apparaît comme une anomalie dans l’image, qui est comme un trou énigmatique dans sa surface informationnelle qui vient piquer le sujet et éveiller ses désirs.

 

Silvia Maglioni et Graeme Thomson, Dark Matter Cinema Tarot XX,
photo: courtesy des artistes. 

En outre, on avait deux objectifs : le premier était de trouver un usage pour les images cinématographiques qui puisse être « politiquement thérapeutique » (en résonance avec certaines revendications de Jodorowski vis à vis du tarot) et de le faire de manière à ce que les gens puissent s’engager collectivement. En ce sens ce projet de tarot marque la continuation de notre intérêt pour la création de dispositifs qui favorisent la fabulation du groupe et la convivialité discursive. Des dispositifs qui puissent, à travers une sorte de réfraction fictionnelle et descriptive, nous écarter de nos positions rigides et molaires (je pense…à mon avis…selon moi…), de ce que nous pensons déjà, de ce qui a tendance à bloquer ou atrophier une discussion. Le deuxième était de repenser comment le tarot pouvait fonctionner en changeant sa structure et son symbolisme figuratif. Nous avons choisi d’utiliser le cinéma - un art des masses et des multiplicités - pour abolir la hiérarchie entre l’Arcane majeur et mineur. Nous avons remplacé toutes les cartes par des photogrammes de films dont les composantes, comme Guattari le note sur le cinéma en général, résistent à la hiérarchisation sémiotique.  


Silvia Maglioni
: Ce qui nous ramène à une autre caractéristique de l’infra: elle gît du côté du mineur, et ceci est important pour nos recherches liées au langage et à son désapprentissage. En choisissant et en numérotant (à travers un processus numérologique labyrinthique !) les photogrammes pour nos cartes,  nous avons décidé que toutes les cartes seraient mineures mais dotées de pouvoirs majeurs, de sorte qu’elles puissent faire infraction dans l’imaginaire quotidien et les questions qu’il pose. Pour nous, le cinéma c’est précisément cela, le site de l’émergence d’une image mineure, qui si on parle selon les termes du tarot, investit les aspects les plus banals de l’Arcane mineur avec la force symbolique énigmatique de la Majeure.

Extraits de leurs contextes narratifs, ces instants de cinéma arrêtés commencent à fonctionner de manière autonome. À chaque tirage de carte ils entrent dans de nouvelles constellations, correspondances, dichotomies et alliances que le Comité nocturne révèle, lui-même étant guidé par la question posée. Peut-être que nous essayons de ressusciter des anciennes formes traditionnelles de contes oraux (storytelling). Mais, les mots mènent-ils, ou suivent-ils, les images somnambules à travers les plis du temps ?

Nous ne considérons pas le DMC Tarot comme un dispositif post-cinéma. Ce serait plutôt une vie quantique et parallèle de l’image en mouvement. Nous continuons à faire des films et nous adorons aller au cinéma. Il n’y a rien de plus excitant que de voir un bon film projeté sur un écran dans le noir total, qui t’absorbe jusqu’à une partielle « aphanisis ». Peut-être que priver le film de son aura et le rendre à un usage commun est une sorte de profanation. Mais, comme le dit Agamben, la profanation à travers l’usage peut être une manière de restaurer la dimension sacrée et vitale de notre relation aux choses, qui a tendance à disparaitre au profit d’une banale consommation. Il s’agit de retrouver un peu du mystère et de la magie de l’image, ce qui me semble quelque part comme revenir aux origines du cinéma. 


Graeme Thomson
: Cet « usage » que nous avons fait du cinéma est pourtant quelque peu paradoxal. D’un côté c'est grâce au fait que les films aujourd’hui sont privés de leur élément rituel et quasi religieux, qu’ils peuvent être vus et revus, édités, manipulés, montés en utilisant des logiciels de base que la fabrication du DMC tarot était possible. D’un autre côté, nous avons emprunté à un rituel provenant d’une autre sphère, celle de la cartomancie, qui a réinjecté un élément de croyance dans le pouvoir divinatoire du cinéma. Et cet élément rituel du tarot est extrêmement important, la manière dont tu coupes, mélanges, étales les cartes, le temps que tu prends à les choisir. Comme le disait Pascal, on doit agir comme si on y croyait déjà. Participe au rituel – et la croyance, ou l’affect de la croyance, viendra d’elle-même.


Mathilde Villeneuve : Comme toute pratique collective, elle dépend de plusieurs éléments non maîtrisables. En l’occurrence, pendant la séance DMC Tarot, de la nature des questions qui allaient être posées, du tirage des cartes, des réactions et des élucubrations du public ensuite. L’expérience on la sentait fragile, parce qu’en attente d’être prise en charge collectivement.

Ce qui s’est passé. Étonnamment le public s’est autorisé de suite à proposer des interprétations. La question a porté sur la continuité ou l’arrêt de l’état d’urgence (une question politique d’actualité quand votre crainte était que les questions soient à l’inverse trop tournées vers l’intimité des spectateurs). La preuve que le dispositif a été en un sens « effectif » ?

Un autre signe de la réussite de cette soirée est pour moi la qualité d’attention que la première partie (la lecture tarot) a su construire en vue de la deuxième : une multiplicité de liens semblaient se nouer entre les cartes de la première partie de la soirée et les extraits de films de la deuxième, d’associations entre les lectures proposées en amont et les images en mouvement du montage cinéma. Je me rappelle ces échos entre les traversées de lieu désert et la question des migrants (qui étaient la deuxième question posée au tarot) ou encore des espaces fragmentés qui apparaissaient dans de nombreuses images (corps parcellaires, dédoublés dans des miroirs, dans la vitre d’un train, etc.)...

J’ai eu l’impression que vous étiez parvenus, en créant les conditions de ce qu’on pourrait nommer « un vertige », à ouvrir à un champ de signification plus ample, à faire que nous laissions se tisser des relations invisibles, quand bien même elles n’étaient pas énonçables. Nous étions désormais en mesure d’observer des similitudes, des rebondissements entre les mots et les choses, des accroches de sens ou de formes. On se trouvait au-delà d’une situation dichotomique entre croyance vs pensée rationnelle, mais dans un espace d’ouverture et de gonflement de l’imagination, d’affinement de nos perceptions et d’assouplissement de nos attentions. Est-ce cela que vous nommez des « visions » ?  Ces états de conscience dont la délicatesse, l’abandon et l’acuité permettent de produire d’autres langages ?

 

Silvia Maglioni and Graeme Thomson, "Dark Matter Cinema - Nocturnal Committee #1", Les Laboratoires d'Aubervilliers, video capture courtesy the artists 



Graeme Thomson : Notre société semble laisser peu de place aux visions, encore moins à leur mise en partage. Avoir des visions (entendre des voix par exemple), est habituellement perçu comme le signe d’une pathologie, un désordre neurodégénératif, quelque chose à dissimuler. Les lieux pour transmettre et partager ces expériences de vision sont extrêmement limités et circonscrits. Tu pourras toujours raconter un rêve particulièrement troublant à ton psychanalyste ou à un ami proche qui essaiera d’en tirer du sens. Ou, si tu es artiste, tu essaieras probablement de canaliser ta vision dans une œuvre, mais  le risque est que cette dernière soit transformée par la médiation, l’exégèse et les procédures bureaucratiques en un objet inoffensif et déterminé. Un de nos intérêts actuels réside dans la création de conditions et de dispositifs (dans l’esprit des « outils de convivialité » d’Ivan Illich) pour le partage, la circulation et l’usage de visions, qui seraient comme des contagions bénignes, voire même plutôt guérissantes.

Cela vient encore du film de science-fiction non réalisé de Guattari, Un amour d’UIQ. De la même manière que le scénario nous avait affectés d’une manière particulière, comme s’il avait été projeté dans un espace mental, comme s’il avait été un « cinéma du cerveau », nous nous demandions comment cela pourrait contaminer d’autres personnes et comment à leur tour ces dernières pourraient propager des visions que le script provoquerait en eux.

Pourquoi avons-nous prêté tellement attention à ce film-ci alors que des milliers de scripts non réalisés disparaissent chaque jour, abandonnés par les réalisateurs à force de désespoir ou oubliés dans les fonds de tiroirs des producteurs ? Peut-être parce que, racontant l’histoire de l’avènement d'un Univers (l’Univers Infra-quark), ce film touche à une question cinématographique vitale mais fréquemment ignorée – le fait que tout film devrait créer son propre univers, contenir ses propres lois et secrets, ses propres rapports de force. Les films que nous aimons et dont nous nous souvenons sont comme des entités vivantes, ou des pays que nous visitons ; ils sont toujours la promesse d’y trouver quelque chose que nous n’avons pas encore vu ni compris. C’est en ce sens qu’ils sont des univers.

Ainsi le film de Guattari nous a donné l’occasion d’expérimenter un autre type de conversation collective, basée non pas sur la connaissance (qui tend rapidement à devenir un vecteur de pouvoir et de division) mais sur le non-savoir, la vision, la spéculation, et pas seulement à propos du film mais aussi de l’univers qu’il promet de révéler. Nous avons appelé ces conversations autour du film non réalisé de Guattari des « seeances » - terme qui renvoie au spiritisme en tant qu’il est un ingrédient de la soupe primaire culturelle de laquelle émergent le cinéma et la croyance dans le cinéma, à la différence près qu’ici le médium qui reçoit les visions n’est pas une personne mais le groupe entier. Dans un sens, on peut dire que cette dimension collective est déjà présente dans les séances spiritistes, à travers différents rituels censés  générer une sorte d’énergie de groupe et de croyance (se tenir les mains autour de la table, etc.) sauf que dans ce cas c’est canalisé vers et à travers la figure du médium qui fonctionne comme une sorte de membrane avec l’au-delà, tel un gardien transcendantal.

Ce que nous voulions c’était aussi aller au-delà du rôle du médium en tant qu’il est une figure ou un relais pour une identification spectaculaire, et transformer l’horizon transcendantal en un champ social poreux de désirs immanents. La grande fragilité des visions qui ne reposent pas sur un savoir peuvent générer une situation où les participants s’entraident pour bâtir à partir de ce qu’ils croient voir. C’est comme la base d’une « communauté qui vient » qui fonctionne à partir d’un constructivisme du moment présent (les visions comme signe et corps d’un film que nous sommes déjà en train de voir, ou que nous commençons à voir) qui est en même temps projeté vers le futur.


Silvia Maglioni : Quelque part, nous pensions déjà à UIQ comme à une sorte de matière noire cinématographique. En partie à cause de la manière dont Guattari répondait dans son script aux films de cette période (les années 80). Un peu comme quelqu’un qui regarderait une machine et imaginerait une manière de la faire mieux fonctionner, presque comme pour la « guérir ». Ou peut-être la ferait-il fonctionner d’une toute autre façon de celle pour laquelle elle était prévue. Mais son film ne fut jamais réalisé. En un certain sens, on fait tous ça : extraire une bonne idée d’un film quelconque, nous demander comment elle aurait pu être développée autrement, ou inventer un univers parallèle dans lequel un autre récit pourrait avoir lieu ou se poursuivre.

Alors qu’avec Un Amour d’UIQ notre focus principal était la part non-réalisée de la matière noire du cinéma, nous avons avec le Tarot étendu nos recherches à toute l’histoire du cinéma. Il n’est plus simplement question d’essayer de voir la vie d’un film qui n'a jamais été tourné, mais de saisir les possibilités non encore révélées dans des films existants, en essayant de découvrir la dimension quantique virtuelle qui habite un photogramme. Comme dans les Tarots divinatoires, la question qu’on pose aux cartes DMC (et donc aux photogrammes de cinéma) et la « séquence » dans laquelle ils apparaissent (qui produit une sorte de montage) peuvent radicalement changer la signification et l'effet d'une image. Arrachés à leurs histoires par le jeu du hasard et de la fatalité, les plus petits détails semblent scintiller de l’aura d’un savoir secret.

Le montage de séquences que nous avons fait pour la deuxième partie de la soirée démarre par un principe que nous avons plus ou moins établi pour l’intégralité de common infra/ctions, soit, une alternance entre contraction et expansion. Là, nous élargissions l’idée de la table, celle où l’on tirait les cartes, à la table de montage, où l’intégralité des séquences (plutôt que des photogrammes) apparaissaient et disparaissaient, émergeaient, ou fondaient les unes dans les autres dans un rythme hypnagogique, proche d’une sorte de somnambulisme, de sleepwalking, ou mieux de sleepwatching, invitant le Comité nocturne à habiter les absences et les trous dans les images, qui pour nous, donnent à voir des régions de la matière noire cinématographique et déplient les plans de son espace et temps intérieur. Je pense que les échos et connexions que tu évoques sont largement dus au pouvoir des visions collectives du Comité nocturne.


Graeme Thomson :  Nous avons vu surgir un intéressant mélange de registres cette soirée. La nature ouvertement politique de la première question a instauré une discussion vivante mais j’ai ressenti que c’était d’importance secondaire par rapport à la manière dont la question se reflétait dans les cartes et dont les réponses de l’assemblée du Comité rebondissaient dans les images. Une question personnelle aurait pu s’avérer tout aussi intéressante. La chose importante est ce qu’il se passe au cours du processus de réfraction : quelles sont les faces cachées et possibilités  révélées par et dans les cartes ? Des problèmes individuels convergents impliquent déjà une dimension d’énonciation collective de la même manière qu’une situation politique concernant tout le monde peut atteindre les recoins les plus intimes de notre existence.

Ce qui était intéressant pour moi était le fait que plus on regardait les images et considérait les différents vecteurs de forme et de signification qui les connectaient entre eux via la manière dont les cartes avaient été tirées, plus ces derniers semblaient élargir la réponse du Comité nocturne à la question originellement posée, en composant une cartographie complexe. À la fin les lignes de conversation poursuivies sont devenues bien plus souples que ce qu’on aurait pu attendre d’une question d’actualité si chargée et émotionnelle. Et sans aucun doute, cela a modifié aussi la manière dont les gens ont réagi au montage qui a suivi en deuxième partie de soirée.


Mathilde Villeneuve : Il semble que votre relation au cinéma procède à la fois d’une grande connaissance de son histoire et d’une tentative d’étirer et d’exploser son format. Quel est ce « Dark Matter Cinema » que vous désignez et recherchez ?

Graeme Thomson : Par l'agencement de ces trois mots, nous ne voulons pas juste dire la matière noire du cinéma ni référer à un certain type de cinéma qu’on labelliserait « matière noire ». Nous avons tendance à considérer le cinéma dans sa totalité comme matière noire – a dark matter–, à regarder à la fois la relation du cinéma à l’invisible et ce qui reste invisible dedans, ce que nous pourrions nommé son infra-dimension. 

Comme le disait Silvia, l’idée du Dark Matter Cinema était déjà présent dans le projet d'UIQ mais elle s’est affinée avec le Comité nocturne, qui, devait consister en un rassemblement de personnes en un espace indéterminé entre un état de sommeil et d’éveil, et fonctionner comme un organisme collectif ou un corps aménageant un espace-temps pour l’épuisement (ce que Jean-Luc Nancy nomme “Tombe de sommeil”), tout en restant vigilant vis à vis de ses propres potentiels d’endormissement. Ce qui veut dire que le Comité nocturne devait encourager une circulation de sommeil d’un genre particulier, un sommeil qui pourrait être défini comme une des propriétés ou impropriétés du cinéma, du moins d’un cinéma considéré dans son état « quantique », entre les cristallisations de la structure et du sens.

La limite interne du cinéma pourrait être désigné comme une sorte de vertige, un désir de tomber dans l’image, avec le risque de perdre complètement conscience, et avec, de perdre l’image elle-même, qui tomberait à son tour dans la perte du dormeur. Comme le dieu grec Hypnos, le film (la caméra, la mise en scène) veille sur le sommeil particulier qu’il induit, mais idéalement il se déplace lui-même vers une zone d’indistinction entre des états actifs et passifs (un passage qui passe). Mais il y a un seuil, ou bien une membrane d’échange, où les deux sont maintenus dans une sorte de suspension, ce qui est un lieu très intéressant où se trouver tant dans la durée (soit, le lieu ultime où se tenir avant que le sommeil temporairement perde la possibilité même du lieu et nous plonge avec lui dans une indistinction entre être et non-être). C’est comme se tenir à bord d’un précipice d’ouverture ou de réceptivité à la révélation des possibilités qu’une image contient, dénudée de son identité narrative, peut-être comme un retour à un état d’enfance d’une proto-conscience sensorielle non hiérarchisée. Donc dans ce Comité nocturne on aurait idéalement différents degrés de sommeil et de vigilance interagissant dans une conscience et fatigue réciproques. 


Mathilde Villeneuve : Pour rentrer un peu plus dans les détails des matériaux de votre recherche, pourriez-vous décrire la traversée que vous avez menée dans votre filmothèque ? Qu’est-ce qui a motivé le choix de tel photogramme pour le tarot ou de telle séquence de film pour votre montage ? Aussi, comment s’est établi le lien entre le montage visuel et sonore ?

Graeme Thomson : Comme nous l’avons dit, l’un de nos principes directeurs était de trouver le puncta cinématographique dans les films que nous aimions et que nous connaissions, ou croyons connaître, et qui auraient mystérieusement influencé notre propre trajectoire cinématographique, un photogramme ou une séquence qui d’une certaine façon excède le cadre narratif du film et en même temps peut être considérée comme une « image quelconque », une pure singularité prise dans un jeu entre contingence et fatalité. De tels instants sont comme des aperçus de l’infra-cinéma, l’invisible composant du visible, ce que nous ne voyons pas dans ce que nous voyons ou l’impensé dans ce que nous pensons voir.

Nous sommes fascinés par ce potentiel dans le cinéma, ce qui est désigné par le nom mémorable de l’hôtel dans The Shining : The Overlook. Le cinéma est toujours une question de ce double sens de overlooking, de voir trop ou trop peu, et souvent les deux en même temps. Il y a aussi cette tendance que nous avons à ne pas voir les films de façon isolée mais comme des constellations reliées les unes aux autres ou comme les chambres d’une maison hantée (comme the House of Fiction de H. James) connectées via des portes secrètes et des passages secrets. De même, le mixage son que j’ai fait pour la soirée DMC a été conçu comme un déplacement continu où les pièces individuelles perdent leur identité aux frontières où elles se chevauchent et se modulent les unes les autres. Travaillant à la radio, ou comme DJ, ou même quand je joue de la musique à la maison, plusieurs pièces ensemble dans différents espaces, j’ai toujours été attiré par ces interzones soniques et les étonnantes textures harmoniques que tu peux obtenir parfois, des choses qu’on trouverait jamais dans une seule composition, même la plus complexe. Les possibilités combinatoires de cette infra-musique interstitielle semblent infinies.


Mathilde Villeneuve : J’aimerais aussi vous entendre sur le caractère collectif de votre pratique.  À la fois vous travaillez beaucoup tous les deux, votre recherche s’appuie sur un grand nombre d’objets de connaissance (des écrits, des films, de la musique) mais tout en créant les conditions de partage de cette recherche, comme en témoigne les différents rhizomes de votre projet « common infra/ctions » (comme en témoignent les titres eux-mêmes : Temps donnés, Fiches de convivialité, Centre de désapprentissage de la langue…) Cette mise en collectif bâtit la dimension éminemment politique de votre travail. La migration successive et la contagion constituent-elles pour vous des modes de vivre ensemble comme l’est une langue qui se forme en se défaisant et avance par contamination?

Silvia Maglioni : C’est une description tout à fait juste… Pour nous la question est de savoir comment proposer des manières d’être ensemble à travers des dispositifs qui parviennent à créer une véritable alternative à certaines formes d'art post-relationel et participatif, ces « paradis artificiels » avec leurs mots d'ordre (Communauté, Démocratie, Participation !) qui peuvent être extrêmement problématiques. En ce sens nous trouvons que la réflexion de Suely Rolnik sur Lygia Clark et l’importance de contaminer l’institution avec une généreuse dose de subtile puissance poétique (pour prolonger l’héritage radical de Guattari sur la schizoanalysis) constitue un antidote au populisme grandissant de beaucoup des programmations artistiques et culturelles. Encore une fois, on revient à l’outil cassé, un art mineur qui dans son bégaiement, produirait de nouvelles proto-subjectivités à travers l’invention de formes et de dispositifs de retrait et de révocation. 

Il n’y a pas de communauté constituée. S’il y a une affirmation d’une certaine idée de la communauté, elle est davantage de l’ordre de la communauté sans communauté, une communauté sans langage partagé ou code figé, plein de trous et de distances, une communauté qui vient des toujours-déjà-exclus, partageant leur échec et refus à s’adapter aux modèles qui sont offerts à leur consommation participative. Si on prend cette notion de communauté de singularités, d’appartenance sans identité, cela exige de travailler paradoxalement depuis la notion de l’impossibilité de collectivité et de poser la question de la non représentabilité puisqu’elle ne peut se présenter soi-même que ponctuellement. C’est pour ça que c’est important de transformer les conditions d’être ensemble.
Nous avons besoin d’environnements où les gens commencent à sentir différemment l’espace et la présence de chacun, qui résultent de changements de ton de voix, de cadence, de rythme de parole, de perception du temps tout autant que d’acceptation de silence et de co-présence d’une polyvocalité sémiotique non discursive. Un déplacement dans l’atmosphère, même s’il est difficile de dire exactement en quoi cela consiste.

Graeme Thomson : Ici, la question du rythme est particulièrement importante, forgeant les conditions pour une idiorythmie bienveillante. Le silence est extrêmement intéressant depuis cette perspective. La possibilité d’être ensemble en silence. Cela semble pouvoir avoir lieu que lorsqu’il y a un centre d’attention commun ou un élément rituel (un spectacle, un groupe de méditation, une minute de silence officielle lors des deuils nationaux). Mais il faudrait plutôt appréhender la possibilité d’un silence entre les gens comme d’un espace-temps potentiel d’intensités variables qui créé des ouvertures à différentes sortes d’infra-ruptures ou d’infra-férences. Désapprendre nos réponses habituelles et ne jamais prendre comme donné quelque champ intersubjectif qu’il soit.



CONVERSATION I.

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CONVERSATION I.        

playing (in the) Dark Matter Cinema

Mathilde Villeneuve and Graeme Thomson and Silvia Maglioni  




Mathilde Villeneuve : Common infra/ctions, your residence at the Laboratoires d’Aubervilliers, began in November 2015. It includes numerous lines of research that take several different forms, rhythms and tempos and that circulate through different languages that may be sonic, visual or textual but all of which tend towards the space of the infra. What does this notion of the infra refer to in your practice and how does it come about? In what way and in relation to what does it position itself? Is it a matter of unstable forms (whether inoperative, non-communicational or anti-spectacular) that can reconfigure themselves, mutate, shift?

Graeme Thomson : The most common use of infra- is in the word infrastructure for which we find the following definitions: the underlying foundations or basic framework of a system or organization; the ensemble of physical components of interrelated systems providing commodities and services essential to enable, sustain, or enhance societal living conditions. Which is to say that the infra is normally caught up in a movement designed to maintain or enhance the reproduction of the larger structures which it subtends.

But we can reverse this direction of travel and move towards the infra (that which is below or beyond) as a way of gaining distance or even detaching ourselves from these kinds of structures and their effects, while at the same time opening up (or we could say unfolding and spreading out) the territory of the « infra » itself so it can be experienced, thought and perhaps, in some obscure sense, dwelt upon. Always being "below" a given level of measure, the « infra » is tendentially that which resists or is incommensurable with measure, but we could go further and say that it’s incommensurable with structure, so finally to talk about infrastructure is a bit oxymoronic. The infra is precisely the place where structure is most open to being undermined and decomposed.

Duchamp speculated on what he called the infra-mince as a zone of the possible, a poetic space of indeterminacy, and he provided a number of interesting examples of what he had in mind (such as "bearer of shadows") but he didn’t go so far as to posit the political dimension of the infra as a space of resistance to structure and objectivisation in a larger sense. Perhaps because this is the kind of dangerous move that risks plunging us back into the macro categories and clunky linguistic oppositions we were trying to get away from. So rather than saying that the infra is political it might be better to consider the ways in which a politics can function on the level of the infra.

Silvia Maglioni :  One of my favourite examples listed by Duchamp to explain the infra-mince is “la chaleur d’un siège (qui vient d’être quitté)”. There is something poetic about trying to visualise the image of a temperature of abandonment. But what is even more fascinating is the idea of investing an abandoned or discarded object, in this case a chair, with the power of the possible.

To push the abandoned chair, which is momentarily bereft of its function, a little bit further, we can go back to the phenomenology of the broken tool, which Agamben takes up in his notion of inoperosità. What emerges in the experience (both physical and linguistic) of the broken tool are objects that are freed from their subsumption to “normal” use, a kind of hiatus in which habits and functionality undergo some kind of disturbance, opening up a different horizon. For a recent exhibition in Zurich, “Shipwreck Study Notes”, we found a wrecked piano on e-bay, a kind of Odradekish creature where all that was left were the half-dislodged keys and wooden hammers which made a dull, almost inaudible sound when pressed, and which concertinaed in a kind of wave when you ran your fingers over them. Seemingly unusable, abandoned on the gallery floor, the invalid keyboard found a new mode of being when we organised a musicking improv event and several people tried to “play” it, discovering an unavowable potential and a secret music in the mute keys and in their own gestures.

Obviously, as filmmakers, Duchamp’s chair might also make us think of abandoned cinema seats (whether during or after a screening), and the memory of the images that the heat can carry…

The long-term project we conceived around Félix Guattari’s unmade sci-fi screenplay and especially its central character UIQ, the Infra-quark Universe (an infinitely small and above all formless alien entity) has led us to consider the « infra » in terms of developing a method, a way of working that through a number of parallel lines of research is now beginning to produce the kind of tools and forms that it needs in order to propagate. Our residency at the Laboratoires d’Aubervilliers gives us the chance to develop a number of forms and ideas that were already beginning to emerge from the UIQ research. It also allows us to experiment with or fabulate possible scenarios and temporalities in which they can be shared with other people – but it’s important that these should be attuned to the infra quality of the forms in question, to the specificity of their rhythms and materials.


Graeme Thomson : Another thing that interests us about this infra-dimension is its relation to the concept of unworking or worklessness (désœuvrement), which we have been exploring through a series of works or projects that are somehow engaged in their own unmaking. Unmaking the object as a way of undoing the subject (and the structural categories by which individualized subjects are recognized and evaluated as such, e.g. work, identity, productivity). This can happen both within (in) and between (fra) different pieces (which therefore might also be considered components) of an emerging infrasphere, just as it might affect not only the nodes but also the relational interstices of an intersubjective network.

With common infra/ctions we want to go on inhabiting this threshold space between such terms as work and worklessness, making and unmaking, perception and the imperceptible, property and use.

We also want to place the infra in relation to the notion of infraction (the breaking of rules, codes or even laws). Even if it sounds a bit paradoxical, we’d like to consider the notion of the infra/ction as another kind of breakage, like a hairline crack that might inexorably undermine a given structure but without drawing too much attention to itself until a fundamental change has already occurred. For us this equally involves rethinking and remapping the timescale of what might happen or fail to happen in the process. That’s why we are also starting to think more in terms of distance and proximity, two extremely complex notions which relate to both space and time, and the rapport between what is measurable and what turns towards the immeasurable, the infra-dimension. How close or how far something is can only partly be measured in quantitative terms.

Mathilde Villeneuve : On February 16, 2016 you held a public event at the Labos, the first session of a Nocturnal Committee lasting 90 minutes, (while the second, due to be held in July, will continue on through the night), that was articulated in two movements: a collective reading of a tarot pack that you produced (with each card bearing a still image from a film taken from your expansive movie collection) followed by a montage of sequences assembled from existing films and accompanied by a live sound-mix performed by Graeme.


Silvia Maglioni
: This was actually the second time we called a gathering of the Nocturnal Committee. The first occasion was in London, at the Royal College of Art, as part of last year’s Curating Contemporary Art Exhibition. The title we gave to this first gathering was “Ora Serrata: recovered fragments of an unbearable body”. The context of the show was a dystopian narrative that imagined a time (2125) when material resources had become scarce and all ‘wasteful activities’ had long been banned and even forgotten, art and cinema included. “Echo Chamber”, the theatrical set of the exhibition, was intended as a kind of bunker where art could surreptitiously continue to exist, without leaking into the outside world. The London Nocturnal Committee met in the dead of night to watch and discuss amnesiac film fragments that had supposedly seeped through the cracks of the storage cull. Unaware of how this material had been acquired, or when, or where it derived from, the aim of the Committee was to explore what the images may have meant to those who produced them as well as to consider their possible uses.

Although the film sequences that drifted through the night on two screens created a very charged atmosphere, our aim of generating a lucid yet hypnagogic state of viewership was only partially achieved.

 

Silvia Maglioni and Graeme Thomson, Nocturnal Committee Session 24 - Ora Serrata: Recovered Fragments of an Unbearable Body, Curating Contemporary Art Exhibition 2015, Royal College of Art London, photo courtesy Sofia Akram



The Latin expression “ora serrata” (the title we gave to our gathering) refers to a part of the eye that marks the boundary between the retina and the ciliary body, where vision borders on unseeing. We consider the ora serrata zone a kind of threshold space where film sequences can seep into our collective unconscious at once seen and unseen, visible and invisible, in a state between sleep and waking. So some of the ideas of what became the Dark Matter Cinema project were already in place, but what we were missing was a tool that would enable the Committee to describe and talk about the images and related experiences in a more visionary way, in a different tempo.


Mathilde Villeneuve
: For the first part of the evening, you were both seated at a round table covered in a red cloth (the scene was simultaneously projected onto a big screen behind you so it could be viewed by the surrounding public). You then invited a person to join you and pose a question while drawing cards from the shuffled pack and then to interpret the resulting fall of the cards along with you and the audience. In this way the tarot became an excellent support for collective fabulation, a tool for transforming familiar structures of conversation which were derouted by the images the tarot revealed. What exactly were you looking for by convoking the tradition of the Marseille tarot, while in part hacking its codes?

 

Silvia Maglioni and Graeme Thomson with Flavie Pinatel, Dark Matter Cinema - Nocturnal Committee #1, Les Laboratoires d'Aubervilliers, film still courtesy the artists


Graeme Thomson : Our interest in tarot goes back to when we were in Los Angeles researching and filming what would become the second movement of In Search of UIQ, “Distant Encounters”. There was a scene we improvised near Venice Beach when Silvia decided to ask a tarot reader to read the cards for Guattari’s unmade film and the Infra-quark Universe, a request that threw the woman into some confusion, since her normal practice was to relate the reading directly to the person in front of her. The limitations of her approach got us thinking about the narrative rapport between tarot and mainstream cinema and also its relation to montage.

Connections between the cards laid out in the sequence have to be interpreted across the gaps between them, but at the same time we know that the reader bridges those gaps by relying on a set of tried and trusted formulae that she can vary slightly according to each individual case. The narrative arc she describes follows almost exactly the classic three-act screenplay structure of situation, conflict, resolution. As if achieving goals, overcoming obstacles or finding solutions were the only things anyone could be interested in or driven by.

And then there is the second problem. It’s all about you. You’re not supposed to request a reading for someone else, or that concerns more than yourself, your own desires, your fears, plans, hopes etc. Isn’t this similar to the ideological interpellation strategies of mainstream cinema which coax the viewer to project his or her desire onto an individual protagonist, or whose desires are in any case individualised through that particular kind of narrative grid – rooting for the hero, hoping the heroine finds love etc., a grid that will apply equally to non-human entities like Spielberg’s ET or Guattari’s UIQ?


Silvia Maglioni
: Yes. So what if you want to ask about something concerning a collective or some other kind of non-individualized or even non-human entity – which could be a political situation, a philosophical dilemma or, as in our case, the fate of a film that was never made, of a Universe that remained undisclosed? 

As one of the voices-off (or, rather, OUT) says somewhere in our film: “Visiting a cartomancer wasn’t in the script. But who else would know about the future, what lay in the cards and in the dark, unaccounted for spaces between stars. A theory of montage? Or a script in the making, endlessly rehashed from old storylines, stock figures. Odd how the stars look down to earth on one soul at a time, each destiny as unique as it is wearyingly familiar. And where finally is the future in all this, the catastrophe in which we all have a share?”


Graeme Thomson
: It was only a couple of years later, when we were invited to perform Underwritten by Shadows Still and to propose a workshop for Alejandro Jodorowsky exhibition at CAPC Bordeaux, that we went back to looking at the tarot. Jodorowsky’s interest in the subject and his involvement in the restoration of the Marseille tarot made us think again about its links with cinema, to the point where we began to wonder if cinema images themselves could be made to function like tarot cards.

As a collective experiment, during our workshop on Dark Matter Cinema we began looking at film stills that we had chosen together with a number of curators who had taken part in a round-table discussion the previous day. In turn, someone from the public would ask a question and select a random sequence from the file of jpegs projected on a screen, which was then opened to the audience’s interpretation. Though some of what was said was quite interesting, the experiment didn’t really work for a number of reasons. The first was cinephilia, as a lot of people were trying to identify the films the stills came from and reinsert them in their original narrative context. The second was that many of the images (culled from hasty google searches) lacked singularity. The third was that we were missing a proper ritual in which to set the readings.

So for common infra/ctions we decided to create an actual pack of cards, and to subject the choice of images to more rigorous scrutiny. It was Barthes’ notion of the punctum that became the guiding principle for the Dark Matter Cinema Tarot, the anomalous detail in the image that is like an enigmatic hole in its informational surface that inexplicably pricks the subject and awakens their desire.

 

Silvia Maglioni and Graeme Thomson, Dark Matter Cinema Tarot XX, courtesy the artists

Furthermore, we set ourselves two objectives: the first was to find a use for cinema images that could be politically “therapeutic” (in resonance with some of the claims Jodorowski makes for the tarot) and to do so in a way that people could engage with collectively. In this sense the tarot project also marks the continuation of our interest in creating devices to foster group fabulation and discursive conviviality, devices that through a kind of fictional or descriptive refraction can displace us from rigid, molar subject positions (I think... in my opinion... according to me...), what we already believe to be the case, that can block or atrophy discussion. The second was to rethink how the tarot itself could function by changing its structure and figural symbolism, using cinema – an art of masses and multiplicities – to abolish the hierarchy between Major and Minor Arcana, replacing all the cards with film stills whose components, as Guattari remarked of cinema in general, resist semiotic hierarchisation.  


Silvia Maglioni
: Which brings us back to another characteristic of the infra: it’s on the side of the minor, and this is important for the lines of our research connected to language and its unlearning. In choosing and numbering (through a somewhat labyrinthine numerological procedure) the film stills for our cards, we decided that all the cards were minor but with major powers, in a way that could infract upon the imaginary of daily life and the questions it poses. For us cinema is precisely this, the site of the emergence of a minor image that, in terms of the Tarot, invests the more mundane aspects of the Minor Arcana with the enigmatic symbolic force of the Major.

Removed from their narrative contexts, these frozen instants of cinema begin to function autonomously and with each fall of the cards they enter into new constellations, correspondences, dichotomies and alliances that the Nocturnal Committee reveal, guided by the question that has been posed. Partly we’re trying to resuscitate the oral traditions of campfire storytelling. But do the words lead or follow the sleepwalking images through the folds of time? 

We don’t consider the DMC Tarot a post-cinema device, it’s more like a quantic, parallel life of the still moving image. We continue to make films and we love going to the movies, there’s nothing more exciting than seeing a great film in total darkness on a screen that absorbs you to the point of partial aphanasis of your subject position. Perhaps depriving a film of its aura and giving it over to common “use” is a kind of profanation. But, as Agamben says, profanation through use can be a way of restoring the sacred, vital dimension of our relation to things that tends to be lost through banal consumption, a way of retrieving some of the image’s original magic and mystery, which seems to me like going back to early cinema somehow. 


Graeme Thomson
: And yet this “use” we've made of cinema is somewhat paradoxical. On the one hand we were able to do it thanks to the way films, stripped of their ritual, quasi-religious element, can now be viewed again and again on laptop screens, edited, manipulated, cut up and restitched using basic software. On the other it borrows a ritual taken from another sphere, that of cartomancy, to re-inject this element of belief in the divinatory power of cinema. And this ritual element of the tarot is extremely important, the way you cut, shuffle, lay out the cards, the time you take in selecting them. It is as Pascal says that one should act as if one already believes – participate in the ritual – and belief – or the affect of belief – will come by itself.


Mathilde Villeneuve : Like any collective practice, it depends on several variables that can’t be fully mastered. In the case of the DMC seance, the nature of the questions posed, the fall of the cards, and the ensuing responses and imaginings of the audience. One felt the fragility of the experience on account of this expectation that it should be the Committee as a whole who take charge of the proceedings.

Which is exactly what happened. Amazingly, the public felt authorized to propose its own readings. The first question regarded the possible continuation or end of the ongoing state of emergency – an urgent political question, while you were afraid that the questions posed might on the contrary be of a too personal or intimate nature. Perhaps a proof of the device’s effectiveness?

Another sign of the success of the evening for me was the quality of attention that the first part (the tarot reading) was able to carry over into the second: there seemed to be a multiplicity of lines connecting the cards that were laid out with the film extracts that followed, numerous associations between the proposed readings and the movement of the montage. I recall distinct echoes between the desert crossings and the question about migrants (the second posed to the tarot), or the fragmented spaces (partial bodies, mirror doubles, appearances in train windows etc)...

I felt that by creating the conditions for what we might call "a vertigo" you managed to open up a much wider field of meanings, leaving us to weave invisible relations even if these couldn’t be expressed. We were henceforth able to note resemblances between words and things, handholds of sense and form. One found oneself in a situation beyond the usual dichotomies of belief and rational thought, in a space that opened and swelled the imagination, refining perception and softening attention, making it more supple. Is this what you mean by having “visions”? Do these delicate states of consciousness, between abandonment and acuity, lead to an emergence of new languages?

 

Silvia Maglioni and Graeme Thomson, "Dark Matter Cinema - Nocturnal Committee #1", Les Laboratoires d'Aubervilliers, video capture courtesy the artists 



Graeme Thomson : Our society seems to have little place for visions, and even less for the sharing of them. Having visions, like hearing voices, is normally viewed as sign of a pathology, a neurodegenerative disorder, something to keep under your hat. The outlets for the transmission and sharing of visionary experiences are extremely limited and circumscribed. You might recount a particularly troubling dream to a psychoanalyst or a close friend who will try to make sense of it or if you happen to be an artist you might try to channel a vision into a work, which then risks being transformed through mediation, exegesis and legal bureaucratic procedure into a harmless, well-defined object. One of our current interests is to create the conditions and actual devices (much in the spirit of Ivan Illich’s tools for conviviality) for the sharing, circulation and use of visions, almost in terms of a benign or even salutary contagion.

This again came out of working on Guattari’s unmade science-fiction movie, Un amour d’UIQ. Just as the screenplay had affected us first of all as a cinema of the brain, a movie to be screened in a mental projection room, we wondered how it might contaminate others who came into contact with it and how they could in turn affect one another with the visions the script provoked in them.

Why did we focus so much attention on this particular film when there are thousands of unmade scripts that routinely vanish into the oblivion of the writer’s despair or the producers’ slush pile? Perhaps because, being the story of the advent of a universe (the Infra-quark Universe), this film touched upon a vital but often ignored cinematic question: that any film worth the name should create its own universe, with its own laws and secrets, its own relation of forces. The films we love and remember are like living entities, or countries we can visit, always being sure of finding something we hadn’t yet seen or understood. In this sense they are like universes.

So Guattari’s film gave us the opportunity to experiment with another type of collective conversation, one based not on knowledge (which tends to quickly become a vector of power and division) but on unknowing, vision, speculation, and not only about the film but also the universe it promised to disclose. We called these conversations around Guattari’s unmade film “seeances”, with a nod to spiritism as a possible ingredient of the primordial cultural soup from which cinema and the belief in cinema emerged, but with the difference that here the medium receiving the visions should not be one person but the whole group. You could say this collective dimension is in a sense already present in the spiritist seance, through various rituals designed to inculcate a kind of group energy and belief (the holding of hands around the table etc.) but there it is channelled towards and through the figure of the medium who functions as a kind of membrane with the beyond, a transcendental gatekeeper.

What we want to do is partly to break the hold of the medium as a figure or relay of spectacular identification and transform the transcendental horizon into a porous social field of immanent desire. The very fragility of visions that have no support in knowledge can produce a situation where the participants help each other to build upon what they think they are seeing, it’s like a basis for a kind of coming community that functions through a constructivism of the present moment (visions as sign and body of a film we are already seeing, or beginning to see) that is at the same time projected towards the future.


Silvia Maglioni : Somehow we already thought of UIQ as a kind of cinematic dark matter. Partly because of the way Guattari was himself responding to the movies of the period (the 1980s) in his script. A bit like a guy who takes a look at a machine and figures out a way to make it run better, to “cure” it almost, or perhaps to perform a completely different task from the one it was intended for. But his film was never made. We all do this to some extent. Isolate a single great idea in a movie, ask ourselves how it could have been developed differently, or invent a parallel universe where an alternative scenario could take place or continue.

While with Un Amour d’UIQ our main focus was the unmade side of the dark matter of cinema, with the Tarot we have extended our research across its whole history, it’s no longer simply a question of trying to see the life of an unmade film but of grasping undisclosed possibilities in existing films, trying to uncover the quantic virtual dimension that inhabits and protends from a single photogram. But just as happens with other divinatory Tarots, the question one poses to the DMC cards (and therefore to the cinema stills) and the “sequence” in which they appear (which produces a kind of montage) can radically alter their meaning and effect. Wrenched from their narrative histories by the play of chance and fatality, the smallest details seem to gleam with the aura of a secret knowledge.

The montage we made for the second part of the evening started from a principle that we more or less established for common infra/ctions as a whole, the alternation between contraction and expansion. Here we expanded the idea of the table where the cards fell to the screen as an editing table where entire sequences (rather than stills) would appear and disappear, merge, or fade in and out of each other in a hypnagogic rhythm approaching a kind of sleepwalking, or better sleepwatching, inviting the Nocturnal Committee to inhabit absences and holes in images that for us manifest regions of this cinematic dark matter and unfold the planes of its inner space and time. I think the echoes and connections that you mention were largely an effect of the collective visionary power of the Nocturnal Committee.


Graeme Thomson :  I think we saw an interesting mix of registers that night. The overtly political nature of the opening question created a lively discussion but I felt it was of secondary importance to the way the question was refracted by the cards and the responses of the assembled Committee to the images. A personal question could have been just as interesting. The important thing is what happens to it in this process of refraction, what hidden facets and possibilities are revealed by and within the cards. Seemingly individual concerns already imply a dimension of collective enunciation in the same way that a political situation that is of concern to all can affect the most intimate corners of our existence.

What was interesting to me was the fact that the more one looked at the images and considered the different vectors of form and meaning that connected them by the way the cards fell, the more they seemed to broaden the Nocturnal Committee’s response to the initial question into a complex cartography. As a result the lines the conversation pursued became much more supple than one might have expected with such a charged and emotive topic. And this no doubt also fed into the way people responded to the moving-image montage that followed.


Mathilde Villeneuve : It seems that your rapport with cinema combines an enormous knowledge of its history with an attempt to expand or explode its format. What exactly is this thing you call Dark Matter Cinema that forms a considerable part of your current research?

Graeme Thomson : By the arrangement of these three words, we don’t simply mean the dark matter of cinema nor do we refer to a particular type of cinema that could be labelled as dark matter-like. We want to consider cinema as a whole in terms of dark matter – or as a dark matter– to look both at cinema’s relation to the invisible and at what remains invisible in it, which we could also call its infra-dimension. 

As Silvia said, the Dark Matter Cinema idea was already present in the UIQ project but it only really began to come to the fore in the Nocturnal Committee, a gathering of people who would meet in an undefined space between sleep and waking states, functioning like a collective organism or body that might provide space and time for an exhaustion that Jean Luc Nancy calls “the fall of sleep” (tombe de sommeil) while keeping vigil over its own possibility of sleeping. Which is to say that the Nocturnal Committee would foster a circulation of sleep of a particular kind, the sleep we would say that is one of the properties or improprieties of cinema, or perhaps of cinema in its quantum state, between crystallizations.

What cinema bears as its internal limit is a kind of vertigo, a desire to fall into the image that comes with the risk of completely losing awareness and with it the image itself, which falls into the sleeper’s loss. Like the Greek god Hypnos, the film (the camera, the mise en scène) keeps vigil over the particular sleep it induces, but ideally it itself moves in a zone of indistinction between active and passive states (a passage that passes). But there is a threshold or membrane of interchange where the two are held in a kind of suspension, which is a very interesting place to be as long as it lasts (the last place to be before sleep temporarily loses the place and plunges us with it into an indistinction of being and non-being). It’s like standing at the very edge of the cliff of openness or receptivity to a disclosure of possibilities that an image contains, denuded of its narrative filmic identity, perhaps like a return to an infant state of non-hierarchised sensorial proto-consciousness. So within the Nocturnal committee you would ideally have different degrees of sleep and vigil interacting in a reciprocal awareness and weariness. 


Mathilde Villeneuve : To be a bit more specific about the materials of the research, could you describe the paths you have taken through your film library? What guided the choice of this or that still for the tarot pack, or of a given sequence for the montage? And how was the montage related to the accompanying sounds?

Graeme Thomson : As we said, one of our guiding principles was the question of finding cinematic puncta in films we loved and knew or thought we knew, and that in their mysterious ways may have influenced our own filmmaking trajectory, a still image or a sequence that somehow exceeds the film’s narrative frame and that at the same time can be considered an “any-image-whatever”, a pure singularity caught in the play between contingency and fatality. Such instants are like glimpses of this infra-cinema we call Dark Matter Cinema, the invisible component of the visible, what we don’t see in what we see or the unthought of what we think we see.

We are fascinated by this potential in cinema, what is memorably designated by the name of the hotel in The Shining, the Overlook. Cinema is always a question of this double sense of "overlooking", of seeing too much or seeing too little, failing to see, and usually both at the same time. Then there is also a tendency we have to view films not discreetly but as linked constellations or like rooms of a haunted house (like James’s House of Fiction) that are connected by hidden doors and secret passageways. Likewise, the sound mix I made for the DMC night was conceived as a shifting continuum where the individual pieces lose their identity at the borders where they overlap and modulate each other. Working on the radio, DJ-ing, even when playing music at home, several pieces together in different rooms, I’ve always been drawn to these sonic interzones and the amazing harmonic textures you can get from them sometimes, things you would never find in a single composition, however layered. The combinatorial possibilities of this interstitial infra-music seem endless.


Mathilde Villeneuve : I’d also like you to speak about the collective aspect of your practice. You work a lot on your own, as a duo, and your research feeds off numerous cultural objects (texts, films, music) while at the same time creating the conditions in which it can be shared, as it's clear from many of the lines of the common infra/ctions project: Temps donnés, Conviviality Cards, Dark Matter Cinema, the Centre for Language Unlearning... I would say that this becoming-collective is at the foundation of the openly political dimension of your work. Would you say that migration of forms and contagion constitute for you ways of being together as does a language that forges itself in its unmaking and proceeds by contamination?  

Silvia Maglioni : It’s a pretty accurate description… For us the question is how to propose ways of being together through these devices that manage to create a real alternative to much post-relational or participatory art, those “artificial hells” with their order words (Community, Democracy, Participation!) that can be extremely problematic. In this sense we find Suely Rolnik’s reflections on Lygia Clark and the importance of contaminating the institution with generous doses of subtle poetic force (continuing Guattari’s radical legacy of schizoanalysis) an antidote to the increasing populism of a lot of art and cultural programming. Again, we go back to the broken object, a minor art that in its stuttering, would hopefully produce new proto-subjectivities through dissent and the invention of forms and devices of withdrawal and revocation.

There is no already constituted community. If there is an affirmation of some idea of community it’s more of the order of the community without community, a community without a shared language or binding code, full of gaps and distances, a coming community of the always already excluded, sharing their failure or refusal to adapt themselves to the models that are offered for their participative consumption. If we take this notion of a community of singularities, of belonging without identity, it demands working paradoxically from the notion of the impossibility of collectivity and poses the question of its unrepresentability since it can only present itself on occasion. That’s why it’s important to create a shift in the conditions of being together. We need environments where people would begin to feel the space and each other’s presence differently, resulting in changes of tone of voice, cadence, rhythm of speech, perception of time as well as the admission of silence and the co-presence of a non-discursive semiotic polyvocality. A shift in the atmosphere, though it’s hard to say exactly what it might consist in.

Graeme Thomson : And here the question of rhythm is particularly important, forging the  conditions for  a sympathetic idiorhythmy. Silence is extremely interesting from this perspective. The possibility of being together in silence. It only seems to happen when there is a common focus of attention or ritual element (a spectacle, group meditation, a minute’s official silence on occasions of national mourning). Rather than conceiving the possibility of silence between people as a potential timespace of variable intensities that creates openings for different kinds of infra-ruptions or infra-ferences. An unlearning of one’s habitual responses to a given intersubjective field.  



"Du film performatif"

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Du film performatif
Erik Bullot




On assiste actuellement dans le champ du cinéma expérimental et de l’art contemporain à de nombreuses performances qui tentent de remplacer le film par son simple énoncé sous la forme de conférences illustrées ou de lectures. Des fragments d’un film à venir (photographies, documents, fragments de scénario) sont présentés en guise du film lui-même. On ne peut que s’interroger sur ces nouvelles formes. De quoi sont-elles le symptôme ? La conférence illustrée s’inscrit assurément dans le tournant pédagogique de l’art, féru de didactisme et d’utopie éducative, mais traduit aussi, par la projection d’images en mouvement et l’évocation d’un film à venir dont elle n’est que l’esquisse, un déplacement du cinéma vers des formes dissociées de son socle technologique [1]. Le cinéma n’est plus rivé à la séance traditionnelle. Il ne se définit plus par la seule réunion d’un public, d’une salle obscure, d’une durée fixe et d’une projection réglée. Il s’actualise, pour reprendre l’expression de Pavle Levi, « par d’autres moyens » selon des remédiations parfois rétrogrades en empruntant ses modalités à des formes ou des médiums plus anciens [2]. On peut observer à loisir ces effets de migration et de métamorphose. Le cinéma change de corps. Je pense par exemple au projet d’Uriel Orlow, Unmade Film. Face à l’impossibilité éthique de tirer un film de son sujet qui supposerait de mettre en regard le trauma de la Shoah et la destruction d’un village palestinien, l’artiste choisit de déconstruire le paradigme filmique en disséminant son projet artistique dans différentes installations inspirées par la logique du cinéma : les repérages, le storyboard, le script, la partition, la voix off, les répétitions, la mise en scène, la conférence-performance [3]. Le film est désormais à venir, témoignant d’une indétermination essentielle du médium. Le cinéma a-t-il d’ailleurs jamais bénéficié d’une véritable assise ontologique ? Ne s’est-il pas toujours défini par la migration et le déplacement de ses usages ? On assiste aujourd’hui à la reconfiguration de formes oubliées ou latentes de son histoire, notamment par le retour du bonimenteur qui accompagnait de ses commentaires et de ses récits la projection des films avant l’institutionnalisation de la séance autour des années 1915. Cette part longtemps refoulée de l’histoire du médium, désormais activée à nouveaux frais, nous invite à réfléchir sur la nature performative de la séance de cinéma dont le projectionniste fut aussi l’un des agents. Dans le sillage du cinéma élargi (expanded cinema) et de la critique institutionnelle, ces conférences performées ou bonimentées tendent à produire une relation renouvelée avec le public.


DÉFINITION. L’expression film performatif insiste et rencontre un certain succès. Mais comment la définir exactement ? L’adjectif performatif emporte avec lui deux significations : l’une, proprement linguistique, selon les critères proposés par Austin, relative aux verbes performatifs qui réalisent une action par le fait de leur énonciation, selon des conditions sociales déterminées, à l’instar des verbes baptiser ou promettre, la seconde relevant du champ plus général de la performance artistique depuis les années 1960. On assiste chez certains artistes ou cinéastes à une pratique performative du cinéma à la jointure de ces deux significations. Difficile de totalement séparer ces deux définitions : la performance au sens artistique, qui insiste sur la primauté de l’événement et de l’expérience, emporte une dimension performative au sens linguistique. Le performatif ne s’applique plus seulement aux actes de langage mais caractérise aussi nos conduites sociales, politiques, sexuelles [4]. Il s’agit ici de performer le film en son absence. Le choix des qualificatifs adoptés par les artistes pour définir leur performance traduit la relative instabilité du format : conférence, conférence illustrée, conférence performative, projection, conférence-performance, conférence non-académique. Observons dans un premier temps ce que le film performatif n’est pas en le distinguant d’une conférence, d’un film, d’une pièce de théâtre ou d’une performance.


CRITÈRES.

— 1. Le film performatif emprunte souvent la forme de la conférence par la présence d’un orateur ou d’un lecteur face à un auditoire. Notons la présence éventuelle de certains éléments propres à la dramaturgie de la conférence : table, lampe, ordinateur, micro, lutrin, verre d’eau, écran de projection —; position assise ou non du conférencier —; choix ou non d’une amplification de la voix. L’artiste peut choisir d’exhiber les outils techniques de sa conférence (réglages en direct, présence du bureau de l’ordinateur sur l’écran), devenu lui-même une manière de projectionniste, d’appariteur ou de bateleur, à l’instar des séances de Jean-Marc Chapoulie, ou au contraire de présenter une continuité visuelle sans heurt ni rupture, véritable film augmenté de sa seule parole, à l’instar d’Alexis Guillier ou de Rabih Mroué. Sans doute la présence du corps de l’artiste, la place de la parole, l’adresse au public, la possibilité d’un débat à l’issue de la séance accusent-elles la dimension performative de la conférence qui réfléchit ses propres conditions de possibilité en parcourant une archive (Graeme Thomson et Silvia Maglioni), en évoquant un film à venir impossible et virtuel (Uriel Orlow), en confondant fiction et document (Alexis Guillier), en analysant des images trouvées sur YouTube (Rabih Mroué). La forme du métalogue batesonien affleure en filigrane [5]. Peut-on imaginer, comme le suggère Franck Leibovici, la simple conversation comme film performatif ?

— 2. Le film performatif peut partager certains traits propres à la séance cinématographique : la présence d’un public, l’horaire, l’obscurité de la salle, la projection sur un écran. Il recourt très souvent à la projection d’images, fixes ou animées, en présentant les extraits d’un film à venir, les ruines d’un film inachevé ou les fragments d’une archive, mais celle-ci est toujours accompagnée d’une parole ou d’une bande sonore en direct. Film bonimenté, en un sens, qui renoue avec le cinéma des premiers temps. La projection toutefois n’est pas une condition nécessaire. Le film performatif peut aussi emprunter la forme d’une simple lecture (pensons aux lectures de Marcelline Delbecq) ou d’une série d’instructions proposées aux spectateurs, performatif au sens strict en réalisant le film par son seul énoncé, dans le prolongement des travaux de Fluxus ou du lettrisme qui déconstruisent le protocole de la séance de cinéma en invitant le spectateur à produire son film imaginaire singulier [6]. L’artiste peut alors disparaître au profit d’instructions ou de consignes données aux spectateurs qui performent le film selon un protocole plus ou moins respecté.

— 3. Le film performatif participe du théâtre ou du spectacle vivant. Le choix des éléments de décor, les éclairages, le costume de l’artiste, l’activation (éventuelle) d’un script, la part de jeu, mais surtout la communauté formée par l’interaction entre le conférencier et le public rappellent les conditions d’une représentation théâtrale, même si le choix d’une intonation neutre, l’exhibition des paramètres techniques de la séance lui confèrent souvent un certain brechtisme, à la manière dont certaines expériences théâtrales contemporaines explorent les formes didactiques de la leçon, du colloque ou du débat. Sans doute ce retour du théâtre, longtemps refoulé dans l’histoire du cinéma, rappelle-t-il combien ce dernier entretient une relation originelle avec le spectacle forain et l’univers des attractions. Évoquons aussi les lectures de scénario par des acteurs ou, mieux encore, la présence de comédiens actualisant un film sur scène, jouant ou mimant une séquence, rappelant l’exercice de films sans pellicule proposé par Lev Koulechov à ses étudiants de cinéma dans les années 1920, performances théâtrales en regard d’une caméra virtuelle [7]. Il ne s’agit pas toutefois d’opposer la présence du film performatif à la médiation technologique. Le film performatif emporte sa part de technique par le recours aux outils : ordinateur, amplification sonore, projections. Le jeu même du conférencier prend parfois des allures d’automate, comme le suggère l’usage du micro ou du playback. Mais la boucle de rétroaction formée par la présence d’un public reste un élément déterminant du film performatif.

— 4. L’activation du film en direct par l’artiste, la mobilisation de son corps, la nature assez unique de l’événement, même s’il est susceptible de nouvelles présentations ou de reprises, relèvent de la performance [8]. L’artiste convoque un certain nombre d’éléments (extraits de films, images fixes, lectures, enregistrements sonores, musique en direct) qui favorisent la cristallisation d’un film virtuel ou en puissance, aussitôt démembré à la fin de la séance, selon la métaphore du « cinéma explosé » proposée par Graeme Thomson. À l’heure de la dissémination du cinéma dans l’espace public, le film performatif accuse l’instabilité du médium, son atomisation et ses reconfigurations virtuelles, à l’image de notre navigation sur Internet qui renvoie davantage, selon les termes de Lev Manovich, à une promenade dans l’espace qu’à une organisation du temps. Soulignons d’ailleurs combien la plupart de ces films performatifs usent d’images trouvées, samplées et détournées, soumises à de nouveaux agencements et éclairages, selon la tradition du found footage. Au fil de digressions et d’associations d’idées, le film performatif actualise un ensemble éphémère de références érudites et de souvenirs personnels, d’images trouvées et d’archives sonores, qui n’existe que lors de son énonciation publique. Difficile dès lors d’en rendre compte : le filmage de la séance, les photographies de la performance, la publication du texte lu ou improvisé ne sont que des pis-aller qui reconduisent les débats critiques sur l’archive de la performance [9]. Que penser de la photographie d’une silhouette tronquée par le couvercle d’un ordinateur, parcimonieusement éclairée, devant un écran de projection ? Le film performatif peut-il donner lieu à une description comparable aux découpages proposés par une revue comme L’Avant-scène cinéma qui retracerait minutieusement les gestes et les déplacements du conférencier, son discours et ses intonations, les images projetées sur l’écran, les sons diffusés ? L’exercice s’avère rapidement vertigineux. Ne sommes-nous pas en présence, pour reprendre l’hypothèse de Raymond Bellour, d’un « texte introuvable », par l’activation d’une œuvre rétive à la description au moment où le film traditionnel est devenu, lui, grâce à sa reproduction et diffusion numérique, un objet désormais manipulable, lisible, propre à la citation  [10] ? Plus récemment, Bellour reprend son hypothèse en se demandant si l’installation ne renouvelle pas les enjeux théoriques du « texte introuvable » [11]. À cet égard, le film performatif, actualisé au moment de sa présentation publique, pouvant donner lieu à variations et rajouts au gré de ses reprises, participe également du « texte introuvable » filmique.


DU PERFORMATIF. Proposons cette définition du film performatif : un événement, unique ou susceptible de reprises, qui actualise, à travers une série d’énoncés, verbaux, sonores, visuels, corporels, émis par un ou plusieurs participants en présence de spectateurs, un film virtuel, inachevé, à venir ou imaginaire. Situé entre les différents médiums — conférence, film, théâtre, performance —, le film performatif en exacerbe chacune des puissances par une « dénudation du procédé ». Réduit à son simple énoncé, il s’actualise sous les yeux des spectateurs en exposant l’ensemble de la chaîne de fabrication, de la simple intuition à sa cristallisation plastique, renvoyant l’artiste à la fonction de producteur. S’agit-il d’une forme renouvelée d’intermédia selon le terme proposé par Dick Higgins en 1966 ? Higgins analyse de nouvelles pratiques artistiques situées entre les médiums (il situe les performances de John Cage entre musique et philosophie, ou les poèmes-constructions de Filliou entre poésie et sculpture), mais également, prenant acte d’une profonde mutation sociale, entre l’expérience artistique et l’expression de la vie elle-même (life medium), abolissant la frontière entre l’art et la vie. Higgins conclut son manifeste par ces phrases éclairantes : « Le vieil adage n’a jamais été aussi vrai que maintenant, à savoir dire une chose ce n’est pas la faire pour autant. Simplement parler dans nos mouvements ouvriers du Viêt-Nam ou de la crise ne garantit rien contre la stérilité. Nous devons trouver les façons de dire ce qui doit être dit à la lumière de nos nouveaux moyens de communication. Pour cela, nous aurons besoin de nouvelles tribunes, organisations, critères, sources d’information. Il y a beaucoup à faire pour nous, peut-être plus que jamais. Mais c’est maintenant que nous devons gravir les premières marches. [12] » Il est frappant qu’il se réfère au performatif ou plus précisément aux échecs du performatif (« quand dire, ce n’est pas faire »), qui constituent une part importante des réflexions d’Austin, pour évoquer une situation politique concrète. En observant ses propres conditions de possibilité, le film performatif excède le champ autonome de l’art pour envisager son dehors. L’occupation d’un musée, d’un centre d’art, d’une bibliothèque ou d’un appartement privé participe de cet enjeu [13]. Peut-on interpréter certaines situations sociales critiques comme des films performatifs ? Par exemple, l’occupation du parc de Gezi à Istanbul en juin 2013. S’agit-il d’un film performatif avec ses assemblées générales et ses forums, sa dramaturgie proche du théâtre épique brechtien, son art du montage des images et des slogans, son renversement de la relation entre acteur et spectateur ? Sans doute le film performatif a-t-il pour ressort ultime de créer une communauté par l’instauration d’une nouvelle interaction avec le public. Politique du film performatif.


SOUSTRACTION. Ne prend-on pas le risque d’être au diapason de la liturgie néo-libérale, comme le suggère Graeme Thomson dans son entretien, en répondant aux critères d’efficacité et de compétence ? D’une certaine manière, l’artiste promeut son propre travail par sa performance, il en est le bateleur parfois essoufflé. Mais en substituant à la réalisation du film son énonciation, il s’agit d’un « film en moins », favorisant une logique du retrait qui déréalise le film par soustraction. Performer un film au sens strict, dans la logique de l’efficacité et de la compétence, supposerait en effet sa réalisation, aux moyens de budgets dispendieux de préférence, accompagnés d’un battage promotionnel conséquent. L’hypothèse du film performatif propose au contraire la soustraction du film à venir, son suspens, son différé, au sein d’une communauté éphémère. À cet égard, on peut s’interroger sur la pertinence de l’adjectif performatif. Convient-il d’inventer un nouveau terme qui se tiendrait en deçà de la réalisation ? À relire attentivement Austin, on mesure à quel point un performatif peut échouer si ne sont pas réunies certaines conditions : contexte pertinent, personnes appropriées, sens de la sincérité. Austin consacre plusieurs chapitres aux échecs du performatif qui ne répond pas seulement, loin s’en faut, aux seuls critères de l’efficacité et de la compétence. D’où la fragilité du film performatif en quête de ses conditions de possibilité, jamais assurées, toujours incertaines, soumis aux aléas et aux échecs. Sans doute le film performatif ne fait-il qu’actualiser des puissances latentes du cinéma, laissées en jachère, au gré de nouvelles situations historiques. Il serait intéressant à cet égard de rebrousser l’histoire du cinéma élargi, par exemple, ou du paracinéma, pour observer les occurrences passées du film performatif. Les instructions Fluxus ou les séances lettristes, notamment chez un artiste comme Roland Sabatier qui aura exploré de manière systématique la discrétion et la retenue, au diapason d’une sorte de neutralité filmique, participent déjà de cette forme, accusant une indétermination essentielle du médium, échappant à toute affirmation qui le stabilise ou même le réalise, toujours à retrouver ou à réinventer. Le film performatif procède à une remédiation rétrograde au moment où le cinéma se transforme : outre le retour du bonimenteur, apparition sur scène du projectionniste, instabilité du support filmique, situation renouvelée de dialogue avec la communauté des spectateurs, nécessité d’une adresse, production d’une situation. Le cinéma sera performatif, ou ne sera pas.



Erik Bullot aux Laboratoires d'Aubervilliers pour la première séance du cycle Le Film et son double, en avril 2015
_crédit photo : Ouidade Soussi-Chiadmi







1.-  Cf. Thomas Clerc, « Le régime didactique de la performance », artpress 2, n°18, Performances contemporaines 2, 2010, p. 103-112. 

2.-  Lire Pavle Levi, Cinema by Other Means, New York, Oxford University Press, 2012. 

3.-  Lire dans ce même numéro du Journal des Laboratoires le texte d’Uriel Orlow, « Film performance, conférence performance ».

4.-  Cf. notamment Judith Butler, Le Pouvoir des mots. Politique du performatif, trad. Charlotte Nordmann, Paris, Éditions Amsterdam, 2004.

5.-  Rappelons la définition du métalogue : « une conversation sur des matières problématiques qui doit se constituer de sorte que non seulement les acteurs y discutent du problème en question, mais aussi que la structure du dialogue dans son ensemble soit, par elle-même, pertinente au fond. » in Gregory Bateson, « Métalogues », in Vers une écologie de l’esprit 1, trad. F. Drosso, L. Lot et E. Simion, Paris, Seuil, 1995, p. 27-88.

6.-  Cf. Andrew V. Uroskie, Between the Black Box and the White Cube, Chicago, The University of Chicago Press, 2014, p. 51-83.

7.-  Cf. Pavle Levi, « Notes about General Cinefication », in Cinema by Other Means, op. cit., p. 77-104.

8.-  Rappelons combien la séance de cinéma fut longtemps considérée comme une performance à travers le rôle du bonimenteur mais aussi celui du projectionniste qui littéralement performait le film dans sa cabine.

9.-  Nous avons aussi décidé, en accord avec les participants, de ne pas enregistrer les séances du cycle Le Film et son double, qui n’ont donné lieu qu’à quelques photographies. La préparation d’un volume sera l’occasion de réfléchir aux modalités de restitution : entretiens, photographie, commentaires critiques.

10.-  Raymond Bellour, « Le texte introuvable », Ça cinéma 7/8, 1975, repris dans l'Analyse du film, Paris, Calmann-Lévy, 1995, p. 40.

11.-  Raymond Bellour, « Trente-cinq ans après, le “ texte ” à nouveau introuvable ? », in Images contemporaines, Luc Vancheri (dir.), Lyon, Aléas, 2009, p. 17-33

12.-  Dick Higgins, « Statement on Intermedia », publié dans Dé-coll/age, n°6, Wolf Vostell (dir.), Francfort/New York, Typos Verlag/Something Else Press, juillet 1967. Traduction Louis Desrenards.

13.-  Les 1 et 3 mars 2015, l’artiste Pierre Mercier réunissait quelques spectateurs dans son propre appartement, invités à abandonner leur téléphone portable dès l’entrée, pour prendre place dans une pièce plongée dans la pénombre, douée d’une atmosphère propice aux transformations, et assister à la projection de son film Promenade obscure accompagnée d’une bande sonore diffusée en direct.

Présentation

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Pauline Simon



Dans le cadre de sa présence aux Laboratoires depuis janvier 2015, Pauline Simon a développé plusieurs axes de recherches qui ont abouti en avril 2016 à la création de Postérieurs (le futur n'existe pas mais des futurs insistent)à la Ménagerie de Verre à Paris : une pièce chorégraphique où le Futur pourrait être observé depuis des points de vue non-anthropocentrés.

Plusieurs mois après sa création, Les Laboratoires d'Aubervilliers accueillent cette nouvelle pièce constamment travaillée de l’intérieur. Ils invitent également l’association Braquage à dialoguer avec Pauline Simon pour concevoir une programmation de films expérimentaux et d’auteurs comme autant de sources qui viennent mettre en lumière, amplifier, détourner, décaler et renforcer les axes développés dans ce travail chorégraphique.

Pauline Simon, chorégraphe, danseuse, performeuse et musicienne amateur, se forme au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, dans le cursus contemporain.Elle est interprète pour Joanne Leighton, Mickaël Phelippeau, ou dans ses propres projets, elle collabore également avec Ambra Senatore autour d'une performance, La Vente aux enchères, ou en qualité de regard extérieur (Volmir Cordeiro, Ines, ...). 

Lauréate en 2012 pour son projet Exploit du Concours Danse élargie, initié par Boris Charmatz. En 2013, elle crée Sérendipité, puis Perlaborer avec la complicité de Vincent Dissez à Avignon pour les sujets à vif. Avec l'association Suprabénigne, Pauline développe depuis trois ans ans une démarche artistique propre où cohabitent danse, performance, théâtre autour des notions de langage, identité, représentation et perception.


L’association Braquage/Aménagements expérimentaux a pour but de favoriser la connaissance, l’étude et la découverte du cinéma expérimental en organisant projections, festivals, rencontres (avec des cinéastes, des auteurs…), conférences et formations, ainsi que des ateliers pratiques d’initiation. Créé en 2000, Braquage est une association Loi 1901, animée par des cinéastes, des pédagogues, des programmateurs et des artistes.

Depuis une quinzaine d’années, Braquage a proposé environ 500 séances de cinéma expérimental, mêlant films historiques et contemporains. Les programmations ont lieu aussi bien dans des lieux alternatifs que dans des institutions (FEMIS, Cinémathèque française, Centre Pompidou, musées des Beaux-Arts, Forum des Images, Hôpital de Nanterre, Musée de la Danse…), ainsi que dans le cadre des festivals de Bobigny, Saint-Denis, La Rochelle, Belfort, Dreux, Châteauroux, etc. De manière plus générale, Braquage a présenté des séances à Lille, Strasbourg, Belfort, Saint-Étienne, Toulouse, La Rochelle, Rennes, Le Havre, Rouen… mais aussi à l’étranger (Europe, Etats-Unis, Brésil…).

Postérieurs (le futur n'existe pas mais des futurs insistent)

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15. Septembre 2016 - 19:30» 22:00
Jeudi 15 septembre 2016, 19h30

 

Postérieurs (le futur n'existe pas mais des futurs insistent)
suivie d'une carte banche à Sébastien Ronceray.


Postérieurs est une épopée marine. Quatre danseuses chantent pour le retour, dansent pour l'accalmie, lisent l'avenir dans les entrailles d'une créature des mers... Ici, l'apocalypse s'est produite ou se produira. La scène devient un seuil que les danseuses franchissent à la recherche des derniers vestiges ou de premiers pas. Ce monde à quatre est remplie de signes de la disparition : élégie, décompte, aux revoirs, fléau, mais dans le même temps construit son langage, et réassocie les rythmes, couleurs, les sons et les gestes.

Postérieurs est un objet qui regarde le futur comme la face cachée dans notre dos, nichée dans un angle mort. On construit un un espace en marge, suspendu entre mythe et anticipation. S'y rencontrent absurde, minimalisme, et onirisme.


Chorégraphie et mise en scène
:
Pauline Simon en collaboration avec les interprètes
Interprètes: Paula Pi, Celine Cartillier, Aude Lachaise et Pauline Simon
Collaboration, accompagnement : Pauline Brun
Textes : Celine Cartillier, Pauline Simon et Aude Lachaise
Régie son, plateau, et vidéo : Eric Yvelin
Lumières : Florian Leduc
Des passages ou des échanges précieux
: Duncan Evennou, Julien Lacroix, Antoine Cegarra, Elise Simonet, Léa Lansade, Joffrey Becker
Costumes : Maman ( aka Marie-Thérèse Simon.) et quelques achats sur internet
Remerciements : Benoit Verjat, Eric Minh Cuong Castaing ainsi que ceux qui se reconnaîtront car les gestes pour ce projet furent nombreux

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Ce projet est soutenu par la DRAC Ile-de-France, la Ménagerie de Verre, Les Laboratoires d’Aubervilliers, Montévidéo centre de créations contemporaines, Marseille dans le cadre d’un soutien de la région PACA – dispositif APOCS , la spedidam, le CCN de Nantes, le Théâtre de Lorient, et par des accueils studios au CND, CDC Atelier de Paris. Il a bénéficié de l’aide à l’écriture et de l’aide à la résidence Beaumarchais/SACD.



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Carte Blanche à Sébastien Ronceray / Braquage


Partant d’une forme d’Apocalypse qui se révèle par-delà nos perceptions quotidiennes, dans le territoire des bannis de la Cité, ce programme de films expérimentaux creuse des formes de trauma remettant en cause l’existence même des repères ontologiquement humains mais aussi figuratifs, narratifs, perceptifs. Comment est attaquée la matière, celle de la pensée et même celle des outils de création ? Qu’est-ce qui dans le corps (des humains, des matériaux) peut être sauvé, réanimé ? Peut s’exercer alors sur nous la sensation de renaissance au-delà de notre recouvrement du monde et des images.


Banlieue du vide de Thomas Köner (2003)     
Allemangne/Mini DV/n&b/12'

There is still enought Time de Mathieu Bouvier et Céline Cartillier (2016)
France/Numérique/couleur/30’

Our Voices are Mute de SJ. Ramir (2008)                      
Nouvelle-Zélande/Mini DV/couleur/5’

Stadt in Flammen de Schmelzdahin (1984)                  
Autriche/16mm/couleur/5

Principle 8 de Botborg (2005)                                   
Collectif International/Mini DV/couleur/4'

The Last Shot de Cécile Fontaine (1999)                        
France/16mm/couleur/7'

Cannot Exist de Stan Brakhage (1994)                       
EU/16mm/couleur/muet/3’

Le bourreau turc de Georges Méliès (1903)                     
France/16mm/n&b/muet/3'





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